CarbonScore est une plateforme ludique qui propose des fonctionnalités de sensibilisation engageantes sur le plan de l’empreinte numérique.
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Fruggr acquiert CarbonScore et vise à devenir un leader du numérique responsable

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Améliorer l’impact environnemental et social des infrastructures numériques, telle est l’ambition de la solution Fruggr, qui vient d’acquérir un acteur reconnu de la sensibilisation à la sobriété numérique. 

Un rapprochement stratégique pour une transition numérique responsable qui implique tous les collaborateurs. Fruggr propose depuis 2020 des analyses et des recommandations pour améliorer l’impact environnemental et social des infrastructures numériques. Son ambition est notamment d’éviter 70 000 tonnes de CO2 d’ici 2030 grâce à des pratiques numériques optimisées.  

La plateforme, qui a été adoptée par des entreprises telles qu’EDF, L’Oréal, BPCE, Accor ou encore l’ADEME, a aujourd’hui décidé d’acquérir CarbonScore pour mobiliser les collaborateurs de ces entreprises. Depuis 2019, CarbonScore est une plateforme ludique qui propose des fonctionnalités de sensibilisation engageantes sur le plan de l’empreinte numérique. Et ce grâce à des tableaux de bord collaboratifs mais aussi des challenges et des mini-formations. Des organisations comme Bordeaux Métropole, EDF, Rémy Cointreau et Vinci l’ont déjà adopté. 

Fort d’une cinquantaine de salariés, Fruggr donne l’exemple de la Monnaie de Paris, confrontée à une augmentation de 30 % de ses volumes de données annuels, qui a réussi à réduire son empreinte carbone tout en atteignant un taux d’engagement collaboratif de 87 % grâce à CarbonScore. 

ID s’entretient avec Frédérick Marchand, CEO de Digital4Better, éditeur de Fruggr, sur cette alliance stratégique. 

Notre raison d’être s’est dessinée assez rapidement, c’est de promouvoir un numérique qui soit à la fois respectueux des personnes et des ressources naturelles."

Avant toute chose, pouvez-vous nous rappeler l’ambition de Fruggr ? 

Nous nous sommes créés en 2020, juste avant le Covid. Notre idée première était d’être un acteur du numérique dans l’économie sociale et solidaire, une économie en laquelle je crois énormément. Je suis persuadé que cette économie doit passer à l’échelle pour aider les grands groupes à transiter. À l’époque, je m’impliquais beaucoup, et je m’implique toujours pour le Mouvement Impact France. J'en étais ambassadeur dans le Grand Ouest pendant trois ans.  

Notre raison d’être s’est dessinée assez rapidement, c’est de promouvoir un numérique qui soit à la fois respectueux des personnes et des ressources naturelles. Nous sommes rapidement arrivés à travailler avec différents clients, à faire de la R&D, et nous nous sommes lancés dans le produit Fruggr. Le nom est un diminutif de "frugalité". Nous ne voulions pas le mot "green" car nous ne faisons pas que de la décarbonation, nous travaillons aussi sur l’accessibilité de l’activité numérique.  

Nous proposons aux entreprises de mesurer leur empreinte numérique dans sa globalité, autant côté infrastructures et matériel que côté services numériques et applicatif.  

Déjà pour prendre conscience que le numérique a une empreinte, puis identifier avec ces entreprises les axes d’amélioration et leur proposer un certain nombre de recommandations personnalisées pour leur permettre de passer à l’action.  

Ce qui nous intéresse, ce n’est pas juste de faire une mesure une fois par an. C'est plutôt de faire des mesures plus précises et régulières.  

Passer à l’action, ça veut dire quoi ?  

C’est prendre en compte toutes les recommandations et les mettre dans leur planning projet. C’est se dire qu’il n’y a pas que des évolutions, il faut aussi gérer sa dette environnementale, sa dette sociale et savoir quoi faire. 

Frédérick Marchand
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Quels types d’actions peuvent être mises en place ? 

Ça va de choses simples, comme identifier tous les contenus, dont les vidéos trop lourdes. D’aller recompresser et revoir tout ça. Il y a des choses qui peuvent être un peu plus longues, comme repenser l’architecture d’une page. On se rend compte parfois qu’un page va faire plus de 100 allers-retours avec le serveur pour chercher tout le contenu. Il y a des façons de faire différentes. Nous pouvons aussi identifier que tel composant utilisé, d’un point de vue de l’accessibilité, pose un problème au niveau du contraste de couleurs ou autre.  

Quand vous sommez toutes ces fragilités de population, vous arrivez à environ un tiers de la population qui a une fragilité plus ou moins forte face au numérique. Ça doit devenir un vrai sujet.  

Vous dites dans votre communiqué avoir été adopté par un tiers des entreprises du CAC40 ?  

Oui, on travaille avec les grands comptes, ce sont les boites les plus engagées d’un point de vue RSE et qui ont les moyens, aussi. Quand vous travaillez par exemple avec L’Oréal ou le BPCE, si vous les incitez à lancer le mouvement, derrière ils vont faire de même avec leurs partenaires et sous-traitants. Ça va lancer tout le monde, c’est plutôt une excellente chose.  

Pourquoi est-ce important de veiller à sa sobriété numérique ? 

Le numérique, en termes d’empreinte environnementale, c’est 6 % des gaz à effet de serre, selon les nouveaux chiffres qui sont sortis. Le plus inquiétant, c’est que l’empreinte devrait tripler dans les années à venir. Le domaine qui a nourri le plus cette empreinte et de très loin, c’est l’IA. C'est une catastrophe en termes d’empreinte numérique.  

