Ce sont des conclusions attendues par les acteurs de la finance durable. Dans son dernier rapport, l’entreprise Morningstar, spécialisée dans la recherche financière, fait le bilan des investissements vers les fonds ESG dans le monde.
"L’univers mondial des fonds durables a rebondi au deuxième trimestre 2025 en enregistrant des entrées nettes de 4,9 milliards de dollars", explique Hortense Bioy, responsable de la recherche en investissement durable chez Morningstar Sustainalytics.
Cela signifie qu’entre avril et juin, les entrées d’argent dans les fonds ESG ont dépassé les sorties de 4,9 milliards de dollars. Un signe positif qui semble rattraper les décollectes du début d’année. Au premier trimestre 2025, les sorties s’élevaient à 11,8 milliards de dollars.
Les fonds ESG, contrairement aux fonds classiques, intègrent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ils cherchent à financer des entreprises plus responsables et à orienter l’épargne vers des activités qui ont un impact positif sur la société et la planète, tout en restant rentables.
"En juin 2025, les actifs des fonds durables mondiaux ont augmenté de près de 10 % pour atteindre 3,5 billions de dollars, contre 3,2 billions de dollars retraités trois mois plus tôt", note Hortense Bioy.
Des investissements inégaux
Parmi ces actifs, le rapport remarque que la majorité provient d’investisseurs européens. "L’Europe représente 85 % des actifs mondiaux des fonds durables, suivie par les États-Unis avec 10 % et le reste du monde", rappelle Hortense Bioy.
Les investisseurs européens ont placé 8,6 milliards de dollars nets dans ces fonds au cours du dernier trimestre. Ce chiffre s’élevait à 7,3 milliards de dollars au premier trimestre de l’année 2025.
"En outre, les stratégies durables européennes ont suivi le rythme des marchés d’actions et d’obligations plus larges en termes de performance indicielle", soutient Hortense Bioy. Ceci a permis de plus grands gains.
Toutefois, aux États-Unis, les investisseurs suivent une courbe inverse. Ils ont racheté leurs capitaux de ces fonds ESG. Cette tendance n’est pas nouvelle puisque cela fait 11 trimestres consécutifs que les investisseurs américains se retirent de ces fonds durables. Au total, 5,7 milliards de dollars ont été retirés.
"Les fonds durables domiciliés aux États-Unis ont continué à perdre de l’argent", résume Hortense Bioy.
Entre tensions et incertitudes
Selon l’experte, les tensions politiques nationales américaines sont la cause de ce ralentissement des investissements "verts" dans le pays : "La poursuite des rachats peut s’expliquer en partie par le retour de bâton anti-ESG, qui s’est intensifié sous l’administration du président Donald Trump."
En effet, le président américain mène une politique allant à l’encontre de la protection de l’environnement. Depuis son élection en janvier dernier, son administration a pris plusieurs mesures pour réduire les investissements vers des fonds ESG. En réponse, "de nombreux gestionnaires d’actifs américains ont revu à la baisse leurs engagements ESG", constate Hortense Bioy.
À l’inverse, l’incertitude réglementaire qui traverse l’Europe ne semble pas avoir impacté négativement ces investissements. Depuis le 21 mai 2025, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) applique une nouvelle législation : pour être appelés "transition" ou "impact", les fonds doivent verser "au moins 80 % de leur portefeuille à des actifs environnementaux, sociaux ou durables".
Les conséquences s’étaient très vite fait ressentir puisqu’entre mai 2024 et juillet 2025, environ un quart des fonds ESG européens ont supprimé cet acronyme ou changé de nom, selon le cabinet de conseil juridique espagnol Cuatrecasas.
Cette mesure, qui visait notamment à lutter contre le blanchiment d’argent, n’aurait eu que peu d’effet sur les investissements selon Hortense Bioy : "L’incertitude des investisseurs européens quant à l’impact des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent a commencé à s’atténuer au cours du deuxième trimestre." Au-delà de la dénomination des fonds, l’Europe est en tête de la finance durable.