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Vie quotidienne

Dans les logements bouilloires, "on cogite pour trouver le sommeil"

"C'est fatigant, on cogite pour trouver le sommeil". Léon Bentafrit a hâte de sortir de la canicule à Aubervilliers, ville populaire au nord de Paris: comme un tiers des logements en France, son appartement est une "bouilloire thermique", très difficile à rafraîchir.

Mardi en début de soirée, l'homme de 38 ans scrute son thermomètre: 31 °C à l'intérieur. "C'est une chaleur quand même... il faut les supporter", témoigne à l'AFP ce père de famille, installé depuis 2016 avec sa femme et ses trois enfants dans son logement social.

Volets fermés dans toutes les pièces, et ventilateur allumé pour sa fille qui fait la sieste, le trentenaire, pourtant en bonne condition physique, est essoufflé dans ses déplacements.

Le bâtiment, une ancienne caserne de pompiers reconvertie, est mal isolé, sans climatisation. Les ventilateurs y tournent en continu.

"Les ventilos, en fait... quand on est devant, ça va, on est soulagé. Mais dès qu'on s'éloigne ou qu'on les éteint, on a encore plus chaud", relève Léon Bentafrit, technicien dans l'automobile.

"Rien ne bouge" 

Dans ces logements surnommés "bouilloires thermiques", l'isolation défaillante laisse entrer la chaleur l'été. Lors des pics de canicule, la température intérieure grimpe vite, rendant l'espace étouffant. Or en France, un logement sur trois (35 %) est une bouilloire, selon la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Abbé Pierre), qui a publié un rapport sur ce sujet la semaine dernière.

Léon Bentafrit s'inquiète particulièrement pour sa fille d'un an. "Il faut l'hydrater tout le temps". Les nuits sont courtes. "C'est fatigant. On cogite, on cogite pour trouver le sommeil", souffle-t-il, expliquant ne pas s'endormir avant 2 h du matin, malgré l'utilisation d'un brumisateur électrique.

Le bailleur a heureusement annoncé des travaux à venir, portant sur la pose de VMC (ventilation mécanique contrôlée) et l'amélioration de l'isolation. Mais le père de famille reste prudent: "On entend ça depuis un moment, mais rien ne bouge".

L'alliance des industriels du bâtiment IGNES alerte régulièrement sur l'inadaptation des logements aux fortes chaleurs. Elle concerne neuf logements sur dix, indique cette organisation professionnelle sur la foi de l'indicateur de confort d'été du diagnostic de performance énergétique (DPE).

L'IGNES pointe un retard dans la rénovation énergétique des logements. "Tous les acteurs du secteur n'ont pas été mis autour de la table pour discuter de cet indicateur", indique Brice Brandenburg, son responsable des affaires publiques et de la communication institutionnelle. "L'horizon 2030 évoqué pour l'adaptation des logements, ce n'est pas assez tôt".

Face à l'ampleur du phénomène, la Fondation pour le logement des défavorisés a annoncé qu'une proposition de loi transpartisane, soutenue par des députés de sept groupes politiques, serait déposée prochainement à l'Assemblée nationale pour lutter contre les "logements bouilloires".

En attendant, Léon Bentafrit envisage de plus en plus d'investir dans un climatiseur. "Peut-être l'année prochaine, si ça continue", confie le père de famille. Pas vraiment convaincu toutefois par cette solution: "Le problème, c'est la facture d'électricité..."

Avec AFP.