Il y a donc une empreinte environnementale déjà significative et ce n’est pas tenable... Et vous avez également une empreinte sociale. Le numérique exclut autant qu’il réunit. Vous avez 4 % de personnes souffrant de déficience visuelle, 4 % de gens qui sont dyslexiques, de l’illectronisme aussi... Quand vous sommez toutes ces fragilités de population, vous arrivez à environ un tiers de la population qui a une fragilité plus ou moins forte face au numérique. Ça doit devenir un vrai sujet.  

Là c’est vraiment pour tous les salariés de l’entreprise, pas simplement les gens de l’IT ou de la RSE. L’idée est se dire que chacun est responsable d’une partie de l’empreinte et que l’on peut changer ses pratiques. 

Vous sentez une vraie demande de la part des grandes entreprises pour veiller à leur empreinte numérique ? Cette demande est d’ailleurs peut-être accentuée par les réglementations qu’elles doivent respecter ? 

Oui, c’est accentué par la réglementation. Concernant l’accessibilité numérique, la loi européenne est plus contraignante, elle est concrète, avec des amendes. C’est l’ARCOM qui va avoir le droit de faire des vérifications et de mettre les entreprises en demeure.  

C’est nouveau ? 

Oui, ça a été voté l’année dernière et ça rentre en application au courant de l’année.  

Vous venez d’acquérir CarbonScore, c’est une plateforme qui permet de se rendre compte de son empreinte carbone en ligne ? 

Oui, nous voulions sensibiliser l’ensemble des acteurs. Là c’est vraiment pour tous les salariés de l’entreprise, pas simplement les gens de l’IT ou de la RSE. L’idée est se dire que chacun est responsable d’une partie de l’empreinte et que l’on peut changer ses pratiques. 

Vous avez un "carbone score" sur votre empreinte en fonction de vos usages, qui vous donne de bonnes pratiques à appliquer et qui va vous permettre de faire du “micro-learning” pour vous former sur différents sujets mais également de la “gamification” avec des challenges. C’est vraiment essentiel si on veut mobiliser un maximum de personnes.  

Certains clients de CarbonScore avaient un accroissement de leur volume de données de 30 % chaque année... Vous enregistrez parfois vos réunions en visio, quand vous téléchargez la nouvelle version d’un logiciel, tout l’historique des versions est sauvegardé dans le SharePoint, vous ne le savez pas et vous ne le nettoyez pas...  C’est un problème parce que ça coûte d’un point de vue environnemental, ça coûte aussi d’un point de vue économique. Et c’est même problématique sur le plan de la cybersécurité parce qu’en accroissant vos données, vous vous exposez à plus de risques.  

Tout cela est assez essentiel même si ce n’est pas le gros de l’empreinte d’une entreprise.  

écran carbon score

Quels petits gestes pouvons-nous faire en tant que collaborateurs/salariés dans une entreprise ?  

Éviter de mettre tout le monde en copie, ne pas oublier de supprimer tout l’historique d’archivage... Si vous faites des enregistrements de vidéos, de choses lourdes, les supprimer... Ce sont plein de petits gestes qui permettent de faire un nettoyage absolument énorme de vos données.  

Désormais, quand une entreprise fera appel à vos services, elle aura donc en plus accès pour tous ses collaborateurs à la plateforme de CarbonScore ? 

Exactement. Chacun aura accès à une page personnelle avec ses données propres, qui ne seront partagées avec personne, pour des raisons de confidentialité et de respect. Chacun aura son CarbonScore, ses recommandations, le détail de son empreinte... Et pourra participer à des challenges ou à des formations. Ça permet de contribuer à cette transformation numérique responsable.  

Nous proposons aussi aux clients de CarbonScore d’accéder à toute la suite de logiciels de Fruggr.  

En France, nous sommes très bons pour avoir plein d’idées, nous avons plein d’ingénieurs en R&D sur ces sujets, mais quand nous essayons de passer à l’échelle, nous sommes plutôt très mauvais."

Vous aidez environ combien d’entreprises actuellement ? 

Aujourd’hui, nous avons une soixantaine de clients. L’idée est de passer à l’échelle. Nous sommes encore tout petits, nous faisons trois millions de CA, nous ne pesons pas grand-chose. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir de l’impact en valeur absolue. Ce rachat nous permet de construire un acteur plus important, qui va encore plus intéresser les grosses entreprises et nous permettre d’opérer à l’international, ce qui est un enjeu aussi.  

C'est un challenge sympa mais pas forcément gagné. En France, nous sommes très bons pour avoir plein d’idées, nous avons plein d’ingénieurs en R&D sur ces sujets, mais quand nous essayons de passer à l’échelle, nous sommes plutôt très mauvais.  

scrren fruggr

Vous voyez en tout cas des résultats concrets chez les entreprises que vous accompagnez ? 

Le point positif, c’est qu’on voit des résultats concrets, oui. Ce qui est un peu plus gênant en France, c’est que les grands groupes ont un héritage et c’est très lent à bouger. Le passage à l’échelle prend énormément de temps.  

Tout cela indique qu’il y a besoin sur ce plan d’un accompagnement sur le long terme, et pas uniquement ponctuel ? 

Oui, ce n’est pas juste une mission ponctuelle de six mois, c’est du long terme. Sinon, vous allez faire un audit, prendre conscience de votre empreinte, mais ce n’est pas de l’impact. C’est juste de la conformité.