Pour de nombreux athlètes cherchant à améliorer leurs performances, la nutrition est souvent associée à une alimentation riche en viande.
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Nutrition sportive : "un athlète peut tout à fait diminuer sa consommation de viande"

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ID a rencontré Stéphane Walrand, nutritionniste de l’équipe de rugby de l'ASM Clermont Auvergne et professeur à l'université de Clermont Auvergne, afin de savoir s’il était possible de concilier une alimentation à la fois sportive et respectueuse de l’environnement.

Pour de nombreux athlètes cherchant à améliorer leurs performances, la nutrition est souvent associée à une alimentation riche en viande. Une approche loin d’être écoresponsable, à l’heure où experts et militants appellent à un futur moins carné. Alors, afin de savoir s’il est envisageable de trouver un équilibre entre nutrition sportive et responsabilité environnementale, ID s’est entretenu avec Stéphane Walrand, nutritionniste de l’équipe de rugby de l'ASM Clermont Auvergne.   

Quel grand principe de l'alimentation un sportif en prise de masse devra-t-il respecter ?  

Les grands principes à mettre en place quand on se met à faire de la musculation, c'est d'avoir une alimentation qui puisse couvrir à la fois la dépense d'énergie liée à la pratique, mais surtout, c'est d'apporter aux muscles des matériaux de construction, c'est-à-dire des protéines alimentaires qui pourront répondre aux exercices de musculation pratiqués.   

Cela signifie qu’il est important d'avoir une alimentation avec un apport protéique régulier. Mais aussi avoir un apport énergétique en conséquence pour garder un poids stable - si la personne ne veut pas prendre de poids -, ou augmenter son poids, notamment au niveau musculaire.   

Donc, pour un sportif lambda, le but est d’avoir une alimentation à peu près classique en augmentant un tout petit peu l'apport en protéines, notamment au petit-déjeuner. En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’en France on est très mauvais. Nous avons en effet peu de protéines au petit déjeuner, voire pas du tout. Seulement, quand on est dans une période de prise de masse musculaire, il est difficile de rester une nuit puis une matinée sans apport en protéines. Donc, il est primordial de prendre des protéines sous la forme d'aliments simples dès le matin. Cela peut être des œufs, des produits laitiers ou encore du jambon. 

À cela, on va essayer d’ingérer l’équivalent de 125 g de viande par repas - pour un sportif lambda, pas de haut niveau -, c’est-à-dire une vingtaine de grammes de protéines sur chaque repas. Et puis la dernière chose qu'on peut faire, c'est d'avoir une collation en post musculation.   

Quand un sportif se met à faire de l’exercice, il lui faut un apport en fruits et légumes qui va lui apporter les vitamines et les minéraux qu’il va dépenser pendant la pratique de son sport.

En effet, cette collation va être très efficace si on la prend très proche de la musculation puisque pendant 20 à 30 minutes post musculation, on a l’habitude de dire aux sportifs que le muscle est une véritable éponge, c'est-à-dire qu’il va pouvoir capter tout un tas de nutriments, notamment des protéines, des acides aminés (qui sont aussi des protéines), pour ensuite construire lui-même ses propres protéines. Ici encore, on peut faire une collation très simple. Un produit laitier, un produit carné, des protéines végétales ou d'autres choses comme ça. 

Pouvez-vous donner un exemple de repas idéal pour un sportif ?   

Si on parle de quelque chose de très général, déjà il va falloir avoir un apport en 4 familles d'aliments qui sont indispensables. Première famille, fruits et légumes ; deuxième famille, ce qu'on appelle les VPO, viande-poisson-œufs ; troisième famille, les féculents ; et quatrième famille, les produits laitiers.   

