"Jusqu'ici, les les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS) n'avaient pas vocation à prendre en compte la santé climatique. Or, les études sur le climat préconisent de réduire la viande de 50%". C’est le dilemme que soulève Nicole Darmon, directrice de recherche en nutrition à l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement). Elle est co-autrice du rapport sur la conciliation entre nature et climat en France, publié ce mardi 20 février par le réseau Action Climat et la Société française de nutrition.
"Dans cette étude, nous avons tenté de savoir si l’un pouvait cadrer avec l’autre", précise la chercheuse. Le rapport fait des propositions sur la façon dont les prochaines recommandations de consommation alimentaire pourraient évoluer pour intégrer la prise en compte des enjeux climatiques.
Une conciliation possible
En effet, Nicole Darmon explique que le rapport propose une "consommation de viande réduite de 50% tout en gardant la totalité des apports nutritionnels préconisés pour la santé". Et cela sans aliments enrichis, suppléments ni substituts, mais seulement à l’aide de "vrais aliments".
À ce jour, le PNNS recommande une consommation hebdomadaire de 500 grammes maximum de viande rouge, et de 150 grammes maximum pour la charcuterie. Or, Nicole Darmon souligne que ces chiffres "ne prennent pas en compte la volaille ni les viandes cachées, que l’on trouve dans les plats préparés par exemple". À l’inverse, le rapport publié ce mardi préconise de consommer 450 grammes de viande au total par semaine maximum, tous types confondus.
Intégrer un peu de légumineuses dans plusieurs recettes aide à se familiariser avec les diverses utilisations possibles de ces produits
Pour atteindre cet objectif, la scientifique suggère d’augmenter la consommation de fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque. "Intégrer un peu de légumineuses dans plusieurs recettes aide à se familiariser avec les diverses utilisations possibles de ces produits, plutôt que de les consommer avec de la viande", cite-t-elle comme exemple.
Nicole Darmon ajoute que "le panier moyen des recommandations de l'étude s’avère moins cher de 10% par rapport à celui du PNNS". En effet, la viande est selon elle le premier poste budgétaire dans l’alimentation, quel que soit le budget. Elle alerte également sur le fait qu'il est important que la réduction de la viande ne s'accompagne pas d'un creusement des inégalités alimentaires : "il faut que les gens aient les moyens de remplacer la viande par des bons végétaux, et pas seulement des pâtes ou du riz blanc".
Une solution avantageuse pour le climat
"La viande représente environ 10% de ce que l’on consomme, mais peut vite atteindre 50% de l’empreinte carbone de notre assiette", regrette la chercheuse. C’est pourquoi la baisse de sa consommation, sans impacter la santé, se révèle très avantageuse pour la planète.
En effet, la viande représente 22% des émissions de CO2 en France, à cause notamment de l’agriculture. Greenpeace révèle en 2019 que 71% des terres agricoles européennes sont destinées à nourrir le bétail, qui finit dans nos assiettes. L'élevage est également gourmand en eau, et les animaux rejettent du méthane, un des gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Nicole Darmon conclut : "En moyenne, la production de viande génère dix fois plus d'émissions de gaz à effet de serre que celle des produits céréaliers et des légumineuses".
Et les agriculteurs ?
En pleine crise agricole, conseiller de baisser la consommation de viande pourrait être considéré comme désavantageux pour les éleveurs. Pourtant, le rapport ne va pas dans ce sens. Nicole Darmon précise être en phase avec le slogan d’Interbev (Interprofession du bétail et des viandes) de "manger moins mais mieux".
"Environ 50% des poulets et 30% de la viande bovine que nous consommons en France sont importés. En consommer moins ne se fait pas forcément au détriment des éleveurs français", précise-t-elle. La chercheuse estime qu’il pourrait être intéressant de passer à des modes de production en polyculture-élevage, plus diversifiés et vertueux.
Enfin, la scientifique ajoute qu’il existe trois grands leviers pour réduire l’impact carbone de l’alimentaire, à savoir "la gestion des pertes, le mode de production et le mode de consommation". Alors que le rapport publié mardi ne se concentre que sur ce dernier point, Nicole Darmon affirme que "ces trois leviers doivent être actionnés ensemble".
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