Thomas Rabant, CEO chez ReGeneration.
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Climat

"L’agriculture régénératrice permet une meilleure résistance aux aléas climatiques"

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Dans un entretien pour ID, Thomas Rabant, CEO chez ReGeneration, revient notamment sur les atouts de l’agriculture régénératrice dans la lutte contre le changement climatique.

Convaincue que l’agriculture régénératrice constitue l’avenir de la planète, l’entreprise à mission ReGeneration contribue depuis plusieurs années à financer et accélérer son développement. Pour ID, son CEO, Thomas Rabant, revient sur les grands principes de cette agriculture, ses spécificités et la vision du grand public à son propos. Il nous explique également en quoi consistent les crédits d’éco-contribution développés par ReGeneration.

Quelle est votre définition de l’agriculture régénératrice et en quoi se distingue-t-elle de l’agriculture biologique ?

L’agriculture régénératrice a pour objectif d’améliorer la santé des sols grâce à des pratiques plus respectueuses de ceux-ci. On peut par exemple mettre en place des couverts végétaux, travailler les sols le moins possible et assurer une bonne rotation des cultures. Cela permet à la fois de maintenir voire régénérer la santé des sols, mais aussi la productivité des exploitations. En effet, les sols qui ont bénéficié de régénération sont beaucoup plus fertiles, s’enrichissent en matière organique et en biodiversité, retiennent mieux l’eau, etc.

Ces pratiques sont une solution majeure au changement climatique, car elles stockent du carbone dans les sols, enrichissent la biodiversité, préservent les ressources en eau et réduisent le besoin d’engrais synthétiques. 

Cette agriculture ne répond pas forcément aux principes de l’agriculture biologique. L’agriculture biologique n’est pas tant focalisée sur la santé des sols que sur un cahier des charges interdisant les intrants de synthèse. Cette chimie, à trop y recourir, a un effet délétère sur la santé des écosystèmes et la santé humaine, en sorte que l’agriculture biologique n’est non seulement pas contradictoire avec l’agriculture régénératrice, mais en est peut-être une des étapes.

La forme d’agriculture idéale serait donc une convergence de l’agriculture régénératrice et de l’agriculture biologique. La ferme Larrous de Félix Noblia, associé chez ReGeneration, en est un excellent exemple.

Quels sont les atouts de l’agriculture régénératrice dans la lutte contre le changement climatique ?

Ces pratiques sont une solution majeure au changement climatique, car elles stockent du carbone dans les sols, enrichissent la biodiversité, préservent les ressources en eau et réduisent le besoin d’engrais synthétiques. 

La transformation de l’agriculture, qui pèse aujourd’hui pour environ 20% des émissions de gaz à effet de serre et représente 40% des terres de la planète, pour construire des exploitations agricoles qui deviennent stockeuses de carbone, est donc un enjeu clef.

On observe une attente grandissante des consommateurs pour des produits, non plus seulement sains, mais aussi issus d’une agriculture plus respectueuse de la planète, illustrée par l’émergence du Planet Score. 

Dans un contexte de changement climatique et de multiplication des phénomènes violents (tempêtes, inondations, canicules, sécheresse), l’adaptation de l’agriculture est un enjeu non moins important. Par exemple, un sol non travaillé et couvert par des végétaux résiste très bien à des orages violents, contrairement à un sol nu et travaillé, qui se trouve lessivé sous la force des pluies. 

L’agriculture régénératrice permet donc aussi une meilleure résistance face aux aléas climatiques et construit des systèmes alimentaires plus robustes, de nature à assurer dans cet environnement une production plus stable. C’est pour ces raisons que la régénération des sols agricoles est une préoccupation mondiale, promue depuis des années par l’initiative 4pour1000, issue de la COP 21.

Y a-t-il déjà un enjeu commercial fort à destination du grand public pour des produits issus de ce mode de production ?

On observe une attente grandissante des consommateurs pour des produits, non plus seulement sains, mais aussi issus d’une agriculture plus respectueuse de la planète, illustrée par l’émergence du Planet Score. 

Dans les filières agroalimentaires, plusieurs grands groupes connus du grand public s’engagent dans la direction de l’agriculture régénératrice (Danone, Nestlé, Mc Cain, Pernod Ricard). Les premières marques de produits issus de cette agriculture se développent également : on peut citer l’exemple d’Omie. 

On peut donc parier sur le fait que la demande de produits issus d’une agriculture régénératrice ne fera que croître à l’avenir.   Le grand public étant de plus en plus sensibilisé sur la question, nous sommes convaincus qu’au-delà d’achats alimentaires plus éclairés, certains souhaitent contribuer davantage. C’est pour cela que nous proposons aux particuliers de soutenir les agriculteurs dans leur démarche de transition à travers un produit d’épargne transparent et vertueux. 