Quand un sportif se met à faire de l’exercice, il lui faut un apport en fruits et légumes qui va lui apporter les vitamines et les minéraux qu’il va dépenser pendant la pratique de son sport. C'est-à-dire que quand on fait de l'exercice, notre organisme utilise les nutriments qui sont apportés par l'alimentation, dont les vitamines et les minéraux. Donc on va commencer par une entrée de crudités ou de cuidités. On va faire attention à la vinaigrette, c'est-à-dire qu’on ne va pas en mettre trop. Et pour faire une bonne vinaigrette, on ne doit pas mettre 100% d'huile d’olive, mais opter pour des mélanges d'huiles pour jouer sur la variété de nutriments. Ensuite, on peut compléter l'entrée par un premier apport en protéine : des rillettes de poisson par exemple.  

Le souci avec les végétaux, c’est qu'il manque toujours un acide aminé indispensable ou qui est en quantité inférieure à nos besoins. Alors c'est un problème au départ, mais finalement ça n’en est pas un à l'arrivée puisqu’ils se complètent entre eux. 

Sur le plat de résistance, on va avoir un apport en protéine, souvent sous forme de viande. Donc là il va falloir opter pour une portion de 125/150 g au minimum. Généralement, on va prendre de la viande blanche maigre, mais deux fois par semaine, on va remplacer cette viande blanche maigre pour de la viande rouge, et ce parce que cette dernière est plus riche en fer dont on va nécessiter pour transporter l'oxygène dans les muscles.   

Ensuite, on va avoir un apport en féculent, pas plus de 200 grammes. On va prendre des féculents, soit complet, c'est-à-dire des pâtes complètes, du riz complet. Ou soit, si on n'a pas de féculents complets, des pâtes et du riz, qu’on va très peu faire cuire, façon al dente voire même un peu moins. Et puis troisième type de féculent, on peut prendre aussi des légumineuses. 

Enfin, on va prendre un produit laitier. Il vaut mieux prendre un yaourt fermenté qu'un fromage blanc, un petit-suisse ou du fromage. Car les produits fermentés permettent de maintenir les bactéries qu'on a dans l'intestin, donc le microbiote. Enfin, on va terminer sur un fruit ou un dérivé de fruits, c’est-à-dire une compote par exemple.  

Est-ce possible de suivre un régime adapté à cette pratique sportive tout en réduisant sa consommation de viande ?  

C'est tout à fait possible de diminuer sa consommation de viande oui. Bon, évidemment, le facteur limitant dans cette stratégie-là c'est les protéines. Donc il faut qu'on se débrouille avec les végétaux pour pouvoir faire et apporter de la protéine, à la fois en quantité, mais aussi en qualité. Parce que vous savez que les protéines sont formées d'éléments unitaires qu'on appelle les acides aminés. Souvent je dis aux étudiants : une protéine, c'est comme un mur en brique : on a 20 briques différentes, et il nous les faut absolument toutes, comme quand on fait un lego pour pouvoir monter les murs. Et il se trouve que sur les 20 briques on en a neuf qu'on ne sait pas fabriquer nous-mêmes, donc il faut absolument les apporter par l'alimentation.  

Le sportif a tout intérêt à faire ce qu'on appelle du locavorisme, c’est-à-dire manger local, manger des choses qui sont produites proches de chez lui.

Et le souci avec les végétaux, c’est qu'il manque toujours un acide aminé indispensable ou qui est en quantité inférieure à nos besoins. Alors c'est un problème au départ, mais finalement ça n’en est pas un à l'arrivée puisqu’ils se complètent entre eux. Par exemple, les céréales contiennent des protéines mais manquent de lysines (qui est le nom d’un acide aminé). De leur côté, les légumineuses (lentilles, petits pois, haricots rouges ou noirs,…) sont riches en lysines mais ont une petite pauvreté en acide aminé soufré. Mais au final, ce n’est pas gênant parce que les céréales en ont. Donc chacune complète l’autre.  

Ce qui veut dire qu'à l'échelle du repas, si je ne veux pas manger de viande mais que je souhaite quand même avoir un bon apport protéique, je peux tout à fait me faire une assiette où je vais avoir des céréales et des légumineuses.   

Plus largement, quels comportements adopter pour avoir une alimentation plus éco-responsable ?     

