L’économie spatiale est en pleine croissance. Si elle est aujourd’hui estimée à 400 milliards de dollars, elle devrait atteindre les 2 700 milliards de dollars d’ici 2045 selon une étude de PWC et Bank of America Merrill Lynch. Un boum qui n’est pas sans attirer les investisseurs, même responsables : "le secteur spatial reste encore un terrain qui n’est pas exploité à la totalité de sa potentialité par les investisseurs responsables, en particulier en Europe, mais qui est forcément amené à se développer", observe Laurence Monnoyer-Smith, directrice du développement durable au Centre National d’Études Spatiales (CNES).
L’observation de la Terre et les données satellites sont particulièrement utiles pour le climat notamment. À titre d’exemple, sur les 50 indicateurs identifiés par l’ONU pour suivre le changement climatique, 26 ne peuvent être fournis que par imagerie satellite.
Nouvelle frontière de l'investissement
Mais par quoi s’explique cet intérêt croissant ? À l’heure de l’urgence environnementale, certains sont convaincus du rôle positif que peut jouer le secteur spatial dans la recherche de solutions durables. C'est notamment le cas de La Financière de l'Échiquier (LFDE), qui a lancé le fonds Echiquier Space en 2021. Dédié à l’espace et à son écosystème, il investit "sur toute la chaîne de valeur de l’écosystème spatial, ainsi que dans des entreprises qui développent des technologies connexes", confie Rolando Grandi, Gérant Actions internationales thématiques pour LFDE.
Ces entreprises génèrent des données spatiales qui "bénéficient à tous les secteurs, de l’agriculture à l’assurance, en permettant l’anticipation et l’optimisation de leurs activités" ajoute-t-il, rappelant que "l’observation de la Terre et les données satellites sont particulièrement utiles pour le climat notamment. À titre d’exemple, sur les 50 indicateurs identifiés par l’ONU pour suivre le changement climatique, 26 ne peuvent être fournis que par imagerie satellite."
Ce fonds s'accompagne d'une charte ESG également dédiée aux enjeux spatiaux. Créée par la société de gestion, elle se base notamment sur des exclusions sectorielles et normatives, la gestion des controverses ainsi que l’analyse ESG des valeurs pour évaluer l’engagement des entreprises et les moyens qu’elles déploient sur ces enjeux.
Notre objectif est de nous appuyer sur notre technologie avancée pour combler les lacunes en matière de données environnementales et fournir des indicateurs d'impact environnemental en temps réel, granulaires et fiables, dont les investisseurs ont de plus en plus besoin.
Des profils d’entreprises variés
Parmi les valeurs qui composent son fonds, LFDE a sélectionné l’entreprise américaine Planet. Cofondée en 2010 par trois scientifiques de la NASA, elle couvre l’ensemble de la Terre avec une flotte de plus de 200 nanosatellites. "La constellation de satellites de Planet - qui prend 3 millions de clichés de la Terre par jour - fournit de précieuses informations à ses clients, que ce soit la Commission européenne pour protéger la biodiversité, l’association Amazon Conservation pour cartographier les dégâts forestiers en Amazonie ou encore EOMAP, spécialiste de la protection des milieux aquatiques, basé en Allemagne. Ces données et ces technologies seront également particulièrement précieuses pour gérer l’eau à l’échelle de la planète."
En parallèle d'autres entreprises sont également présentes sur ces enjeux. C'est le cas de la fintech française Quantcube Technology, qui a de son côté développé une solution d’intelligence environnementale qui aide les gestionnaires d'actifs, les propriétaires d'actifs et les banques à intégrer le risque environnemental dans leurs processus d’investissement. Baptisée QuantCube Environmental Intelligence Solution, cette innovation "consiste à combiner des ensembles de données alternatives, notamment des données satellitaires, avec des technologies avancées telles que la vision par ordinateur, afin de saisir et de mesurer avec précision les risques physiques et de transition au niveau des entreprises et des actifs", explique Thanh-Long Huynh, cofondateur et CEO de QuantCube Technology. "Notre objectif est de nous appuyer sur notre technologie avancée pour combler les lacunes en matière de données environnementales et fournir des indicateurs d'impact environnemental en temps réel, granulaires et fiables, dont les investisseurs ont de plus en plus besoin."
Un engagement majoritairement environnemental
Aujourd’hui, les entreprises du spatial positionnées sur un créneau responsable se dirigent, par nature, vers le secteur de l’environnement, constate Laurence Monnoyer-Smith. "Les business models sont en train de prendre un tournant environnemental. Les entreprises se demandent désormais comment développer un service ou un produit en ayant l’empreinte carbone la plus limitée possible. Il s'agit de réflexions que les entreprises ne prenaient pas systématiquement en compte il y a encore quatre ou cinq ans, et à côté desquelles elles ne passent plus aujourd’hui".
Le spatial est initialement un domaine très masculin. Cependant, nous observons par exemple que les contrats européens demandent aujourd’hui de répondre à certains nombres de spécifications, dont fait partie la dimension d’égalité des genres.
La pression réglementaire pousse d'ailleurs les entreprises à se saisir de ces enjeux. Ainsi, le CNES a signé il y a quelques semaines le Statement for a Responsible Space Sector, qui rassemble l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et 21 autres acteurs européens de l’espace. "Il s’agit d’un engagement des agences et des entreprises du secteur spatial qui vise à faire en sorte que le développement de leurs activités soit compatible avec des engagements environnementaux, mais aussi sociaux et de gouvernance", précise-t-elle. "Un certain nombre de compagnies ont signé cet engagement comme Tales ou Airbus notamment".
L'émergence du volet social
Certaines thématiques touchant à la dimension sociale commencent toutefois à émerger également, à l'instar de l'égalité des genres. "Le spatial est initialement un domaine très masculin. Cependant, nous observons par exemple que les contrats européens demandent aujourd’hui de répondre à certains nombres de spécifications, dont fait partie la dimension d’égalité des genres", affirme la directrice du développement durable du CNES, avant de nuancer. "Il y a une vraie réflexion autour de ces enjeux, mais cela prend du temps, car il peut être compliqué de trouver des femmes ingénieures."