Une dizaine de minutes dans le vide spatial. C’est ce qu’a pu expérimenter jeudi 12 septembre une équipe d’astronautes non professionnels grâce à la mission Polaris Dawn, organisée par SpaceX, l’entreprise astronautique du milliardaire Elon Musk. Cette mission a suscité de nombreuses réactions positives, la Nasa saluant notamment "un pas de géant […] dans la construction d’une économie spatiale américaine dynamique". Mais si l’exploration spatiale et la découverte des mystères de l’univers en font rêver plus d’un, l’empreinte carbone de l’industrie astronautique est moins reluisante. Notamment lorsqu’elle a une visée commerciale.
Congratulations @PolarisProgram and @SpaceX on the first commercial spacewalk in history!
Today’s success represents a giant leap forward for the commercial space industry and @NASA's long-term goal to build a vibrant U.S. space economy. https://t.co/9cBwpeWUAT
— Bill Nelson (@SenBillNelson) September 12, 2024
Des émissions spécifiques à l’industrie astronautique
Contrairement à l’industrie aéronautique dont l’impact environnemental est bien documenté, il existe assez peu de données sur l’empreinte des voyages dans l’espace. En 2022, des chercheurs écossais ont estimé les émissions de CO2 de l’industrie spatiale mondiale à 6 millions de tonnes. L’aviation, elle, en émet jusqu’à 500 fois plus. Mais le spatial présente des spécificités propres à son activité. "Pour aller jusque dans l'espace, une fusée va traverser toutes les couches de l'atmosphère et émettre dans chacune d’elles", explique à Sciences et Avenir Loïs Miraux, chercheur indépendant spécialisé dans les impacts environnementaux du spatial. "En fin de vie, les satellites ou les étages de fusées réentrent dans l'atmosphère et émettent à nouveau des particules. C'est la seule activité anthropique à le faire, les autres, y compris l'aviation, n'émettant que dans la couche où nous vivons, la troposphère".
Si les effets du CO2 dans l’atmosphère ne diffèrent pas en fonction de l’altitude, il n’en va pas de même pour d’autres particules comme les suies ou les alumines. Ces particules contribuent à réchauffer l’atmosphère en absorbant le rayonnement solaire, et si à basse altitude leur cycle de vie n’est que de quelques jours, dans la stratosphère (de 12 à 50 km au-dessus de la surface terrestre) il peut atteindre cinq ans.
A tout cela s’ajoutent les émissions liées à la fabrication — comme l’extraction des matières premières, le transport ou la production — mais également au lancement des engins dans l’espace. Les lanceurs fonctionnent principalement avec du kérosène, un combustible très polluant qui émet de nombreuses suies en altitude.
Le tourisme spatial, un impact environnemental sans justification scientifique
Si la finalité scientifique peut éventuellement justifier l’impact environnemental de l’industrie spatiale, qui reste bien moindre que celui de l’aviation, les vols touristiques à visée commerciale, sont beaucoup plus problématiques. Pour The Conversation, des chercheurs ont calculé les émissions de CO2 de ce business en plein développement. Un vol suborbital de six passagers à environ 100 km d’altitude, permettant d’expérimenter l’apesanteur et de voir la courbure de la Terre, représente 27,2 tonnes de CO2. Soit 4,5 tonnes par passager, plus de deux fois l’émission individuelle annuelle à ne pas dépasser pour éviter un réchauffement climatique de plus de 2°C. Pour rejoindre la Station Spatiale Internationale, il faut compter 1150 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 15 000 km parcourus chaque année pendant 638 ans par une voiture. Quant à un voyage autour de la Lune, il émettrait environ 3750 tonnes.
Si l’empreinte carbone est colossale, le coût prohibitif de ces voyages en limite pour l’instant l’impact. Mais ce tourisme particulier se développe et, comme l’expliquent les chercheurs auprès de The Conversation, "chaque passager piétinera allègrement [les objectifs de l’accord de Paris] et s’arrogera le droit d’émettre à la place des autres humains".
Pour aller plus loin : “Vacances écolo, mode d'emploi”
Pour tenter de verdir cette industrie, des initiatives voient le jour. La compagnie astronautique française ArianeGroup teste par exemple un futur lanceur qui fonctionnera au biométhane, un carburant moins polluant que le kérosène. Autre piste envisagée par les acteurs publics et privés : le recyclage et le réemploi de certains composants, jusqu’à présent très largement à usage unique.