Pablo Servigne est l'un des pionniers de la collapsologie.
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Environnement

Collapsologie : pour Pablo Servigne, il est primordial "d'apprendre de nos erreurs"

Pablo Servigne, agronome de formation, co-auteur de "Comment tout peut s'effondrer", ouvrage qui a popularisé le concept de "collapsologie", appelle à "apprendre de nos erreurs" pour éviter l'effondrement après la pandémie.

Que nous dit la crise du Covid-19 de l'état de notre société?

C'est comme une radiographie de la vulnérabilité de notre monde, industriel et globalisé. Il est hyper efficace, mais avec les flux tendus, l'absence de stocks, les chaînes d'approvisionnement longues et rapides, tout ce qu'on a gagné en efficacité, on l'a perdu en résilience. Ce monde est devenu puissant, grâce au pétrole, mais très vulnérable, comme un colosse aux pieds d'argile.

En France, nous avons perdu notre indépendance, notre autonomie alimentaire, c'est une catastrophe. Alors même que nous sommes un grand pays producteur, et même exportateur. Il faudrait des stocks partout, de la diversité, de la redondance, c'est-à-dire que l'alimentation ne vienne pas d'une seule source, et de l'efficience, c'est à dire consommer moins et mieux, et le plus renouvelable possible.

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Est-ce que cette crise pourrait être le "premier domino" d'un effondrement plus global ?

C'est possible, car le choc a été incroyablement vaste, global et rapide. Et comme tout est interconnecté de manière homogène, et donc vulnérable, un des dangers serait de considérer cette crise comme uniquement sanitaire.

Elle est liée à l'économie, à la finance qui est un château de cartes risquant de s'effondrer avec des conséquences majeures, économiques, industrielles et sociales : chômage, dettes, étalages vides, émeutes, changements de régime - parce que les gens mécontents continuent à voter - et donc évidemment risque identitaire et autoritaire. Tout cela débouche souvent sur des crises politiques et géopolitiques majeures, qui sont des accélérateurs de chaos.

La pandémie peut bien évidemment déclencher des crises alimentaires graves, et donc d'autres épidémies et favoriser les crises politiques. Sans oublier l'essentiel, le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs, qui n'attendent pas la fin de nos petits tracas d'humains. C'est donc possiblement un premier domino, massif et brutal, qui a cette capacité d'en déclencher d'autres. Mais on peut inverser la question, et y voir un premier domino en sens inverse.

Le déclencheur de changements sociaux-politiques positifs ?

Ce qui me donne le plus d'espoir et de joie c'est de voir le vivant qui se régénère assez vite, cette incroyable réactivité à l'arrêt de nos activités. Arrêter de polluer, de détruire les écosystèmes, ralentir, et le vivant revient vite. La grande leçon de cette rupture, c'est qu'il est finalement possible de ralentir ! Et puis cette crise, comme toutes les crises, ouvre des opportunités.

Ce qu'il y a d'intéressant, c'est le grand retour des États souverains. L'idéologie dominante néolibérale a passé 50 ans à démanteler tout ce qui était de l'ordre de l'État et en particulier l'État providence, l'État qui prend soin.

Elle a pillé le public et le commun pour donner au privé et aux marchés. Dans une situation d'urgence, on se rend compte qu'on a besoin de coordination, d'un État qui prenne soin, et à qui on peut faire confiance. C'est une leçon, car une "transition", c'est-à-dire un changement radical et rapide de société, ne peut être que coordonnée. Il faut un État stable pour le faire, et il y a ici une opportunité de retrouver des manettes, des leviers.

Le grand risque serait de repartir à l'identique, ou pire, une stratégie du choc face à des peuples sidérés et hagards, un déploiement d'États autoritaires et de surveillance généralisée. Les populations devront être vigilantes et combatives, car le retour à l'activité se fera avec les mêmes gouvernements qui nous ont amenés à cette situation... Il y a un risque de statu quo, qui serait dramatique.

Les grands progrès pour réduire les inégalités, comme la construction de la sécurité sociale, se sont faits après les grands conflits, les grands chocs, lorsque les industriels et la finance étaient à genoux. S'il y a une prise de conscience, des alliances, il y a vraiment une chance qu'on puisse aller vers une reconstruction audacieuse. Pour qu'on ne revienne surtout pas à la barbarie d'avant, mais qu'on apprenne de nos erreurs.

Avec AFP.

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