©whiteMocca/Shutterstock
Finance durable

Les fonds monétaires s’imposent dans la boîte à outils ISR

Article réservé aux abonnés

À contre-courant des actions et obligations, les actifs monétaires ont bénéficié de la hausse des taux directeurs en 2022. La performance de ces fonds est repassée dans le positif après des années de rendement nul, voire négatif. Dans une allocation ISR, ils sont le placement d’attente idéal.

Investir dans des obligations d’entreprise ou d’État à duration courte ou dans des titres de créance, c’est le cœur de l’investissement monétaire. Avec des horizons d’investissement de deux ans environ, ces produits jouent un rôle particulier dans une allocation d’actifs. "Le fonds monétaire offre une belle visibilité avec un risque très faible. Il prend un rôle d’investissement refuge lorsqu’on se trouve dans un environnement incertain", explique Damien Rio, responsable du pôle mandat au sein de Federal Finance Gestion.

Et incertain, l’environnement actuel l’est assurément. La guerre en Ukraine, la crise de l’énergie et l’action des banques centrales pour contrer l’inflation qui en a résulté ont bouleversé le marché. "Après dix ans de taux négatifs et d’injection de liquidités des banques centrales, l’inflation s’est réveillée. Les banques centrales ont réagi avec des hausses de taux qui nous ont permis de retourner en territoire positif en matière de performance", résume Pierre Boyer, responsable des marchés monétaires et du crédit à court terme chez Candriam. Fin avril 2023, l’€STR (euro short-term rate), l’indice de référence des fonds monétaires de la zone euro, dépassait 2,9 %, alors qu’il était encore en territoire négatif en septembre 2022. Une performance intéressante tant pour les investisseurs institutionnels que particuliers. "Le resserrement des conditions monétaires et, par extension, des conditions d’emprunt des agents économiques commence à avoir des implications tangibles sur certains acteurs, ce qui crée de la volatilité. Dans ces cas-là, le positionnement sur un fonds monétaire a du sens, en placement d’attente notamment, pour attendre des perspectives un peu plus claires », estime Damien Rio.

Une légitimité à prouver en tant que placement durable 

Les fonds monétaires ont-ils néanmoins du sens dans une allocation 100 % responsable ? Fin 2020, le rapport "Bilan et perspectives du label Investissement socialement responsable (ISR)" de l’Inspection générale des finances révélait que 31 % de l’encours des fonds labellisés ISR étaient des fonds monétaires. Ce même rapport s’interrogeait sur leur pertinence en tant qu’actif responsable, en amont de la refonte d’un label de plus en plus critiqué pour son approche trop généraliste. Dans le nouveau référentiel du label ISR, publié en avril 2023, le comité réaffirme le caractère généraliste du label. Bien que les critères de sélection soient augmentés, tous les fonds restent éligibles quelle que soit la nature de leur sous-jacent, et malgré des exigences supplémentaires, les fonds monétaires pourront maintenir aisément leur labellisation.

Ceci étant dit, les fonds monétaires ne sont pas les actifs qui contribuent le plus directement au financement de la transition écologique et énergétique. Les gérants monétaires eux-mêmes ne cachent pas les limitations auxquelles ils sont soumis par la nature même de ces actifs: "L’univers d’investissement des fonds monétaires peut difficilement être en adéquation avec le strict financement de la transition, explique Damien Rio. Nous sommes sur une approche ESG au sens large, ce qui revient à la conviction de gestion que l’on met dans nos décisions." Pour le professionnel, l’analyse ESG est notamment intéressante pour éviter de s’exposer à des controverses qui peuvent peser sur la valorisation du portefeuille. "Les critères ESG sont aussi des indicateurs de tendance du futur de la société, donc sont des signaux d’intérêt pour les investisseurs", souligne Pierre Boyer. Les fonds monétaires affichant des approches responsables ont tendance à sélectionner des obligations d’entreprises "investment grade", c’est-à-dire dont la notation financière correspond à un risque faible pour l’investisseur. L’analyse ESG vient rajouter une sécurité supplémentaire en permettant l’exclusion des entreprises potentiellement exposées à des secteurs risqués, ou sujettes à controverse. "Les entreprises considérées comme responsables ont aussi des besoins en fonds de roulement, ajoute Pierre Boyer. Que ce soit pour des durations longues ou courtes, celles qui se retrouvent dans nos portefeuilles font l’objet de la même analyse ESG."

Que l’on soit ou non convaincu de la légitimité des fonds monétaires comme instruments d’investissement responsable, ils présentent un intérêt fort pour les investisseurs dans une allocation d’actifs, car ils permettent de sécuriser une partie de leur portefeuille en attendant de se positionner sur des actifs plus risqués. Avec des fonds qui intègrent de plus en plus communément des critères extra-financiers, ils deviennent une partie intégrante de la boîte à outils de l’investisseur responsable. "Pour un fonds monétaire, le poids de l’analyse financière est important, mais l’analyse ESG est également créatrice de valeur, insiste Damien Rio. L’ESG donne du sens à notre gestion."

 

Retrouvez l'intégralité d'Investir Durable #14, le magazine de la finance durable. 

 

Retrouvez le dossier en ligne d'Investir Durable #14.