Julien Pierre, ex-rugbyman professionnel et fondateur du label Fair Play For Planet.
©Camille Tribout /ID, l'Info Durable
Environnement

"L’impact du sport et de la parole d’un sportif sur la société en font un véritable outil de sensibilisation"

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Ex-rugbyman professionnel, Julien Pierre a créé le label environnemental Fair Play For Planet, à destination des clubs, des sites et des évènements sportifs. Entretien.

Ancien international français de rugby, Julien Pierre a décidé de consacrer sa "seconde vie" professionnelle à la défense de l'environnement. Désireux de concilier transition écologique et monde du sport, il a fondé il y a quelques années le label Fair Play For Planet. Pour ID, il revient sur sa sensibilité aux thématiques environnementales, les raisons qui l'ont poussé à créer ce label ou encore la manière dont le monde du sport aborde ces problématiques.

Comment est née l’envie de vous investir pour la protection de la planète ?  

J'ai grandi dans un parc animalier en Anjou, créé par mon grand-père. J'ai donc été sensibilisé très tôt à la protection des espèces menacées et de leur écosystème. Le rugby est finalement passé devant tout cela mais j’ai été rattrapé quelques années plus tard lors d’un voyage à Sumatra. J’ai pris une claque en découvrant des paysages dévastés par des pipelines à perte de vue, des forêts brûlées, des mangroves rasées au bulldozer, des villages qui croulaient sous les déchets plastiques... Après ça, j’ai créé un fonds de dotation, "Play for nature".   

Lorsque vous étiez rugbymen professionnel, parliez-vous de ces sujets et de vos activités de protection de la nature ?  

Très peu. C’était comme un jardin secret, sans doute parce que je ne me sentais pas légitime pour en parler, j’avais l’impression de manquer de connaissances, d’expertises... Ce sont des sujets complexes qui nécessitent de la maîtrise. Mais je ressentais le besoin de m’y investir de plus en plus. 

À la fin de votre carrière sportive, était-il évident que ces sujets feraient l’objet de votre "seconde vie" professionnelle ?  

Je crois que je ne pouvais pas faire autrement. J’ai eu la chance de vivre de grands évènements sportifs, et de constater l’impact du sport et de la parole d’un sportif sur la société, ce qui en fait un véritable outil de sensibilisation. J'ai eu envie d’utiliser cela : j’ai repris mes études et mon mémoire portait sur la création d’un label environnemental pour le secteur.  

Le monde du sport n’est pas plus en avance ou plus en retard que les autres dans la transition écologique.

Le sport a une grande influence sur la société, mais le sujet de l’écologie reste à la marge... 

Le sport est surtout très engagé depuis très longtemps sur les sujets sociétaux. C’est évident puisqu’ils sont l’ADN même du sport. L’engagement en faveur de l’écologie est encore timide, mais comme pour tous les secteurs : le monde du sport n’est pas plus en avance ou plus en retard que les autres.  

Le secteur a-t-il vraiment entamé sa transition ?  

Elle est en marche, comme pour tous les secteurs. Le devoir d’exemplarité du monde du sport, à la fois professionnel ou amateur, est très important dans le sens où les retombées positives peuvent être rapidement démultipliées. En club, on apprend de nombreuses valeurs comme celle du respect de l’arbitre. Si l’on y apprenait aussi à trier ou à faire attention à ses consommations, tout ceci se répercuterait très vite à la maison, dans le quotidien.  

Certaines initiatives émergent. Réduire les bouteilles d’eau en plastique, décerner des médailles recyclées... N’y a-t-il pas un risque de greenwashing ?  

Soit on ne fait rien et on ne communique pas, soit un essaye de faire un petit peu et on se met en avant. Il est certain que l’on s’expose alors au jugement. Mais cela signifie surtout que l’on va être challengé et que l’on sera obligé d’aller de plus en plus loin. Le greenwashing est-il vraiment mauvais ? Nous ne sommes pas là pour dire que le sport que l’on défend est le plus vert du monde, mais on souhaite entrer dans une démarche de progrès. Aussi, il faut bien considérer que ces progrès dépendent de tous les secteurs à la fois. 80 % du bilan carbone d’un grand évènement sportif concerne le transport.  

Certaines conséquences du réchauffement climatique sont déjà visibles. Comment les acteurs du secteur prennent en compte ces données-là ?  

Je crois que personne ne l’a encore vraiment pris en compte, qu’on ne regarde pas encore de ce côté-là. Globalement, on ne se rend pas compte que ‘+4 degrés’, cela va changer beaucoup de chose. Nous sommes encore tous dans une forme de déni. 

Les enjeux liés à la transition écologique sont différents entre une patinoire et un hippodrome par exemple.

Quelques exemples de "bonnes pratiques" à intégrer aujourd’hui ?  

Prioriser la mobilité douce ou partagée, que ce soit pour les supporters ou les sportifs, réduire le temps d’avion par exemple pour les trajets de moins de 4h... Il y a aussi bien sûr ce rôle de sensibilisation au sein de toutes les écoles de sport... Chaque club, chaque territoire, chaque structure sportive doit s’emparer de ces sujets, identifier les besoins et se structurer en fonction de ses singularités. La transition écologique est si vaste, les enjeux sont différents entre une patinoire et un hippodrome par exemple.  

Certains sports posent-ils particulièrement problème ?  

Il est évident que certaines industries sont particulièrement polluantes. Mais il est difficile de comparer par exemple l’impact d’une compétition de formule 1 avec celui d’une station de ski. Là encore, il faut travailler sur les spécificités propres à chaque secteur. Toutefois, on peut dire que les choses commencent à bouger à chaque échelle. Par exemple, les 24h du Mans travaillent beaucoup sur la question des biocarburants.  

Quel regard portez-vous sur les happenings de militants écologistes qui perturbent les évènements sportifs pour dénoncer l’urgence climatique ?  

Je pense que c’est une chance en démocratie de pouvoir bénéficier de toutes les formes d’expressions. Sans être ‘pour’ ou ‘contre’, ces actions interpellent et je comprends le message. Je crois que la situation est aujourd’hui suffisamment grave pour en arriver à alerter de la sorte.  

On n’essaye pas seulement de sauver la planète, mais surtout de sauver les hommes.

À titre personnel, qu’entendez-vous laisser sur votre route pour les générations futures ?  

Je ne sais pas si je laisserais une trace de mon passage, mais ma fille de trois ans aujourd’hui saura que je me suis engagé, que j’ai fait ce que je pensais être le mieux possible pour la planète et pour les hommes. Car en réalité, on n’essaye pas seulement de sauver la planète, mais surtout de sauver les hommes. Il s’agit de nous : nous sommes en danger et l’on ne s’en rend pas assez compte. Dans quel monde va-t-on voir grandir nos enfants ? 50 degrés avec un taux d’humidité de 90 %, ce n’est pas vivable, les gens ne pourront plus transpirer, ils vont mourir de chaleur. Et ce scénario, c’est demain.  

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