Le 27 septembre 2024, la Chine a lancé son premier satellite d'essai réutilisable et récupérable, le Shijian-19, à bord d'une fusée Longue Marche-2D.
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Des fusées réutilisables dans l’espace : bonne ou mauvaise nouvelle pour la planète ?

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Etats-Unis, France, Chine, Inde, Russie...de plus en plus de pays développent des projets de lanceurs de fusées réutilisables, afin de réduire les coûts et faciliter l’accès à l’espace. Une petite révolution qui est toutefois loin d’être sans impact écologique. Décryptage. 

Aux quatre coins du monde, les projets de lanceurs de fusées réutilisables - dont certaines parties peuvent être récupérées puis réutilisées pour de futurs vols, se multiplient.  

SpaceX, fait notamment figure de pionnière dans ce domaine avec sa mégafusée Starship. Le 19 novembre dernier, l’entreprise américaine du milliardaire Elon Musk a réalisé une sixième tentative de vol, sous les yeux de Donald Trump. 

Dans cette nouvelle course, la France s’impose également comme un acteur majeur. Alors que la start-up Sirius Space prévoit de faire décoller ses fusées réutilisables dès 2026 depuis la base du Mans, en Australie, la filiale d’ArianeGroup, MaiaSpace ambitionne de son côté de réaliser le vol du "premier mini-lanceur réutilisable européen" au second semestre 2026. 

Objectif affiché avec ces différents projets : réduire les coûts de lancement pour accroître le nombre de vols et rendre l’espace "accessible et abordable". Une industrialisation qui soulève toutefois des questions à l’heure de l’urgence climatique. 

De multiples impacts écologiques 

Lancement de la fusée réutilisable Starship de SpaceX, le 2 février 2023.
© MARK GARLICK/SCIENCE PHOTO LIBRA/MGA via AFP

Même si son impact est bien inférieur à celui de l’aviation, l’exploration spatiale est aujourd’hui loin d’être neutre en carbone. Publié en janvier dernier, un rapport du collectif Pour un réveil écologique, réalisé en partenariat avec l'association Aéro Décarbo, pointe que "selon les modèles, le spatial représenterait entre 0,01 % et 0,6% de l’impact mondial sur le climat". 

En cause : les combustibles utilisés dans le lancement des fusées, comme l’hydrogène et le kérosène qui émettent des gaz à effet de serre mais aussi des particules en haute atmosphère - "dont l’impact est largement supérieur à celui du CO2 et très mal mesuré", souligne Pour un réveil écologique dans son étude. A cela s’ajoutent les étapes d’extraction des matériaux et de fabrication ainsi que les débris spatiaux (morceaux de fusées, satellites hors d’usage...) laissés en orbite.  

Dans son rapport, Pour un réveil écologique fait remarquer que ces différents impacts pourraient décoller avec la multiplication des lancements, des satellites et des acteurs.

"Jusqu'en 2019, 9000 objets ont été lancé tous pays confondus. SpaceX en prévoit plus de 40 000 satellites en orbite basse. En tout, 1 000 000 de satellites sont annoncés. Le nombre de lancements est battu chaque année (114 en 2020, 145 en 2021, 186 en 2022 et 223 en 2023)", développent les auteurs de l'étude avant d'ajouter : "Avec l’arrivée de nouveaux lanceurs, cette tendance n’est pas prête à changer dans les années à venir."

L’enjeu de la décarbonation du secteur spatial 

Si les vols spatiaux peuvent se justifier pour faire avancer la recherche scientifique, notamment sur les origines de l’univers, les systèmes de positionnement (GPS, Galileo) ou encore la compréhension du changement climatique, leur usage à des fins touristiques et commerciales posent davantage question, fait remarquer Pour un réveil écologique,

Au vu de la quantité d’émissions engendrée en un laps de temps si court, de leur très faible utilité sociétale et au regard de nos objectifs collectifs de décarbonation, ces projets participent à l'injustice climatique”, soutient Pour un réveil écologique dans son rapport. 

A titre indicatif, les suborbitaux de New Shepard (Amazon) et les orbitaux de Crew Dragon (Space-X) émettent respectivement "24 et 660 tCO2 eq par passager et par vol", alors qu’un européen "émet 8tCO2 eq en un an". 

Face à ces enjeux environnementaux, des voix s’élèvent pour que la filière spatiale se saisisse de la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, notamment en France. Dans une analyse prospective, publiée en septembre dernier en partenariat avec le Cnes (Centre national d’études spatiales), Carbone 4 recommande, entre autres, la mise en place d’un "plan de décarbonation ambitieux" afin de limiter les conséquences des activités du secteur sur le climat. 

A l’échelle européenne, la Commission européenne travaille de son côté sur l’élaboration d’une nouvelle loi spatiale dont l’adoption est prévue pour 2027. Cette réglementation entend endiguer les menaces sécuritaires qui pèsent sur les satellites mais aussi réguler la gestion des débris spatiaux.