Il n’y a pas de spécificité pour le sportif, sauf qu’il mange plus que la moyenne. C’est comme une voiture : forcément, si on a un véhicule de course, ce dernier consomme plus. Si on gonfle le moteur pour aller plus vite, pour aller plus haut, forcément il dépensera plus. Donc, comparé à quelqu'un qui ne fait pas de sport, l'apport alimentaire des sportifs va être logiquement plus important.   

D’un point de vue écologique maintenant, le sportif a tout intérêt à faire ce qu'on appelle du locavorisme, c’est-à-dire manger local, manger des choses qui sont produites proches de chez lui. Pourquoi ? Car l’aliment qui ne fait que 20 kilomètres sera bien évidemment meilleur pour la planète que celui qui en fait 6 000.

Il ne faut pas prendre des protéines en poudre de façon anarchique en se disant "c’est que de la protéine, ça ne va pas me faire de mal". Ce n’est pas vrai.

Mais l’autre avantage, c’est aussi que, plus j’achète un aliment produit proche de chez moi, plus je vais suivre sa saisonnalité, et plus cet aliment va être dans son ‘nutriment’. C'est ce qu'on appelle la densité nutritionnelle. Concrètement, cela signifie que la quantité de vitamines, de minéraux, etc. sera meilleure dans un fruit ou un légume si ce dernier pousse à côté de chez moi et que je le cueille à maturité, que s’il est importé d’Amérique du Sud par exemple, puisqu’il sera cueilli vert et finira de murir sur le bateau.  

Donc même si on a des apports alimentaires supérieurs parce qu'on est sportif, on a tout intérêt à manger de manière plus écologique au quotidien effectivement.   

Et selon les objectifs de chacun, est-ce que la prise de protéines en poudre est conseillée ?   

Cela dépend vraiment des cas. Il y a plusieurs choses à dire par rapport à ça. La première, c’est qu’il ne faut pas prendre des protéines en poudre de façon anarchique en se disant "c’est que de la protéine, ça ne va pas me faire de mal". Ce n’est pas vrai. Je ne dis pas que ça fait du mal, mais ça fatigue le métabolisme et c'est complètement inutile chez quelqu’un qui va faire de la musculation une fois par semaine juste pour s'entretenir.     

Si c'est un sportif de haut niveau qui, pour des besoins de performance ou autre, a besoin d'augmenter sa masse musculaire, là par contre, ça peut être intéressant. Par rapport à ce qu'on a dit tout à l'heure, la protéine peut être intéressante pendant cette fenêtre métabolique des 20 à 30 minutes post musculation où le muscle est une véritable éponge et où il faut y apporter le plus possible de protéines.    

L'autre chose qu'il faut dire, c'est que ces protéines post musculation il faut savoir les choisir. Généralement, ce qu'on utilise, c'est des protéines laitières, que tout le monde appelle "la whey" qui veut dire lactosérum en anglais. C’est une protéine qui est extraite de lait, donc tout à fait naturelle. Et cette dernière suffit amplement, pas la peine de prendre des mélanges, comme de la créatine, des acides aminés supplémentaires, etc. Donc on voit qu'avec une protéine assez naturelle, on peut avoir un apport protéique qui peut nous être nécessaire dans le cas où on a des sportifs de haut niveau qui ont besoin d'augmenter leur masse musculaire.   

Et puis dernier point, il existe de plus en plus sur le marché de mélanges de protéines végétales, qui reprennent le concept que j’ai développé tout à l'heure au niveau des acides aminés limitants et qui font un mélange tout à fait efficace, comparativement à une protéine de lait, en post musculation.   

Est-ce qu'il existe justement de la whey ou des poudres protéinées éco-responsable sur le marché ?

Alors ça, c'est une excellente question. En tout cas, elles, elles ne sont pas présentées comme ça. Pour avoir déjà discuté avec des gens qui en fabriquent, je sais qu’ils recherchent effectivement des protéines qui ont été extraites par des procédés qui sont moins coûteux en énergie, même si généralement, ce n’est pas des choses qu’ils mettent en avant. Mais on a beaucoup progressé à ce niveau-là parce qu’avant, les protéines post-musculation étaient des sous-produits industriels, ce qui n’est désormais plus le cas.

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