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"Huile de palme durable", une réalité ?

Sujette à de nombreuses controverses, l'industrie de l'huile de palme cherche depuis plusieurs années à développer une filière durable, avec plus ou moins de succès.

Il y a quelques semaines, la filière de l'huile de palme s'est à nouveau retrouvée au centre d'une controverse mettant en cause le géant de l'agroalimentaire Mondelez, dont certains fournisseurs sont accusés par Greenpeace d'avoir détruit près de 25 000 hectares de forêts abritant des orangs-outans en l'espace de deux ans. De quoi relancer les débats autour d'un produit à la réputation déjà bien écornée, car depuis longtemps associée à la déforestation, à la perte massive de biodiversité et au non-respect des droits humains, principalement en Indonésie et en Malaisie, qui pèsent environ 85 % de la production mondiale. 

Pourtant, il n'est pas forcément facile de se passer de cette huile végétale, la plus consommée au monde, présente aujourd'hui dans près de la moitié des produits vendus dans les supermarchés européens. Très rentable en termes de prix et surtout d'espaces nécessaires à sa production, la remplacer par d'autres huiles ne ferait que "déplacer le problème", estimait il y a encore quelques mois l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). "La moitié de la population mondiale utilise l'huile de palme pour son alimentation. Aussi si nous l'interdisons ou la boycottons, d'autres huiles, plus gourmandes en terres, prendront très certainement sa place", pointait alors sa directrice générale, plaidant plutôt pour le développement d'une huile de palme "exempte de déforestation". 

Une certification contestée

Une garantie qu'est censé offrir, depuis 2004, le Roundtable for Sustainable Palm Oil (RSPO), un organisme créé à l'initiative de producteurs, de négociants, mais également d'ONG, dont l'objectif annoncé est de valoriser une filière responsable, respectueuse à la fois de l'environnement et des droits des travailleurs. Mais dont l'action est contestée. Dans son rapport, l'UICN estimait ainsi que "l’huile de palme certifiée s’est avérée, jusqu’à présent, à peine plus efficace pour empêcher la déforestation que son équivalente non-certifiée, mais l'approche est encore relativement nouvelle et possède un potentiel pour améliorer la durabilité".

Un constat partagé par d'autres acteurs dont Greenpeace, mais également Changing Markets, qui pointait en mai dernier les "lacunes" du RSPO, qui "permet la conversion des forêts secondaires et l’assèchement des tourbières", n'a "pas empêché les violations des droits humains" et "ne nécessite pas de réduction des émissions de GES". Plus généralement la fondation néerlandaise épinglait un grand nombre des initiatives existant aujourd'hui pour l'huile de palme, toutes présentant selon elle des "problèmes de cohérence" à la fois en termes d'ambition que d'"exigences de traçabilité". 

Manque de transparence

Pour se hisser à la hauteur des attentes, le RSPO, qui certifie aujourd'hui près de 20 % de la production mondiale, a annoncé début novembre une nouvelle norme renforçant ses engagements en faveur de la protection de l'environnement. Celle-ci prévoit entre autres l’élargissement de la protection aux forêts secondaires, la "protection de toutes les tourbières pour les nouvelles plantations" ou encore le respect de l’interdiction du travail des enfants et l’égalité salariale entre femmes et hommes. Reste à voir comment seront concrétisées ses nouvelles ambitions par les membres du RSPO dont font partie... Mondelez, mais également Wilmar International, premier négociant mondial d’huile de palme, ciblé en juin par Greenpeace en raison des pratiques de l'un de ses fournisseurs, ce malgré son engagement "zéro déforestation".

Dans un rapport publié en septembre, l'ONG appelait d'ailleurs l'ensemble de l'industrie à respecter cette parole, citant notamment les cas de Colgate-Palmolive, L’Oréal, Kellogg’s, Nestlé, Pepsico ou encore Unilever -tous membres du RSPO-, qui continueraient à se fournir auprès de 25 producteurs d’huile de palme ayant contribué à la destruction de 130 000 hectares de forêt et de tourbière. Pourtant, estiment de nombreux acteurs du secteur, produire une huile de palme durable est aujourd'hui possible, en ayant par exemple recours à des sols déjà dégradés.