"Si je ne trie pas mes déchets, les ours polaires vont mourir !". Ce genre d’angoisses enfantines, Coline Bernier, de l’association d’éducation populaire e-graine, en entend tous les jours. La crise climatique et l’inaction des Etats face à celle-ci sont sur tous les écrans de télévision et sur les réseaux sociaux, immanquables, même pour les plus jeunes. "Les enfants savent, entendent dans les médias ou les conversations des adultes qu’il y a un changement, et qu’il est anormal", rappelle la responsable pédagogique de l’association.
Curieux par nature, ils posent des questions, s’interrogent sur le monde, et il est souvent très difficile de leur répondre avec tact, d’autant plus lorsqu’il s’agit de la sixième extinction de masse ou du réchauffement de la planète. "Les constats de la crise peuvent être assez vertigineux, pour les enfants comme pour les adultes", analyse la docteur Alice Desbiolles, spécialiste de l’écoanxiété. Il est alors essentiel d’adapter le discours à un très jeune public, et de dédramatiser la situation.
Renouer avec la nature
"Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, ils ne doivent pas porter ce poids sur leurs épaules ! insiste Coline Bernier. Avant de parler de chiffres alarmants, il est essentiel de les accompagner dans leur développement, leur faire prendre conscience d’eux et des autres. Les bonnes pratiques iront de soi par la suite". Alice Desbiolles abonde, "les enfants voient la part sauvage du monde, il est possible d’œuvrer pour qu’ils déploient toute leur empathie pour la nature".
Les deux spécialistes conseillent de reconnecter les plus petits avec leur environnement proche. "C’est un fait social et sanitaire, chaque génération est de plus en plus coupée de l’extérieur. Mais ce n’est pas une fatalité !" relève la docteur Desbiolles. Balades pédagogiques en forêt, potager dans la cour de récréation, sensibilisation au vivant, sont des pistes simples pour répondre aux angoisses des enfants, en les liant avec la nature. "Dans nos actions avec e-graine, on recrée une relation beaucoup plus saine avec l’environnement dans lequel ils vivent", précise Coline Bernier. En Seine-Saint-Denis, l'association propose aux tous petits de partir à la rencontre de la biodiversité de la région, à travers le programme "L'arbre mon voisin".
Développer l'optimisme
Pour Alice Desbiolles, l’anxiété des enfants face à la crise climatique se manifeste d’abord par une envie d’y répondre, de trouver des solutions. "L’optimisme peut être une force superbe", ajoute Coline Bernier. Il existe des alternatives qui vont dans le bon sens. Parents, professeurs ou associations peuvent les éveiller aux initiatives locales, en leur faisant visiter des éco-lieux par exemple. Il s'agit de réfléchir avec les nouvelles générations sur les façons de "mieux vivre ensemble dans leur environnement immédiat", selon les mots d’Alice Desbiolles.
E-graine a lancé plusieurs initiatives dans ce sens, pour montrer aux enfants que la complexité du problème ne veut pas dire impuissance. Plutôt que de questionner le pourquoi de la crise, l'association propose d'encourager les actions qui permettent d'y répondre. Les enfants sont d'ailleurs souvent force de proposition, que ce soit pour créer un compost à l'école, collecter les déchets de la cour, ou rappeler à leurs parents qu'il faut économiser l'eau et éteindre les lumières. Des petits gestes, faits dans l'optimisme, qui sont bien plus efficaces que de grands discours.
Être un modèle
La docteur comme la responsable pédagogique insistent sur le devoir d'exemplarité des adultes qui entourent les enfants. Il faut éviter les "injonctions contradictoires entre la société des adultes et leurs discours" insiste docteur Desbiolles. Elle appelle à la fois à changer radicalement le système consumériste et écocide, mais aussi à se montrer à la hauteur de ces enjeux à l'échelle individuelle.
Il reste difficile de ne pas communiquer aux enfants les angoisses qui traversent les adultes quand il est question de la crise. E-graine propose pour cela des espaces d'échanges, des formations gratuites à destination des parents. Cela peut permettre à tous d'aborder les défis qui nous attendent de façon plus sereine, et de recréer du lien entre les générations autour de la préservation de l'environnement.
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