De sage femme à apicultrice, il n’y a qu’un pas. Après avoir passé dix ans à prendre soin d’un rucher à titre amateur avec son mari, Caroline Porteau a décidé d’arrêter son métier en 2018 pour lancer le "Rucher du marcassin" - une exploitation apicole bio de 200 ruches à Seraincourt, dans les Ardennes. Désireuse de transmettre sa passion et sensibiliser le grand public aux liens entre alimentation et santé environnementale, elle a également ouvert une ferme pédagogique ainsi qu’un jardin aromatique et médicinal. Entretien.
Comment est née votre conscience écologique ?
J’ai grandi en ville, à Reims. Mais mes grands-parents vivaient à la campagne. Un de mes grands-pères était notamment le roi de la débrouillardise. Il consommait par exemple les légumes de son potager et faisait tous ses déplacements à vélo. Tout cela a bercé mon enfance. La prise de conscience pour les enjeux environnementaux est toutefois réellement née pendant mes études de médecine. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que notre santé passait avant tout par ce que l’on boit, ce que l’on mange et ce que l’on respire.
Quand j’ai ensuite commencé mon activité de sage femme, j’ai eu à coeur de sensibiliser mes patientes aux liens entre alimentation et santé. Je trouve que cela est fondamental surtout lorsque l’on sait que des enfants naissent avec des pesticides dans le corps. C’est quelque chose qui interroge et qu’on ne médiatise pas assez.
L’agriculture bio a fait l’objet de nombreuses menaces, que ce soit à travers les débats qui ont eu lieu au Sénat pour supprimer l’agence bio ou encore autoriser la réintroduction d’un néonicotinoïde à titre dérogatoire. En tant qu’apicultrice bio et vice-présidente de l’association bio des Ardennes, comment réagissez-vous ?
En tant que minorité, cela reste difficile de faire entendre notre voix auprès des décideurs. L’agriculture bio représente 10 % des surfaces agricoles, et 16 % des fermes.
Malgré les détracteurs, et une prise de conscience très lente des politiques, je note tout de même des évolutions pour considérer l’importance d’une alimentation bio sur l’environnement et la santé."
Caroline Porteau, apicultrice et vice-présidente de l'association Bio des Ardennes.
Il y a par exemple de plus en plus de modules de santé environnementale dans les facultés de médecine et de pharmacie pour former les étudiants, qui seront les relais de demain pour dire stop à la malbouffe qui nous empoisonne.
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Au-delà de la formation, sur quel autre sujet faudrait-il mettre l’accent pour favoriser le développement de l’agriculture bio ces prochaines années ?
Il faudrait davantage travailler les messages destinés au grand public. Si les consommateurs sont mieux informés, leur mode de consommation changera, et la demande pour le bio sera supérieure. Aujourd’hui, les habitudes sont encore bien ancrées. Dans l’idée tout le monde veut consommer bio et local, mais dans les faits, le supermarché reste la facilité. Les publicités autour de "la vie pas chère", au détriment de la qualité, accentuent cette tendance et renforcent les idées reçues.
A votre échelle, comment tentez-vous de changer la donne ?
A titre personnel, je tente d’informer le grand public à travers des actions dans ma ferme pédagogique. Certains messages interpellent les visiteurs, notamment quand je parle la durée de vie des pollinisateurs. Il y a 40 ans, une reine abeille pouvait vivre cinq ans, aujourd’hui c'est deux ans à cause de l’environnement.
Avec l’association Bio des Ardennes, on se mobilise aussi pour faire des visites de fermes dans le cadre du Printemps Bio. Nous sommes également présents sur les salons agricoles pour sensibiliser le grand public ainsi que les étudiants dans les lycées agricoles et hôteliers. Cela nous parait important de s’adresser aux futurs cuisiniers, car ce sont eux qui choisissent les aliments que nous consommons.
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