Déjà pionnière en matière de finance durable, la Banque centrale européenne a décidé de renforcer sa stratégie climatique. Elle souhaite désormais intégrer les atteintes à la biodiversité dans son analyse des risques environnementaux des activités économiques.
"La BCE et l’Eurosystème [réseau de banques centrales nationales de la zone euro] restent déterminés à améliorer la qualité et le périmètre de leurs déclarations financières en matière de climat", a affirmé l’organisme financier par voie de communiqué.
Pour ce faire, un nouvel indicateur a été créé pour comprendre les liens entre la nature et les investissements faits par la BCE. Cela se traduit de deux manières : soit ces investissements dépendent de la nature (eau, sol, biodiversité…), soit ils affectent négativement celle-ci (pollution, dégradation des écosystèmes…).
Ces efforts s’appliquent à différents types de portefeuilles gérés par la BCE : ceux liés à la politique monétaire, mais aussi ses réserves de change, son portefeuille de fonds propres et le fonds de pension de son personnel.
Mieux évaluer le système financier
La BCE vise à mieux évaluer les conséquences des risques environnementaux sur le système financier. Les premiers résultats montrent qu’environ "30 % des obligations d’entreprises", c’est-à-dire les titres de dette achetés par la BCE à des entreprises européennes, sont réparties sur trois secteurs très dépendants ou nocifs pour la nature : "les services collectifs" (énergie, collecte des déchets), "l’immobilier" et les "produits alimentaires".
"Un test de résistance climatique actualisé du bilan de l’Eurosystème a montré que les obligations d’entreprises restent la catégorie d’actifs la plus exposée au risque climatique", ajoute la BCE. Ces prêts sont donc les plus vulnérables aux crises climatiques. Ainsi, ce sont eux qui perdraient le plus de valeur si le climat et/ou la biodiversité se dégradent.
C’est la première fois que la BCE intègre un indicateur de perte de nature dans ses déclarations financières sur le climat. Jusque-là, elle prenait uniquement en compte les aléas climatiques dans les déclarations financières des entreprises. Cela lui avait permis, notamment, de mettre en place une politique monétaire plus respectueuse de l’environnement.
Une économie plus verte
Entre 2021 et 2024, les "émissions du portefeuille" de la BCE ont diminué. Autrement dit, les prêts et investissements faits par la Banque on émis de moins en moins de gaz à effet de serre, à la fois en tonnes et par million d’euros investi.
"Les émissions associées aux portefeuilles de politique monétaire de l’Eurosystème et aux réserves de change de la BCE ont continué de baisser", confirme d’ailleurs celle-ci. Cela se traduit par deux mesures. La Banque a ralenti ses investissements à partir de la mi-2023 et a orienté les autres vers des entreprises engagées pour la transition écologique. Cette stratégie "a compté pour environ 25 % de la baisse totale des émissions entre 2021 et 2024", annonce l’organisme.
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La BCE dispose également de fonds dont elle peut se servir en dehors des obligations de la politique monétaire. Là aussi, la priorité a été donnée à des entreprises plus respectueuses de l’environnement, donnant lieu à des "obligations vertes". Cela a permis de financer la lutte contre le dérèglement climatique à hauteur de 6,4 milliards d’euros. En tout, ces obligations ont représenté 28 % des investissements en 2024. Cette part s'élevait à 20 % l'année précédente et la BCE "entend porter cette part à 32 % en 2025".
En tant qu’entreprise, la BCE joue aussi la carte de la finance durable puisqu’elle a réduit de 20 % "l’empreinte carbone des investissements en titres d’entreprises en 2024" pour le fonds de pension du personnel.
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité des objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat de 2015, visant à limiter le réchauffement climatique à +2 °C et l’objectif "neutralité carbone" de l’Union européenne pour 2050.
La BCE se fixe désormais de nouvelles perspectives : "Le Conseil des gouverneurs a défini une cible de réduction de l’intensité des émissions de 7 % en moyenne par an" et par million d’euros investi. Elle souligne néanmoins certaines limites méthodologiques, notamment la difficulté de comparer les données d’émissions entre émetteurs ou dans le temps. La disponibilité de données fiables reste encore partielle pour certaines catégories d’actifs, comme les obligations sécurisées.
Ces décisions représentent une étape supplémentaire vers une finance plus durable et écoresponsable qui ne prend pas seulement en compte le climat, mais également la biodiversité.