La France figure parmi les premiers producteurs et consommateurs d’huîtres en Europe. Chaque année, plus de 130 000 tonnes sont produites sur le territoire, dont environ 10 000 tonnes rien que dans le bassin d’Arcachon. Pourtant, l’huître traîne depuis longtemps une mauvaise réputation sur le plan écologique. En cause : la fabrication de sa coquille, un processus naturel qui génère du dioxyde de carbone (CO₂), et qui lui vaut d’être considérée comme peu vertueuse pour le climat. Une image désormais remise en question par une étude scientifique récente venue de Chine.
Publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ce rapport vient bouleverser les idées reçues. Les chercheurs y démontrent que les huîtres ainsi que d’autres mollusques bivalves peuvent capturer et stocker jusqu’à 2,4 fois plus de CO₂ qu’elles n’en émettent pour fabriquer leur coquille.
Une étude qui change la donne
Cette capacité naturelle de séquestration du carbone change le regard porté sur ces organismes marins. Les coquilles, composées de carbonate de calcium, emprisonnent le carbone sur le long terme, même après la mort de l’animal, lorsqu’elles s’accumulent sur les fonds marins ou sont réutilisées dans d'autres secteurs (bâtiment, agriculture, etc.).
Des coquillages qui nettoient l’environnement
Mais ce n’est pas tout : les huîtres ne se contentent pas de stocker du CO₂. Elles filtrent l’eau en se nourrissant de phytoplancton, contribuant ainsi à améliorer la qualité des milieux marins. Une seule huître adulte peut filtrer jusqu’à 25 litres d’eau par jour, réduisant ainsi la turbidité de l’eau et participant à l’équilibre des écosystèmes côtiers.
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Vers une huître "carbone négatif" ?
Avec cette nouvelle image de réservoir naturel de carbone, l’huître pourrait bien devenir un symbole inattendu de la transition écologique. Déjà durable sur le plan alimentaire, peu transformée et peu transportée, elle coche désormais plusieurs cases environnementales : peu émettrice, filtrante, résiliente et recyclable.
Il reste toutefois des défis à relever : la vulnérabilité de l’espèce face aux maladies, aux pollutions ou encore à l’acidification des océans, qui peut fragiliser la formation de la coquille.
Quelques limites toutefois
En effet, un chercheur français de l'Institut français de recherches pour l'exploitation de la mer (Ifremer) se dit prudent sur les résultats de l'étude chinoise, pour deux raisons :
- L’étude s’est concentrée sur une période comprise entre juin et octobre 2023, et non sur toute l’année. De plus, les échantillons analysés ont été collectés en journée, "ce qui conduit probablement à une surestimation de l’absorption de CO₂ et/ou à une sous-estimation du dégazage", du fait du pic de la photosynthèse qui n’a pas lieu la nuit, par exemple.
- L’étude sur les huîtres a été menée à un seul et unique endroit. Autrement dit, il est impossible d’établir des généralités.
Il faut également prendre en compte qu’il existe plusieurs espèces d’huîtres dans le monde. Il serait donc nécessaire d’analyser différentes espèces à divers moments de l’année afin d’obtenir une vision plus fiable des atouts de l’huître face aux enjeux climatiques.