C’est un écosystème méconnu mais essentiel. Régulateurs de crues et de climat, les sols abritent 25 % de la biodiversité de la planète. Un réservoir aujourd’hui menacé. A l’échelle mondiale, 40 % des sols sont dégradés selon l’ADEME.
L’appauvrissement des sols est en grande partie dû aux activités humaines. En cause : l’artificialisation des terres, les activités industrielles mais aussi certaines pratiques agricoles ou sylvicoles. L'usage d’engrais de synthèse et de produits phytosanitaires dans l’agriculture intensive contribue notamment à polluer les sols. L’utilisation d’équipements de plus en plus lourds abîment également les terres et la biodiversité qu’elles hébergent. Face à ces constats, de plus en plus d'acteurs plaident pour l’adoption de pratiques agricoles plus durables, à l’image de l’agriculture régénératrice. Mais que recouvre concrètement ce terme ?
Restaurer l’état des sols
Comme son nom l’indique, il s’agit d’un ensemble de méthodes agricoles qui vise à restaurer les sols dégradés par l’agriculture conventionnelle.
Historiquement, l’agriculture régénératrice s’appuie sur l’agriculture de conservation des sols qui s’est développée aux Etats-Unis puis en Europe. Elle est arrivée en France il y a moins d'une quinzaine d’années”, explique Michel Duru, directeur de recherche à l’Inrae.
L’agriculture de conservation repose sur trois principes : une couverture permanente du sol par des végétaux ou des résidus de cultures antérieures qui va permettre de protéger la surface des sols, de maintenir l’humidité et de nourrir les micro-organismes ; des rotations longues pour améliorer la fertilité des sols ; et la réduction du travail du sol en arrêtant notamment le labour qui élimine les mauvaises herbes mais détruit la biodiversité et les galeries de vers de terre.
Lutter contre le changement climatique
En appliquant ces principes, l’agriculture régénératrice présente de nombreux avantages. C’est notamment une solution pour lutter contre le dérèglement climatique. "Le sol émet du CO2 par la respiration des organismes du sol et la décomposition de matières organiques. Mais en ayant une couverture permanente des terres, on peut séquestrer du carbone plus qu’on en émet, environ une tonne de CO2 par an par hectare. Cela permet de contribuer au ralentissement du réchauffement climatique”, détaille Michel Duru. L’agriculture régénératrice prévient également l’érosion des sols et améliore le cycle de l'eau. “La matière organique joue le rôle d’une éponge et permet de retenir plus d’eau. Résultat, il y a moins de ruissellement. C’est aussi plus d’eau qui est mise au service des cultures”, abonde le directeur de recherche à l’Inrae.
Une solution pour l’avenir ?
Une approche prometteuse qui n’est pas sans limites. "Sur des sols riches en matière organique, il est assez aisé d’appliquer les principes de l’agriculture régénératrice en produisant autant que l’agriculture conventionnelle, tout en utilisant moins d’intrants et en rendant des services à la société (séquestration du carbone dans les sols, amélioration du cycle de l’eau). En revanche, appliquer les principes de l’agriculture régénératrice sur un sol dégradé représente un non-sens. Cela conduira nécessairement à un échec”, relève le spécialiste, avant d’ajouter : "les travaux de recherche montrent que pour des sols dégradés (pauvres en matières organiques), il faut couvrir le sol en permanence, et souvent le labourer et utiliser des pesticides. Ce n’est seulement qu’au bout d’un certain nombre d’années, quand le sol aura des teneurs en matière organique plus élevé, qu’il sera possible de réduire le travail du sol et les apports d’engrais, les insecticides et fongicides de synthèse.”
Ensuite, supprimer les herbicides nécessite d'aller plus loin dans la diversification des cultures, en utilisant par exemple des plantes étouffantes comme la luzerne et le chanvre. Cela suppose de créer de nouvelles filières. Un processus long, lent et plein d’embûches, concède Michel Duru.
Pour l’heure, l’agriculture régénératrice reste un concept encore marginal en France. Cette agriculture est aujourd’hui essentiellement portée par des géants de l’agroalimentaire comme Danone, qui a investi plus de 40 millions d’euros dans la transition vers une agriculture régénératrice depuis 2016. En février, le groupe avait annoncé que 60 % de ses agriculteurs partenaires seront engagés dans l’agriculture régénératrice d’ici fin 2023. Et 100 % d’ici à 2025.
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