Selon une étude de l'Ademe, le tourisme représente 11 % des émissions françaises de gaz à effet de serre, 118 millions de tonnes de CO2e par an pour lesquelles l'hébergement contribue à 7 %. Si le chiffre semble petit, ce sont en réalité 8,5 millions de tonnes de CO2e émises. Comme pour tout secteur, la transition écologique est nécessaire, sans quoi les impacts économiques ébranleront durement le tourisme.
À l'été 2022, les hébergements marchands ont enregistré près de 71 millions de nuitées, indique l'Insee. Hubert Vendeville, fondateur de Betterfly Tourism, accompagne le secteur de l'hôtellerie vers la sobriété grâce à des outils de calcul d'impact environnemental et de coûts d'exploitation. Pour lui, concilier développement économique, retombées positives sur les acteurs locaux et préservation de l'environnement est "un triptyque difficile à mener".
Beaucoup mettent en place une sobriété énergétique qu'ils n'auraient pas faite il y a cinq ans."
D'après l'Office Mondial du Tourisme (OMT), le tourisme durable se définit par une activité touristique qui économise les ressources naturelles, apporte un développement économique pour ses acteurs, et "respecte l'authenticité socio-culturelle des populations d'accueil", termine Hubert Vendeville. Trois enjeux qui n'épargnent pas les hôteliers, puisqu'il constate une volonté grandissante à adopter des pratiques plus écologiques. "On ressent dans les échanges qu'un plus grand nombre de groupes et d'indépendants veulent transitionner, mais ne savent pas quelles démarches adopter."
Le coût de la résilience
"Je dis toujours aux hôteliers, "chaque année que vous laissez passer, c'est une année où vous dépensez plus". Selon les calculs d'impacts et de coûts d'exploitations de Betterfly, les plans d'action en faveur de la transition feraient économiser 2 euros par nuitée. L'argument économique pourrait peser dans les décisions, car pour un hôtel moyen de 10 000 nuitées par an, l'économie de la sobriété représenterait 20 000 euros. Guillaume Jouffre, co-fondateur de Greengo, une plateforme de réservation d'hébergements touristiques écoresponsables, en tire la même conclusion : "À terme, ne pas transitionner dès aujourd'hui coûtera plus cher aux hébergeurs."
L'adoption de pratiques vertes et durables érige la résilience de l'hôtellerie aux extrêmes climatiques. "Un hôtel autosuffisant en énergie ne verra pas d'impact sur son activité lors d'une coupure d'électricité et peut survivre aux chocs comme la sécheresse." Globalement, avoir la capacité de répondre aux tensions climatiques est indéniablement nécessaire. "On n'est plus dans l'éco-geste, mais dans comment assurer des services de base à tout le monde en période de fréquentation touristique, au moment des sécheresses, canicules et incendies." Hubert Vendeville prend l'exemple d'un camping vendéen, soumis au stress hydrique : "On n'a pas eu besoin de les convaincre à réduire leur consommation d'eau. Ils ont en tête que s'ils continuent comme ça, ils peuvent avoir des coupures d'ici cinq ans et le client ira dans une autre région, où le camping aura une piscine."
À qui revient le financement de la transition ?
Parmi les premiers partenaires de Betterfly : les fonds d'investissement. Ils imposent aux hôtels un affichage environnemental et des calculs de bilan carbone. Parce que les fonds doivent démontrer que l'argent est placé dans un objectif écologique, "le secteur de la finance va être le premier à faire bouger l'hôtellerie". Hubert Vendeville explique que, désormais, beaucoup de groupes doivent rendre compte de leur démarche RSE à leurs actionnaires. Une coercition permettra-t-elle d'accélérer la transition ?
Les aides à l'investissement existent et les hôteliers doivent s'en saisir avant que l'étau ne se referme sur eux."
D'autre part, pour relever le secteur du tourisme abîmé par la pandémie de Covid-19, le gouvernement a alloué un fonds d'investissement colossal, le Fonds Tourisme Durable pour soutenir le financement de démarches ou d'études des acteurs du tourisme. Les TPE et PME du secteur ont jusqu'à fin 2023 pour constituer leur dossier. "Les subventions et les formations sont nombreuses, c'est un moment très opportun pour se lancer dans une démarche plus durable. Les aides à l'investissement existent et les hôteliers doivent s'en saisir avant que l'étau ne se referme sur eux", rappelle Hubert Vendeville. De son côté, Guillaume Jouffre remarque que les financements et "les accompagnements remarquables proposés par l'ADEME sont très peu connus par les hébergeurs, même éco-responsables".
Les subventions publiques sont toutefois plus fréquemment accordées aux hôtels indépendants, TPE-PME. "Les grands groupes nous disent souvent : "Nous, on a le droit à rien." Ils profitent cependant des économies d'échelles et des acheteurs, plus nombreux, avec qui négocier." Reste que les grandes chaînes hôtelières ont une impulsion à donner, détentrices d'une responsabilité et influençant leurs franchises. "Si Accor référence un produit responsable, dans l'absolu, ce sont 1700 hôtels en France qui adoptent ce choix".
Une transition à la traîne
L'article 2 de la loi Climat et Résilience rend obligatoire l'affichage environnemental à partir du 1er janvier 2026. Le dispositif, "un chantier" selon Guillaume Jouffre, vise à informer les consommateurs de l'impact des produits et services qu'ils achètent. Les entreprises doivent fournir des données transparentes sur les émissions de CO2, la consommation d'eau et d'énergie. En plus des échéances d'affichage environnemental qui se rapprochent, l'inflation a amené de nouvelles réflexions dans l'hôtellerie : "Beaucoup mettent en place une sobriété énergétique qu'ils n'auraient pas faite il y a cinq ans." En revanche, elle-même réduit les marges pour l'investissement, notamment la crise du bio qui complique l'achat pour la restauration.
Infléchie par l'inflation et les menaces de coupures d'eau et d'électricité, l'hôtellerie a mis un coup d'accélérateur à sa transition. Reste que, "il faut réfléchir sur des horizons d'une trentaine d'années pour transformer l'intégralité de l'activité touristique", admet Hubert Vendeville. "Pourquoi se bouger ? Si on continue dans une opulence de biens et services comme aujourd'hui, on aura des dégradations sanitaires."
Quant au tourisme de loisirs, la transition présente encore des écueils, "la clientèle loisirs a, soit du mal à voir l’information, soit du mal à la prendre en compte quand elle va choisir son hébergement". Du fait, les efforts ménagés par l’hôtellerie sont d’autant plus ralentis.
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