Pourriez-vous préciser en quelques mots les activités de FAIR ?
Nous avons plusieurs activités. Tout d'abord, nous comptons 150 adhérents aujourd'hui au sein de l'association. C'est un point important, car cela oriente un peu nos activités. Parmi nos membres, nous avons des banques, des sociétés de gestion, des entreprises de l'économie sociale et solidaire, des ONG, des personnalités, la Caisse des Dépôts... C'est un collectif d'adhérents très diversifié.
Quant à nos activités, elles sont relativement simples. Nous cherchons avant tout à sensibiliser et à faire de la pédagogie sur la finance solidaire, notamment auprès du grand public.
La Semaine de la Finance Solidaire est un bon exemple. Nous faisons des études, et nous analysons les données chaque année, pour dimensionner le marché. Nous gérons un label qui est un des quatre labels d'épargne en France. Et nous faisons un peu de plaidoyer pour améliorer le cadre réglementaire.
Lorsqu'un produit d'épargne est labellisé "Finansol", qu'est-ce qu'il nous garantit ?
Il garantit, d'une part, que l'argent que vous épargnez est bien fléché vers des entreprises, des structures d'utilité sociale.C'est, à mon avis, la chose la plus importante que le label garantit.
Il y a peut-être une caractéristique plus positive, c'est que, en fait, c'est une niche d'épargne qui grossit assez vite
Et la deuxième chose, c'est qu'il vous garantit de la transparence. Et pour avoir le label, les gestionnaires des produits d'épargne doivent nous communiquer le détail, d'où vient l'argent et où va l'argent. Il garantit que cela va bien vers des structures qui génèrent de l'impact social, et que cet impact social est mesurable et mesuré. Et deux, il garantit de la transparence vis-à-vis des établissements financiers qui gèrent l'épargne.
Aujourd'hui, quelle place occupe le solidaire dans le système financier ?
Depuis 20 ans, il occupe une place qui est microscopique. L'épargne des Français, c'est 6 000 milliards d'euros, et l'épargne solidaire pèse un peu plus de 30 milliards. Alors, 30 milliards, cela peut paraître énorme, mais effectivement, si on le compare à l'épargne des Français, c'est 0,5 % de l'épargne.
Il y a peut-être une caractéristique plus positive, c'est que, en fait, c'est une niche d'épargne qui grossit assez vite. Les taux de croissance enregistrés par l’épargne solidaire, depuis maintenant à peu près dix ans, sont de l'ordre de 10 à 15 % par an en moyenne, avec des années record, comme les années Covid, où les Français ont beaucoup épargné. On était là à plus de 25 %.
Mais il y a de plus en plus d'appétence pour les produits d'épargne solidaire, et on est dans un processus où, en fait, c'est l'offre qui crée la demande. C'est parce qu'on a un cadre réglementaire qui favorise son développement que les acteurs financiers créent des produits d'épargne. Et c'est parce que ces produits d'épargne sont sur le marché de plus en plus diversifiés que les épargnants y souscrivent.
Les poches réelles d'investissement sur le secteur de la finance solidaire sont elles aussi microscopiques. Est-ce qu'il y a aussi un enjeu de faire se rejoindre les actes avec le discours ?
C'est une question fondamentale que vous soulevez. Le chemin parcouru, c'est que, si on regarde un petit peu 20 ans en arrière, globalement, les sociétés de gestion, les gestionnaires d’actifs qui proposaient des produits solidaires étaient très peu nombreux. Il n'y avait que les acteurs les plus engagés. Les banques coopératives, les banques mutualistes, quelques mutuelles d’assurance, connues sur la place pour leur engagement, qui avaient fait un choix délibéré, sur les questions de finance solidaire.
des sociétés de gestion plus petites se sont mises à faire du solidaire
Depuis 20 ans, 100 % des grands réseaux bancaires s’y sont mis. C’est-à-dire que, globalement, tous les réseaux bancaires ont au moins un produit labellisé Finansol.
Et en plus de cela, des sociétés de gestion plus petites se sont mises à faire du solidaire. Mais effectivement, ce n'est pas la majorité de leur gamme, et loin de là. Par contre, moi, ce que je constate aujourd’hui… l’exemple intéressant, c’est BNP Paribas qui, a priori, n’est pas une banque, historiquement, très active sur le champ des solidarités. C’est une banque commerciale qui est pointée du doigt régulièrement, par certains acteurs, notamment en ce qui concerne l’investissement dans les énergies fossiles. Mais elle s’est intéressée au solidaire d’une manière très sincère. En gros, elle a constitué un produit, et maintenant il y a une équipe spécialisée chez BNP Paribas qui s’occupe du solidaire.
