Les épisodes caniculaires sont voués à se multiplier
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Société

L’Institut Montaigne dresse un bilan pessimiste quant à l’avenir de la France

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L’Institut Montaigne a livré le 16 juillet 2025 un rapport sur les perspectives sociales, économiques, climatiques et politiques de la France d’ici 2040. Les prochaines années s’annoncent tendues, mais porteuses d’espoir. 

À quoi ressemblera la France dans quinze ans ? C’est la question à laquelle un groupe de chercheurs de l’Institut Montaigne a tenté de répondre dans son dernier rapport, "France 2040 : projections pour l’action politique". Énergie, industrie, défense, santé, éducation ou encore commerce, les thèmes abordés sont variés, mais à chaque fois le constat est le même : "Le pays s’enlise". 

La crise climatique et la crise démographique sont au cœur des préoccupations des chercheurs. Le rapport vise à "souligner le coût de l'inaction", à "mettre les politiques devant leurs responsabilités" et "ouvrir le champ du possible", précise Bruno Tertrais, coordinateur de l’étude, auprès de l’Agence France Presse.

Pour en arriver à cette conclusion, les auteurs ont travaillé pendant 18 mois en s’appuyant sur plusieurs centaines de documents, rapports publics, études académiques, ouvrages généraux et spécialisés. Ce rapport ne prend donc pas en compte des évènements récents qui auraient pu influer sur les prévisions, tels que la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 ou le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump en janvier dernier. 

Toutefois, ces projections ne viennent pas de nulle part. Les chercheurs ont "isolé des tendances de fond qui se poursuivent et s’intensifient depuis dix ans, quinze ans ou plus". Selon eux, "le modèle français paraît à bout de souffle tandis que la transformation du monde s’accélère".

 

Une crise climatique intense 

Dans son Sixième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que "la limite de +1,5 °C de réchauffement global sera probablement dépassée avant 2040", et plutôt en 2034. L’Institut Montaigne prend appui sur ses chiffres pour rappeler "qu’une différence de quelques dixièmes de degré suffit à faire franchir certains seuils dits de 'points de bascule', au-delà desquels un système se réorganise de manière brutale".

En France, cela se traduira par une augmentation du nombre d’épisodes climatiques extrêmes, "plus chauds et plus humides". Il faudra notamment s’attendre à plusieurs vagues de canicules par an, alors que "leur durée moyenne a été multipliée par six" sur les dix dernières années par rapport à la période 1961-1990. 

"Trois à quatre milliards d’individus seront potentiellement concernés par les événements extrêmes, dont le stress hydrique, susceptible de provoquer insécurité alimentaire, diminution des ressources en eau et destruction de certaines zones d’habitation", prévoit le rapport. 

La crise climatique aura également des conséquences sur la biodiversité. "Avec ses Outre-mer, la France regroupe ainsi 10 % des points chauds de la biodiversité mondiale", c’est-à-dire des zones où la faune et la flore sont particulièrement sensibles aux menaces causées par le dérèglement climatique. 40 % des espèces d’animaux terrestres sont déjà en danger dans les régions ultramarines.

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"À l'horizon 2040, la tension entre impératifs environnementaux et certains objectifs économiques constituera l’un des nœuds structurants du débat public", ajoutent les auteurs. Cela concerne en particulier le milieu agricole qui pourrait rencontrer des difficultés à concilier les besoins alimentaires de la population et les enjeux de développement durable. 

"Le nombre de catastrophes naturelles rapportées est stable depuis le début du siècle", nuancent tout de même les auteurs du rapport. 

Des problématiques qui s’accumulent 

À cela s’ajoute la crise démographique qui menace de toucher le pays. Les chercheurs notent une "imbrication croissante" des problématiques, qui "se renforcent l’une l’autre". Ainsi, il est difficile de délier les rapports de cause à conséquence entre crise climatique et crise démographique. 

"Les 65 ans ou plus représenteront 26 à 28 % de la population en 2040, portant le ratio de dépendance entre actifs et inactifs à environ 50 %", selon les estimations des chercheurs. Cela signifie que les dépenses à destination des personnes âgées pourraient atteindre 1,9 % du PIB, contre 1,4 % actuellement. 

De manière générale, les Français connaitront un abaissement de leur niveau de vie d’ici 2040 "qui se traduira par un décrochage du revenu par habitant et une pression accrue sur les solidarités intergénérationnelles". 

"Les marges de manœuvre existent"

Les chercheurs dénoncent également la vision "à court terme" des pouvoirs publics et de l’État. "Ne gérer le pays qu’au fil de l’eau, en ne réagissant qu’à l’actualité immédiate, nous apparaît être un risque considérable et un abandon de notre volonté à façonner l’avenir", affirment-ils.

Par ailleurs, ces derniers précisent que "la France dispose d’atouts". Cependant, ils sont "dilués par l’incertitude des politiques publiques, le sous-investissement chronique et l’empilement des normes", indique le rapport. 

L’Institut se veut tout de même rassurant et souhaite éviter "tout fatalisme, les marges de manœuvre existent". L’enjeu repose désormais sur les capacités de transition de la France et ses "politiques d’adaptation ambitieuses". Mais son "coût annuel s’inscrira durablement au-delà du milliard d’euros". 

"Nous voulons appeler à une prise de conscience du risque que l’immobilisme ou la caricature politiques faisaient peser sur notre avenir", concluent les chercheurs.