Plage sur la promenade des Anglais, Nice.
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Société

Tourisme : le double enjeu des flux et du dérèglement climatique

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Alors que les territoires doivent affronter des extrêmes climatiques plus intenses, ils doivent aussi améliorer leurs stratégies d'accueil et de gestion des flux touristiques. Éléments de réponses avec Caroline Le Roy. 

Début juin, l'Alliance France Tourisme dévoilait ses recommandations afin d'étendre le tourisme vers des destinations moins encombrées et plus confidentielles. Les collectivités territoriales doivent être accompagnées dans la gestion de nouveaux flux. En parallèle, les extrêmes climatiques touchent de plein fouet les territoires qui peinent à s'armer pour limiter les conséquences économiques d'une baisse d'activité touristique.

Caroline Le Roy, chargée de projets chez Betterfly Tourism, et doctorante, s'intéresse à la résilience des territoires. Elle accompagne des offices et conseils régionaux de tourisme dans la transition vers un "secteur à impact positif". Pour ID, elle explique les modes d'action à entreprendre pour une meilleure gestion des flux touristiques. 

Comment expliquer un bond du tourisme après les effets environnementaux positifs observés lors de la pandémie de Covid-19 ?

Depuis 2020, il y a une volonté de rattraper le temps perdu. Paradoxalement, les gens partent plus souvent et sur de courtes périodes. On l'a vu le 6 juillet, le jour le plus chaud sur Terre et aussi le jour où le ciel était le plus encombré d'avions. 

On a aussi priorisé la dimension économique au détriment des pressions environnementales, ce qui justifie aussi une concentration de visiteurs à certains endroits, parce qu'ils sont accessibles et font partie d'un imaginaire. Enfin, les vacances sont une représentation sociale. Les flux de touristes se sont intensifiés aussi à cause des réseaux sociaux.

Comment définir la gestion des flux touristiques ? 

La gestion des flux est un enjeu crucial pour la préservation de nos sites naturels et culturels les plus emblématiques. En effet, ces lieux, qui attirent chaque année des millions de visiteurs, doivent être protégés et préservés pour les générations futures. C'est une approche de la planification du tourisme qui vise à réguler les flux de visiteurs dans les sites touristiques, afin de minimiser les impacts négatifs sur l'environnement et les populations locales, tout en offrant une expérience de qualité aux visiteurs. 

Quels sont ses défauts aujourd'hui ? 

Pour le moment, ce qui est fait est peu impactant. Le coeur du problème c'est le transport puisqu'il représente 77 % des émissions de gaz à effet de serre du tourisme. On ne peut pas mieux gérer les flux s'ils ne sont pas accompagnés par le développement du ferroviaire. On concentre nos efforts ailleurs, au mauvais endroit, sur des projets qui sont des aberrations écologiques et sociétales. Il y a un arbitrage à faire dans le transport où les subventions portent rarement sur l'infrastructure et les prix.

L’idée est de faire de la dimension environnementale une priorité sur les enjeux économiques. 

Il faut avoir en tête que la quête d'exotisme ne se fait pas uniquement à l'autre bout du monde, obligeant à prendre l'avion. En Russie, le Transsibérien avait identifié tous les freins au train que l'on connaît, le confort, le prix, la durée. Et parce qu'ils ont créé des imaginaires derrière, ils sont parvenus à orienter les choix des consommateurs vers la ligne. L'objectif est aussi de faire du transport, une partie centrale au voyage. 

Dans l'inconscient collectif, le tourisme, c'est la neige, la Côte d'Azur ou la Tour Eiffel, des clichés. Il faut recréer des imaginaires, des envies par l'offre, et naturellement la demande suivra. Il y a des collectifs émergents encourageant la micro-aventure en France dans des endroits peu connus, c'est tout aussi dépaysant. La Bretagne a lancé une campagne "Kelifornie, Caraibzh, Galapagozh" pour montrer que l'on peut trouver des paysages et des expériences similaires à ce qu'on voit en Californie ou dans les Caraïbes en Bretagne. 

Quelle pourrait être l'une des conséquences économiques de ne pas avoir pris de mesures ? 

Les envies de la jeune génération se transforment. Si le secteur n'anticipe pas et n'intègre pas la crise écologique, alors que le changement se fait petit à petit du côté de la demande, l'offre ne suivra pas ces nouvelles aspirations. Cela entraînera des risques en cascade qui généreront des conflits d'usage qui affecteront l'attractivité des territoires. Mais malgré une prise de conscience globale, on ne rattache pas la crise climatique aux impacts provoqués par le tourisme, "ce n'est pas le tourisme le méchant". 

Stress hydrique, restrictions d'eau, incendies et méga-feux, affaiblissement de l'enneigement, perte de biodiversité : les territoires sont-ils prêts à l'arrivée de nouveaux flux touristiques en même temps qu'ils tentent de se préserver des effets du dérèglement climatique ?

Clairement non. Les structurations d'offres ont été concentrées sur des hot-spots touristiques pourtant affectés par le surtourisme. On ne valorise pas assez le "hors des sentiers battus" sauf lors de stratégies de contenus promotionnelles. La mission numéro une des offices du tourisme, c'est l'information, pas la promotion.

Il faut maintenant se positionner sur une méthodologie de vulnérabilité aux crises climatiques. L'argument auprès des acteurs du tourisme est désormais le coût de l'inaction. 

Ce ne sont pas les territoires les plus fréquentés qui se mettent en action. Ce sont les acteurs des régions plus isolées comme les Hauts-de-France qui intègrent le bilan carbone du tourisme dans leurs décisions. Il faut maintenant se positionner sur la vulnérabilité aux aléas climatiques. L'argument auprès des acteurs du tourisme est désormais le coût de l'inactionL’idée est de faire de la dimension environnementale une priorité sur les enjeux économiques. Aujourd'hui les vulnérabilités et démarches RSE sont très peu intégrées par les acteurs du tourisme, entreprises et territoires. 

Que proposez-vous pour à la fois adapter le tourisme au réchauffement climatique et mieux gérer les flux touristiques ? 

Dans le cadre de ma thèse, je mets en place une méthodologie des vulnérabilités aux crises climatiques des territoires. Les mesures doivent être prises au regard de cette modélisation, le coût de l'inaction finalement pour mettre en place des actions de gestions de flux. 

Pour limiter les effets que l'activité touristique peut avoir sur l'environnement, il faut évaluer un optimum de charges des territoires. Il est très subjectif parce qu'un Parisien, beaucoup plus habitué aux flux de personnes massifs au quotidien, va moins considérer qu'un lieu est surfréquenté, contrairement à un touriste qui vient d'un territoire rural. La capacité de charges établit, en termes mesurables, le nombre de visiteurs et le degré de développement susceptibles de ne pas avoir de conséquences préjudiciables aux ressources.

Enfin, il faut une concertation avec toutes les parties prenantes, y compris les touristes eux-mêmes pour dégager une ligne d'action. En partant de l'attachement des touristes pour un bien ou un service, on instaure un cadre démocratique en vue d'une redirection, d'un renoncement ou d'une fermeture. 

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