Nicolas Talliu, fondateur de la Société protectrice des végétaux (SPV).
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Une SPA des végétaux, pour des plantes de seconde main

Lorsqu’elles ne trouvent pas preneur dans le commerce ou qu’elles encombrent leur propriétaire, il arrive que les plantes finissent à la poubelle. Pourtant, ce geste est considéré par certains comme un non-sens écologique aussi bien qu’économique.

« On se met à consommer des plantes en masse, comme des objets ».  Face à ce constat, Nicolas Talliu, paysagiste de formation passionné des plantes, a créé la Société protectrice des végétaux, clin d’œil à la Société protectrice des animaux (SPA), pour tenter de raisonner une consommation parfois impulsive. En effet, tout le monde peut être amené à jeter des plantes, particuliers comme professionnels, bien qu’elles méritent un destin plus noble que la poubelle. Une serre de plusieurs centaines de mètres carrés destinée à accueillir des plantes, implantée dans le quartier de Gerland à Lyon, du matériel d’entretien, et les conseils avisés d’un expert : la recette de Nicolas Talliu pour donner une deuxième à ses plantes en les revendant, ou en les "réparant", est simple mais novatrice. ID a rencontré cet amoureux des végétaux qui tient à rappeler la place essentielle de ces derniers dans notre environnement.

Comment vous approvisionnez-vous en plantes de « seconde main » ?

Il y a énormément de canaux d’approvisionnement. J’essaie de cibler un maximum de sources de gaspillage. Certains particuliers font des boutures, possèdent de belles plantes, mais doivent déménager ou bien ne se plaisent pas chez eux, et ne savent alors plus quoi faire de leurs végétaux. Du côté des professionnels, on cible les entreprises de paysage d’intérieur qui se débarrassent de certaines plantes de bureau lorsqu’elles sont en mauvais état, les professionnels de l’entretien du paysage extérieur, les fleuristes, etc. À ce titre, avec la fête des mères qui approche, ces derniers vont être amenés à faire des tris et des aménagements dans leurs boutiques, ce qui génère souvent beaucoup de déchets.

Tous ces professionnels jettent donc les plantes systématiquement ?

Personne n’aime jeter, que ce soient les fleuristes, les supermarchés, etc. Seulement, contrairement aux supermarchés, les fleuristes connaissent bien les plantes et souffrent de se débarrasser de celles qu’ils n’ont pas réussi à vendre au motif qu’elles sont en mauvais état. Or le plus souvent, elles peuvent être sauvées, puis redistribuées. Dans ces cas-là, je les rachète, ce qui est aussi un bénéfice pour le commerçant, pour les remettre en état. C’est quelque chose qui plaît à beaucoup d’acteurs. Jusqu’à présent, les solutions qui existent sont le compost, ou bien le don, à des proches, de la famille, etc. Seulement, ces deux solutions ne font pas justice aux plantes et ne sont pas viables économiquement.

Si quelqu’un a un problème avec une plante, il me l’apporte et je fais un diagnostic. Sur place, il y a tout le matériel nécessaire à l’entretien, ce qui permet de le faire sur le champ."

Dans votre pépinière urbaine, il y a donc de la vente, mais aussi de l’accompagnement et de l’information pour les particuliers ?

En effet. Tout ce qu’il est possible de faire pour l’entretien des plantes est regroupé au sein d’un pôle végétal. Si quelqu’un a un problème avec une plante, il me l’apporte et je fais un diagnostic. Sur place, il y a tout le matériel nécessaire à l’entretien, ce qui permet de le faire sur le champ. Si le client ne sait pas comment procéder, il peut aussi me laisser sa plante, et c’est moi qui me charge alors de la « réparation ». Il n’y a pas de fiche d’entretien dans la pépinière, car j’estime que les recettes de cuisine ne marchent pas avec les plantes, c’est mieux qu’il y ait un vrai échange à ce propos.

Quels prix proposez-vous pour ces plantes ?

J’essaie d’être à 50% des prix du marché, bien que ceux-ci soient très variables. En effet, les fleuristes sont plus chers que les supermarchés. Mon fonctionnement de base est le suivant : j’achète une plante en fonction du partenariat que j’ai avec le fournisseur, qui est plus ou moins intéressant, et le prix varie en fonction de l’intérêt de ce partenariat.

Vous avez appelé votre initiative la Société protectrice des végétaux, est-ce qu’on peut imaginer qu’un jour émerge une organisation comparable à la SPA, à l'échelle nationale ?

J’espère, nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur le sujet. Je m’occupe déjà de beaucoup de choses et ne suis pas un développeur d’entreprise, mais mon objectif initial était de développer ce projet à un endroit et faire en sorte qu’il fonctionne. J’ai dû refuser toutes les offres qui m’ont été faites pour aller ailleurs, car il y a une vraie demande. Je suis le premier surpris, car j’ai mis longtemps à mûrir ce projet, en ne voyant pas où je voulais vraiment aller et comment en faire quelque chose de viable. Et puis tout à coup, on vous contacte en vous disant vouloir faire la même chose. Il y a aussi quelque chose de dangereux dans le fait de se lancer dans une entreprise que l’on ne maîtrise pas, car on ne s’improvise pas producteur de plantes. Cela demande beaucoup de matériel, de temps, de place et de moyens, mais si je peux aider, je le ferai.

Vous êtes seul pour le moment, avez-vous prévu de vous développer à l'avenir ?

Dans l’idée, oui mais il faut trouver pour cela des financements. J’ai constaté pendant les deux premiers mois qu’il y avait une vraie volonté de soutenir mon activité, ce qui est génial, mais il faut aussi voir si l’engouement est toujours aussi fort dans quelques mois voire dans quelques années. J’ai fait tout cela sans prétention, et je me retrouve un peu dépassé par les événements.

Il est bon de rappeler que les végétaux n’ont pas besoin de nous, mais que c’est nous qui avons besoin d’eux."

Vous tenez souvent à rappeler que les plantes sont des êtres vivants, cela a une importance particulière pour vous ?

C’est très important, car lorsqu’on le dit, cela fait presque sourire, même si on sait tous que c’est vrai. Le rapport qu’on a avec les plantes n’est pas toujours digne de leur importance et de leur statut d’être vivant. Il est bon de rappeler que les végétaux n’ont pas besoin de nous, mais que c’est nous qui avons besoin d’eux.

Vous avez installé votre « société » en ville, cela n’est pas un hasard compte tenu du besoin de verdure ressenti par les citadins…

Il y a plusieurs choses qui m’ont motivé à être en ville. Déjà, je suis très sensible à la question des circuits courts, et je retiens de mon expérience avec les producteurs que ces derniers ne peuvent pas venir en ville parce qu’ils n’y ont pas de terrain. Moi qui étais citadin, je me suis mis à leur place, et j’ai réussi malgré tout à trouver mon terrain en deux mois, alors que je pensais mettre des années. Cela a donc favorisé la proximité avec les clients : si l’on sait qu’il est meilleur d’acheter un panier de légumes bio à un producteur local que de les acheter au supermarché, pourquoi ne pas faire la même chose avec les plantes ? La deuxième chose, c’est bien sûr « l’hostilité » du milieu urbain. On sait que les espaces verts et les végétaux, au sol comme sur les balcons, sont des gages de bonne qualité de l’air qui nous sont indispensables.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Ecoutez la chronique Social Lab à cette adresse ou dans le player ci-dessous.

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