Donc, pour moi, ce sont des signes que, finalement, petit à petit, le solidaire grignote du terrain. Mais je suis assez d’accord avec vous : ce n'est pas suffisant. Et je pense que c’est là l’enjeu.
Qu’est-ce qu’elle dit, la réglementation, pour la finance solidaire ?
Il y a une réglementation qui joue sur deux leviers : l’incitation et la contrainte. Voilà, en fait, on joue sur ces deux leviers-là.
C'est un cadre donc qui s’appuie à la fois sur des incitations fiscales, notamment pour les épargnants individuels. C’est-à-dire qu’une personne qui souhaite investir dans une entreprise solidaire aujourd’hui peut avoir immédiatement une réduction d’impôt de 25 % à l’entrée. Si elle garde son investissement 5 ans, ce qui fait 5 % de rendement par an, d’entrée, donc d’assuré.
Et puis, vous avez aussi des contraintes. C’est notamment, successivement des contraintes sur ce qui fait le gros de l’encours de l’épargne solidaire aujourd’hui, à savoir l’épargne salariale. C’est l’obligation pour les sociétés de gestion qui gèrent des plans d’épargne d’entreprise de proposer aux épargnants, donc aux salariés qu'ils souscrivent au moins un fonds solidaire.
pour la finance solidaire, j’ai l’habitude de penser qu’en fait, le cadre de réflexion doit plutôt être sur un triptyque : rendement-risque-impact.
Aujourd’hui, vous avez un salarié sur 10 qui choisit le solidaire. Et donc, l’autre incitation, c’est la réplication, en fait, de cet objectif qu’on a vu au sein de la loi Pacte. C’est-à-dire que ce sont les assureurs qui, dans leur contrat d’assurance vie multi-supports, doivent proposer au moins une unité de compte qui soit une unité de compte solidaire.
L’épargne salariale, ce sont 190 milliards d’euros d’encours. L’assurance vie, c’est 10 fois plus. C’est un peu moins de 2000 milliards d’euros. Donc on pense qu’avec le temps, comme on a pu le constater sur les plans d’épargne salariale, et au fur et à mesure que ces dispositifs seront connus à la fois des professionnels et des épargnants, l’encours va continuer à se développer.
Quelle est votre analyse du rapport performance et impact concernant ce secteur solidaire ?
Quand on est financier, on raisonne, en tout cas, sur un diptyque rendement-risque. Et pour la finance solidaire, j’ai l’habitude de penser qu’en fait, le cadre de réflexion doit plutôt être sur un triptyque : rendement-risque-impact.
Alors évidemment, si vous aviez investi dans l’armement ou dans le fossile, vous auriez des taux de rendement qui sont sans doute un peu plus importants, mais si vous souhaitez investir dans du solidaire, cela peut aussi vous rapporter.
La finance solidaire propose des produits d’épargne qui sont des produits d’épargne que l’on peut trouver ailleurs et en dehors du contexte solidaire. C’est-à-dire qu’on propose des livrets qui rapportent peu, mais pour le coup, dont le capital est liquide et sécurisé. Ils rapportent aujourd’hui moins que les livrets réglementés mais puisque les taux des livrets réglementés vont baisser, il est fort possible que le taux des livrets réglementés et des livrets solidaires, en l’occurrence, puissent se rapprocher.
Pour aller plus loin : "L'ISR sur les principales classes d'actifs"
Par contre, si vous voulez un peu de risque, il existe aujourd’hui des produits qui peuvent produire du rendement en l’occurrence, et de l’impact. C'est tout l’intérêt des fonds 90/10, dans lequel, en fait, vous avez de l’impact social, pour une petite partie, entre 5 à 15 %.
Vous avez une poche qui investit directement dans les entreprises solidaires, les entreprises sociales. Et puis vous avez 85 à 90 % qui est investi dans des produits plutôt ISR, plutôt ESG, qui vont vous assurer de la performance financière.
Alors évidemment, si vous aviez investi dans l’armement ou dans le fossile, vous auriez des taux de rendement qui sont sans doute un peu plus importants, mais si vous souhaitez investir dans du solidaire, cela peut aussi vous rapporter.