Alors qu’en 2019 Coldplay avait créé l’événement en annulant sa tournée afin de plancher sur des solutions plus écoresponsables, en 2024 c’est le groupe d’électro-rock français, Shaka Ponk, qui a fait parler de lui en annonçant arrêter définitivement ses concerts pour des raisons écologiques. Des prises de position qui mettent en lumière l’impact environnemental de la musique live.
Et pour cause. Entre les déplacements des spectateurs et des artistes, les dépenses énergétiques liées aux lumières et la sonorisation, ou encore les déchets, l'empreinte carbone des tournées peut rapidement grimper.
Selon un rapport publié en 2021 par The Shift Project, un festival qui accueille près de 280 000 visiteurs pendant quatre jours, comme celui des Vieilles Charrues à Carhaix, émet plus de 15 000 tonnes équivalent CO2.
Des initiatives multiples
Face à ce constat, les professionnels du secteur des musiques actuelles tentent de trouver des solutions de réduction. Des initiatives émergent notamment pour repenser la production des concerts et des tournées dans une démarche de sobriété, à travers par exemple l’écoconception des décors, la réduction de la taille des événements ou encore le recours à des modes de transports plus doux.
A lire aussi : "Spectacle vivant : la sobriété entre en scène"
Autant d’alternatives inspirantes qui peinent toutefois à répondre aux problématiques de tous les acteurs du live, souligne Hermine Pelissié du Rausas, directrice RSE chez Ekhoscènes, premier syndicat des professionnels du spectacle vivant privé.
Il existe aujourd’hui des modèles alternatifs, qui sont socialement et artistiquement légitimes. Mais cela n’en fait pas pour autant des modèles, ni artistiques, ni économiques applicables à l’ensemble d’un secteur. Il doit exister un panel de réalités sur les tournées de demain”, appuie-t-elle.
Fort de ce constat, le syndicat a décidé de lancer le 30 janvier dernier le projet M.A.T.R.I.C.E (Musiques actuelles en tournées recherche et innovation pour la coopération et l’écoconception), avec cinq de ses adhérents : les sociétés de production Bleu Citron, Live Nation, Talent Boutique et W Spectacle, ainsi que S-PASS TSE, un réseau de salles.
Etudier l’ensemble des impacts des tournées
Objectif affiché : apporter une réponse aux producteurs de spectacles, aujourd’hui en difficulté pour entrer dans une démarche de transition - alors qu’ils sont à la source des créations avec les artistes.
"Contrairement aux festivals ou aux salles, les producteurs travaillent sur une pluralité de projets uniques. Par conséquent, ils n’ont pas toujours le temps d’expérimenter ou de tester des choses sur le long terme. Les contextes sont également différents. Même si ce sont eux les employeurs du plateau artistique, ils dépendent par exemple bien souvent de la volonté, plus ou moins affirmée, des artistes”, souligne Hermine Pélissié du Rausas, avant d’ajouter : "Le projet répond ainsi à un besoin d’accompagnement pour mettre en place des actions de réduction concrètes et adaptées, mais aussi mieux connaître l’empreinte de leurs tournées."
"Contribuer à un changement systémique"
D’une durée de 36 mois, le projet M.A.T.R.I.C.E - soutenu par l’Etat dans le cadre du dispositif "Soutenir les Alternatives vertes 2" de France 2030, s’articule en deux phases, avec un premier temps consacré à l'étude des "impacts environnementaux des tournées telles qu’elles sont conçues aujourd’hui". Celle-ci doit permettre l’élaboration d’un référentiel dont la publication est prévue en février 2026.
L’idée est de compléter les projets initiés antérieurement sur la question carbone pour aller un cran plus loin. Avec ce projet, on va venir se pencher sur l’ensemble des limites planétaires, à savoir le climat mais aussi la biodiversité, l’eau...”, développe la directrice RSE d’Ekhoscènes.
Après cette étape, une expérimentation sera menée "in vivo sur plusieurs cas réels de spectacles à concevoir et de tournées à organiser". Un suivi quantitatif et qualitatif sera retranscrit dans des livrables réguliers, précise le syndicat qui est accompagné par les bureaux d’études ekodev et Ipam sur ces parties techniques.
A travers M.A.T.R.I.CE, Ekhoscènes affirme par ailleurs sa volonté de contribuer à la structuration de la filière sur les démarches de réduction. "A terme, l’objectif est de contribuer à un changement systémique”, lance Hermine Pélissié du Rausas.