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Le retour de la consigne en France, c’est pour bientôt !

Le retour de la consigne : phénomène de mode ou modèle viable ? ID a posé la question à Clémence Richeux, cheffe du projet chez Locaverre, l’association porteuse du projet "Ma bouteille s’appelle reviens" auquel nous avions déjà consacré un article.

Le projet,"Ma bouteille s'appelle Reviens" vise à créer un service de consigne des bouteilles en verre de jus de fruits, de bière et de vin, sur le territoire Drôme-Ardèche. Les objectifs sont notamment de réduire les dépenses énergétiques liées au traitement du verre, de laisser de la place aux circuits courts et de sensibiliser les consommateurs et les producteurs à la réduction des déchets. Clémence Richeux nous donne plus des précisions...

Comment est né ce projet ? 

Cette idée de relancer la consigne sur le territoire Drôme-Ardèche est née il y a à peu près deux ans, à l'initiative de brasseurs et de producteurs de jus de fruits. Ils trouvaient dommage d'acheter des bouteilles, de leur faire parcourir des milliers de kilomètres, pour finalement s'en débarrasser. Nous avons donc monté une petite étude de marché pour déterminer s'il s'agissait uniquement d'un groupe d'hurluberlus ou si cette idée séduisait d'autres acteurs locaux. Cette idée a été rapidement relayée, aussi bien par les producteurs de bière, de jus de fruits et de vin que par les consommateurs et les commerces. Nous avons ensuite monté une étude de faisabilité afin de déterminer le degré de viabilité du projet, tant sur le plan technique qu'économique. Résultat ? Nous avons conclu que ce projet était techniquement réalisable en observant comment cela se passait dans les pays l'ayant déjà mis en place, tels que l'Allemagne, la Suisse et la Belgique. Économiquement parlant, cela risque d'être un challenge important : nous devons laver 10 % de ce qui est produit et consommé localement afin d'atteindre une viabilité économique, ce qui représente 1,5 million de bouteilles par an. 

Combien de producteurs et de commerces espérez-vous mobiliser ? 

L'objectif est de parvenir à mobiliser une centaine de producteurs et une quarantaine de magasins dans la région. Aujourd'hui, les commerces partenaires sont principalement des magasins bios, mais nous espérons pouvoir, à terme, toucher les moyennes et grandes surfaces qui commencent peu à peu à distribuer des produits locaux, ce qui n'était pas le cas jusqu'à très récemment. 

Qu'avez-vous réussi à mettre en place à ce jour ? 

Nous menons actuellement une phase d'expérimentation : près d'une trentaine de producteurs ainsi qu'une quinzaine de magasins partenaires ont accepté de se joindre à nous dans ce cadre-là. Concrètement, les produits consignables sont mis en valeur dans les magasins. Une fois achetés et consommés, ils sont rapportés en magasins. C'est alors que nous entrons en scène : nous collectons les bouteilles, nous les amenons sur notre unité de lavage, nous les lavons et nous les faisons livrer aux producteurs afin qu'ils embouteillent leurs produits. Notre modèle économique repose sur la vente du produit lavé au producteur. Le projet démarrera réellement en mai, lorsque nous ouvrirons notre unité de lavage. Il s'agit d'un lave-vaisselle de 10 tonnes, qui pourra laver 2 500 bouteilles par heure. Nous nous sommes aussi dotés d'un petit équipement de lavage pour les pots de yaourt ou de miel par exemple. 

En quoi consiste "l'expérience consommateur" ? 

Actuellement, dans cette phase d'expérimentation, le producteur est décideur : il peut choisir d'établir une consigne monétaire ou non. Dans ce cas-là, le consommateur doit payer entre 50 centimes et 1 euro de plus sur son produit, qu'il récupérera en rapportant le contenant en magasin. Nous mènerons cette réflexion lorsque le projet sera réellement lancé : nous voulons en discuter avec tous les acteurs concernés autour de la table, et choisir ensemble si nous établissons une incitation monétaire ou si nous proposons des bons d'achat, etc. Cela pourra toutefois être différent d'un producteur à l'autre. 

Quels bénéfices apporterait le retour de la consigne à l'ensemble des parties prenantes du projet ? 

Les bénéfices sont nombreux. Tout d'abord sur l'environnement : l'Ademe (NDLR : l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) a réalisé plusieurs études à ce sujet. La consigne permettrait d'économiser 75 % d'énergie primaire par rapport au recyclage et laver des bouteilles consomme paradoxalement 33 % d'eau en moins que la fabrication d'une nouvelle bouteille. Cela permettrait également d'économiser 79 % d'émissions de gaz à effet de serre. Concernant les producteurs, le bénéfice se situerait au niveau du tarif de la bouteille : nous voulons faire en sorte que le prix des bouteilles lavées soit inférieur au coût que représente la fabrication de nouvelles bouteilles. Il y a également un atout marketing pour ces producteurs : participer à ce projet leur permettra de mettre en avant leur action en faveur de la protection de l'environnement et leur implication sur le territoire local. Le consommateur, lui, réduirait son impact environnemental et créerait des liens de proximité avec les commerçants et producteurs locaux. Enfin, cela permettrait de créer une dizaine d'emplois sur le territoire. 

En tant qu'association, quelle importance accordez-vous à cette approche collaborative ? 

Cette approche me semble capitale, notamment lorsque l'on considère que les producteurs concernés sont non seulement partie intégrante du projet, mais ont également été à son origine. Nous voulons ensuite nous constituer en SCIC, une Société Coopérative d'Intérêt Collectif, afin que chaque partie prenante du projet puisse avoir des parts au sein de la société. L'objectif est de créer une dynamique collective, une sorte de communauté autour du modèle de la consigne. Nous voulons organiser des rencontres, des visites d'exploitations agricoles et de brasseries, etc. Sur un territoire comme le notre, la collaboration et les projets collectifs sont des atouts considérables. 

Relève-t-on d'autres initiatives de ce type sur le territoire ? 

On en relève même beaucoup. Elles sont toutes regroupées au sein du "Réseau Consigne". Nous sommes tous dans une même phase d'expérimentation. L'envie et les attentes sont là, mais la réussite du projet repose sur la viabilité de son modèle économique, indispensable à la survie de l'activité. 

La réintroduction de la consigne en France constitue-t-elle un "retour en arrière" ? 

Aujourd'hui, la volonté de revenir à une consommation locale et éthique commence à se propager. Le retour de la consigne surfe un petit peu sur ce mouvement-là. Il y a dix ans, on ne consommait presque plus de produits et de boissons locales, mais aujourd'hui ces modes de consommation refont surface...pourquoi pas la consigne alors ? 

Pour retrouver la chronique du Social Lab sur France Inter, c'est par ici