Les viandes cellulaires sont cultivées dans des bioréacteurs, en laboratoire.
©MatejKastelic/Shutterstock
ID décrypte

Viandes cellulaires : une alternative vraiment durable ?

Article réservé aux abonnés

Dix ans après le premier steak haché "in vitro" au monde, les sénateurs s’expriment sur la viande cellulaire. S’ils affirment leur opposition "éthique" au principe, ils laissent la porte ouverte à son développement économique. Cette alternative à l’élevage intensif est-elle vraiment durable ? ID fait le point.

Le 19 avril, la Commission des affaires économiques du Sénat a publié son rapport d’information sur les aliments cellulaires. Les sénateurs y expriment leur "opposition anthropologique, éthique, culturelle et politique au développement des aliments cellulaires". Estimant que l’alimentation est avant tout "un fait culturel et social", ils s’opposent à une "vision purement utilitaire" des assiettes françaises.

Culture en cuves

Le processus consiste à prélever des cellules d’un animal vivant,"par biopsie, un processus indolore pour l’animal", selon Agriculture Cellulaire France, association de promotion de la technologie. Ces cellules sont ensuite cultivées dans une cuve stérile et fermée, un bioréacteur, pour qu’elles s’y développent. Elles y prospèrent à l’aide d’un milieu de culture qui leur permet de croître jusqu’à reconstituer des fibres musculaires, et finalement une viande artificielle.

En 2013, le scientifique néerlandais Mark Post présente à Londres le premier burger cuisiné avec un steak haché cellulaire. Depuis, une centaine d’entreprises à travers le monde étudient les possibilités de cette technologie. Parmi elles, deux Françaises, Vital Meat, filiale du géant de l’élevage Grimaud, et Gourmey, start-up parisienne, qui a levé 48 millions d’euros de fonds en 2022 pour produire son foie gras de synthèse.

Un impact environnemental débattu

Selon les promoteurs de la viande cellulaire, le procédé permettrait de résoudre les problèmes de l’élevage industriel, pointé du doigt par les associations écologistes, du fait des conditions d’élevage et d’abattage, et de son bilan carbone. Mais l’empreinte carbone des viandes cellulaires reste débattue.

Une étude de la revue scientifique Nature dresse en 2020 le bilan carbone des productions de viandes en laboratoire et en élevage. Si les émissions de gaz à effet de serre de la viande cellulaire sont quatre fois plus faibles que celles du bœuf, elles sont pour autant supérieures à celles de l’élevage de poulets et de porcs. Surtout, l’étude pointe la consommation d’énergie nécessaire aux laboratoires, notamment pour maintenir en permanence les 37 °C indispensables pour le milieu de culture, bien supérieure à toutes les autres formes de production de viandes. Le secteur n’est donc vraiment vert que dans les pays où la production d’énergie repose en grande partie sur le renouvelable ou le nucléaire.

Porte ouverte

Malgré l’enthousiasme des scientifiques, des entrepreneurs et investisseurs, ces interrogations appellent les politiques à la prudence. Les ministres de l’Agriculture successifs ont affiché leur opposition à la viande de labo, suivis par l’Assemblée nationale, qui l’interdit depuis 2021 de façon préventive dans les cantines. L’Union européenne n’a de même pour l’instant émis aucune autorisation de commercialisation du produit.

Toutefois, dans le même temps, la Banque Publique d’Investissement soutient le secteur à hauteur de 15 millions d’euros. La Confédération Paysanne s’inquiète de même du revirement de la FNSEA, syndicat majoritaire, qui a nuancé ses oppositions à la viande en laboratoire sans élevage lors de ses auditions au Sénat. Ces portes ouvertes font dire aux sénateurs que "les hésitations des pouvoirs publics […] font craindre en France un stop-and-go contre-productif". Ils recommandent de soutenir la recherche, pour limiter les risques de "tomber dans la dépendance à de grandes entreprises étrangères". Toutes précautions prises, les cellules font leur chemin.

Vous avez apprécié cette information ? Abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici !  

Pour aller plus loin et agir à votre échelle, découvrez notre guide Idées Pratiques #12 : "Ecologie : gagner plus, dépenser moins”. 

Au sommaire : enjeux, analyses, entretien décryptages... 68 pages pour associer économies avec écologie ! 

 Cliquez ici pour découvrir et commander votre guide Idées Pratiques. 

#TousActeurs

* Offre sans engagement valable pour toute nouvelle souscription d’un abonnement à l’Infodurable. Au-delà du 1er mois, à défaut de résiliation, reconduction tacite de l'abonnement à 6,90€ par mois. Le client peut à tout moment demander la résiliation de son abonnement. Cette résiliation prendra effet le dernier jour de la période d'abonnement en cours.
Pour toute question, vous pouvez contacter notre service client par mail contact@linfodurable.fr.