21 février 2019, Bruxelles.
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Education/Citoyenneté

Mobilisation climat : en Belgique, les citoyens sont aux commandes !

Depuis plusieurs semaines, les jeunes Belges se mobilisent pour le climat et descendent dans la rue pour faire pression sur le gouvernement. Ils considèrent que les efforts réalisés par les institutions ne sont pas suffisants. En contrepartie, de nombreuses initiatives portées par des citoyens fleurissent sur tout le territoire. ID fait le point sur quelques récentes avancées, politiques et citoyennes.  

La colère monte dans ce pays de plus de 11 millions d'habitants, situé en 15e position dans le classement 2018 de l'université de Yale qui recense les pays les plus performants en matière de développement durable. Selon un rapport publié fin 2017 par le Bureau Fédéral du Plan belge, un organisme d'intérêt public chargé de réaliser des études et des prévisions sur des questions de politique économique, socio-économique et environnementale, la Belgique progresse trop lentement pour atteindre d'ici 2030 les 17 objectifs fixés par l'ONU en 2015. Le pays a certes augmenté la surface de ses zones maritimes et terrestres protégées et enregistre une baisse de la production de déchets municipaux et de la consommation d’eau. Mais le rapport souligne un manque d’efforts et de résultats en matière de lutte contre la pauvreté, de développement des énergies renouvelables et de réduction de l'empreinte carbone. 

De nombreux militants considèrent qu'il s'agit là de manquements liés à la politique gouvernementale. En témoigne l'événement survenu mardi 19 février : une conférence internationale sur le réchauffement climatique et la préservation des océans avait lieu, organisée par la ministre du développement durable et le ministre de la mer du Nord. Des membres du collectif citoyen "Extinction Rebellion" étaient présents et ont hué les chefs d’État invités, prêts à signer la "Déclaration de Bruxelles". Les militants réunis considèrent que le texte, qui insiste sur l'importance de la recherche scientifique, appelle à réduire les émissions du transport maritime et réaffirme les engagements internationaux déjà pris, "n’est pas assez ambitieux" (lire l'article de la RTBF).  L’un des militants a même réussi à s’infiltrer et a interrompu le discours du premier ministre Charles Michel pour l'interpeller sur "l’urgence climatique". 

Des avancées législatives et des projets plus symboliques...

Ces dernières années, les autorités ont pourtant pris certaines dispositions pour répondre aux enjeux environnementaux. En janvier 2018, une mesure était notamment prise pour interdire les véhicules diesel les plus polluants à Bruxelles : ils seront sanctionnés grâce à un réseau de caméras intelligentes. Cette mesure devrait s’étendre courant 2019 à certains véhicules à essence. Les restrictions iront crescendo chaque année jusqu’en 2025. En novembre dernier, le Parlement belge votait par ailleurs une mesure visant à améliorer  le bien-être animal en modifiant le statut juridique des animaux. Ceux-ci sont désormais reconnus comme des  "êtres vivants doués de sensibilité, d'intérêts propres et d'une dignité qui bénéficie d'une protection particulière" alors qu’ils étaient jusqu’ici perçus comme des "biens". À noter que la région wallonne a quant à elle voté l'entrée en vigueur - en juin 2018 - d'une restriction concernant l’abattage des animaux sans étourdissement.

Du côté des projets à portée davantage symbolique : dans le cadre du Plan Climat bruxellois, un arbre sera désormais planté en Afrique du Sud et en Amérique du Sud pour chaque nouvelle naissance à Bruxelles. L’objectif est de "participer à la dimension internationale demandée par la Convention des Maires, en aidant à la reforestation" mais aussi de "faire comprendre que l’enjeu climatique dépasse les frontières". En septembre dernier, la région wallonne lançait pour sa part un projet-pilote de collecte de canettes abandonnées sur la voie publique. Les citoyens wallons participant à l’initiative se verront proposer des bons d’achat de cinq euros pour cent canettes ramassées. L’objectif est de "dissuader l’abandon de déchets dans la nature et réduire leur nombre en encourageant le ramassage des canettes abandonnées".

On est plus chaud que le climat !" - Des étudiants belges

... Mais surtout une implication citoyenne forte 

Ces prises de décisions sont considérées comme insuffisantes par une grande partie de la population belge qui tente de convaincre le gouvernement de faire plus d'efforts en matière de politique environnementale. Des milliers de jeunes se mobilisent ainsi ces derniers mois pour le climat. "On est plus chaud que le climat !" crient chaque jeudi les étudiants belges qui descendent dans la rue, répondant à l’appel à la grève scolaire lancée par la jeune suédoise Greta Thunberg. Nombre d'entre eux se disent prêts à poursuivre le mouvement jusqu’aux élections européennes. 

Manifestation des lycéens et étudiants pour le climat à Bruxelles, le 17 janvier 2019.
©Bertrand Vandeloise/Hans Lucas

Les mouvements citoyens sont également soutenus par des célébrités engagées, qui tentent d'impliquer leur public dans leurs revendications. L'appel à la mobilisation "J’peux pas, j’ai climat !" était par exemple lancé en novembre par des youtubeurs et des célébrités belges comme l'acteur Jean-Luc Couchard, le dessinateur Philippe Geluck ainsi que les frères réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne. Le rappeur Roméo Elvis a de son côté lancé une pétition pour promouvoir l’utilisation de la gourde plutôt que des bouteilles en plastique. Il interpelle directement les ministres belges : "Il est temps de se responsabiliser face à notre consommation et surtout face à l’utilisation et la production abusive de plastique". 

©VIRGINIE LEFOUR/BELGA MAG/Belga/AFP

Enfin, de nombreuses initiatives citoyennes tentent de pallier au manque de lien social et de créer un sentiment de solidarité au sein de la population belge. Une association propose par exemple de lutter contre le gaspillage tout en venant en aide aux plus démunis : elle collecte le surplus de fruits dans les jardins des particuliers pour les redistribuer. En parallèle, une plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés a été créée par un collectif citoyen opposé à la politique migratoire du gouvernement belge. Elle permet de mettre en relation des réfugiés et des citoyens prêts à les héberger.

Des citoyens belges et des réfugiés dans le parc Maximilien, à Bruxelles.
©Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés Bruxelles/Facebook

Le saviez-vous ?

Affaire à suivre : un texte vient d'être présenté par des universitaires, co-signé et introduit comme proposition de loi spéciale au Parlement par Ecolo et Groen, deux partis écologistes. Il fixe un objectif de réduction de 95 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et vise à atteindre 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Il propose également de créer une agence interfédérale du climat et un comité d’experts indépendants chargé de conseiller et de surveiller la politique climatique de la Belgique. 

Les auteurs du texte seront auditionnés par une commission spéciale Climat avant que la loi ne soit débattue puis votée en commission Santé publique. La RTBF signale que la date du 20 février a été évoquée. Enfin, la loi doit être votée par la Chambre et par le Sénat pour être adoptée. Jusqu’ici, les partis CD&V - parti chrétien-démocrate allemand - et l'Open VLD - libéraux et démocrates flamands - ont annoncé qu’ils n’étaient pas favorables à ce projet : leur voix est pourtant nécessaire pour obtenir la majorité requise.