Vous avez développé des "crédits d’éco-contribution", en quoi cela consiste ?

Pour les entreprises, ReGeneration a construit le crédit d'éco-contribution : au-delà d'un simple crédit carbone, il repose sur la mesure réelle des bénéfices de l'agriculture régénératrice et prend en compte les 3 dimensions essentielles que sont le stockage de carbone, l'amélioration de la biodiversité et des ressources en eau. Ce crédit de haute valeur est issu de projets agricoles locaux accompagnés dans la durée, et repose sur des méthodologies supérieures aux plus hauts standards et sur la mesure concrète des paramètres.

C’est aujourd’hui, à notre connaissance, le seul instrument susceptible de construire suffisamment de valeur pour financer la transition des pratiques agricoles et de permettre aux entreprises de revendiquer une action locale et positive pour la planète de manière globale et incontestable, à l’abri du greenwashing. Pour les entreprises engagées pour le climat, le crédit d'éco-contribution (chaque crédit incluant naturellement un crédit carbone) permet en effet :

- Une contribution environnementale réelle et locale : les crédits constituent un nouvel outil de financement de l'agriculture et du climat, puisque la majeure partie de la valeur est destinée aux agriculteurs

- Une communication et une réputation incontestables sur un impact global (carbone, biodiversité, eau) et traçable, en avance sur la future comptabilité environnementale

- Une construction de valeur financière : les crédits pourront prendre de la valeur, non seulement en raison de la hausse attendue du marché, mais aussi de l’adjonction de nouveaux paramètres au fil du temps.

Fondamentalement, notre crédit est donc un instrument qui construit un lien entre l’agriculture et le monde des entreprises, un instrument qui apporte une solution et de la valeur à ces deux univers.  

Le cadre réglementaire et politique est favorable au développement à grande échelle de l’agriculture régénératrice ?

Le cadre réglementaire évolue en même temps que les consciences collectives sur ces sujets. Pour autant, l’évolution de ces cadres n’a pas un rythme suffisant pour être à la hauteur de l’urgence climatique à laquelle nous sommes collectivement confrontés. Les politiques de subvention de l’agriculture ne sont à ce jour pas assez incitatives à l’adoption de pratiques régénératrices et les niveaux de valeur associés sont trop faibles pour répondre aux enjeux. 

Notre ambition est d’accompagner 150 à 200 000 hectares en France d’ici deux ans et de commencer à déployer notre modèle dans d’autres pays d’Europe.

C’est pour cette raison que nombre d’initiatives privées, dont ReGeneration, construisent des solutions permettant d’accélérer cette transition indispensable et des instruments permettant de valoriser les externalités positives de l’agriculture à des niveaux suffisants. D’ailleurs, on observe que le marché du carbone volontaire, sur lequel nous opérons et dans lequel investissent de plus en plus d’entreprises privées sincèrement engagées pour le climat, est porté par une extraordinaire croissance, en volume comme en valeur (de 2 milliards USD en 2021 à 100 milliards USD en 2030 et 250 milliards USD en 2050¹), et que l’agriculture y a pris une place majeure.  

Quels sont vos objectifs d’entreprise pour les deux années à venir ?

Accompagner toujours plus d’agriculteurs dans cette démarche de progrès et convaincre toujours plus d’entreprises de s’investir de manière incontestable pour le climat et pour une agriculture locale et vertueuse à travers nos crédits d’éco-contribution.

Notre ambition est d’accompagner 150 à 200 000 hectares en France d’ici deux ans et de commencer à déployer notre modèle dans d’autres pays d’Europe. Nous souhaitons aussi poursuivre avec nos clients et partenaires le développement de notre crédit d'éco-contribution, pour contribuer à l’extension d’un mouvement d’engagement sincère des entreprises en faveur du climat et d’une agriculture vertueuse. 

A cet égard, si ReGeneration a d’ores et déjà développé des méthodologies et protocoles de mesure des bénéfices de l’agriculture (stockage de carbone, amélioration de la biodiversité et des ressources en eau) de haut niveau, nous poursuivrons le développement de ces méthodologies et des outils associés, avec l’aide de nos partenaires techniques et de la communauté scientifique, pour continuer de construire les plus hauts standards et la plus haute valeur. 

Enfin, et c’est une ambition clef de notre entreprise, qui a choisi d’emblée le statut d’entreprise à mission, nous commencerons à construire les éléments permettant de corréler à grande échelle les résultats des mesures des bénéfices de l’agriculture régénératrice aux pratiques culturales, de manière à établir des niveaux pertinents de prédictibilité des impacts de ces pratiques. Car, face au changement climatique, c’est un enjeu de société que de construire des systèmes alimentaires robustes et durables. 

¹.*Morgan Stanley - Research insights and analysis on the future of carbon offsets - Avril 2023

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