Très en colère contre les "reculs" pendant la crise agricole, notamment sur les pesticides, les principales associations écologistes avaient été reçues pour la première fois par Gabriel Attal le 14 mars. Mais depuis, les "signaux clairs" attendus ne sont pas venus et les dossiers sont "gelés", déplore Allain Bougrain-Dubourg dans un entretien avec l'AFP.
Que s'est-il passé depuis votre réunion à Matignon ?
Le Premier ministre s'était engagé à nous recevoir au moins tous les deux mois, sur ma proposition. A son époque, Jean-Pierre Raffarin (chef du gouvernement de 2002 à 2005) nous recevait tous les mois.
Depuis, on n'a aucune nouvelle, aucune concertation de la société civile. Tout est gelé, d'autant qu'il va y avoir les élections européennes. Cette indifférence s'apparente au mépris.
Le président Emmanuel Macron avait dit que son deuxième mandat serait écologique ou ne serait pas, eh bien ce n'est pas le cas. On le voit avec le Conseil national de la refondation (méthode de concertation nouvelle initiée par le président en 2022, ndlr), qui est dans le brouillard total, malgré une belle ambition initiale, avec une première plénière consacrée au climat et une autre à la biodiversité. C'était plein de promesses et on est maintenant en régression.
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Où constatez-vous une régression ?
D'abord sur la biodiversité, avec le projet de loi agricole qui n'a retenu aucune des recommandations du Conseil national de la biodiversité et du Conseil national de la transition écologique.
On constate un recul, par exemple, avec l'adoption de dispositions favorables aux méga-bassines, à la destruction des haies, etc.
Pour les pesticides, il n'y a pas d'interdiction d'épandage sur les zones de captage d'eau potable, ce qui est inacceptable car il en va de la santé humaine. L'épandage à proximité des Ehpad, des écoles, des habitations, n'est pas non plus pris en compte de façon rationnelle.
La France a appuyé la simplification de la Politique agricole commune qui pénalise la biodiversité, par la suppression des jachères. On nous fait croire que c'est pour la souveraineté alimentaire, mais les Français ne se nourrissent pas au maïs pour le bétail.
Sur le loup, la France soutient le projet européen d'abaisser sa protection. Nous avons obtenu 200 000 signatures en quelque jours, envoyées il y a trois semaines au Premier ministre : aucun retour !
Enfin, la protection forte prétendue de 10 % du territoire français n'est pas définie : dans certaines de ces zones naturelles, de multiples activités humaines restent autorisées, comme la chasse et la pêche.
Sur toutes ces questions, évoquées avec M. Attal, on découvre la réponse du gouvernement par la presse. Le ministère de la Transition écologique ne semble pas être entendu en haut lieu.
Que faut-il faire ?
Il faut se remettre autour de la table, point par point. On est prêt au dialogue, mais ce n'est pas le lobbying de la chasse, de l'agriculture intensive ou de la surpêche qui doit guider le gouvernement.
Nos guides sont la science et le droit. Pour les dauphins, grâce aux données scientifiques, on a eu gain de cause au Conseil d'Etat pour la fermeture temporaire (de la pêche dans le Golfe de Gascogne l'hiver dernier, ndlr) et les résultats sont excellents: seulement une dizaine de cadavres échoués contre des centaines les années précédentes".
Pourquoi êtes-vous inquiets ?
Pour constater le déclin du vivant, il y a un indicateur reconnu au niveau européen : l'oiseau. Environ 20 millions d'individus sont perdus par an en Europe, soit 800 millions en quatre décennies.
Quand les oiseaux sont en nombre, c'est tout le vivant qui s'épanouit, petits mammifères, batraciens, insectes...
Quand ils disparaissent, c'est la biodiversité qui s'estompe. Les causes sont connues : d'abord l'agriculture intensive avec son cortège chimique, puis l'artificialisation des sols et le réchauffement climatique.
Nous sommes orphelins du futur, on ne sait plus comment faire. Désormais, les "victoires pour la nature" c'est seulement quand on évite un "échec pour la nature.
J'ai connu des victoires autrefois quand on créait des réserves, qu'on intégrait la nature à l'école, quand des espèces dites nuisibles, comme les rapaces, étaient protégées. Aujourd'hui, c'est seulement d'arrêter le massacre des dauphins. C'est frustrant.
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Avec AFP.