Pour soigner la solastalgie, les psychologues recommandent de se reconnecter à la nature.
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Société

La solastalgie, un mal-être vert

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De nouveaux termes émergent pour décrire des souffrances psychologiques liées au réchauffement climatique. La "solastalgie", une forme proche de l'éco-anxiété, se réfère à une détresse environnementale causée par le constat de la dégradation de son propre environnement due à l'activité humaine.

Avec la progression du changement climatique, la déforestation galopante et l'urbanisation effrénée, nos paysages familiers subissent des transformations alarmantes. Cette altération de l'environnement s'infiltre également dans notre bien-être psychologique. Un phénomène émerge, la "solastalgie", et suscite l'inquiétude des chercheurs et psychologues. 

Proposée en 2003 par le philosophe australien Glenn Albrecht, la solastalgie désigne le sentiment de perte et de détresse face au constat d'un environnement familier dégradé. Elle est une désolation devant le spectacle d'une destruction humaine du paysage. Solace en anglais, du latin solacium, inclut le sentiment d'inconfort lors de la perte d'un terrain connu. Une sorte de mal du pays sans en être parti. 

La nostalgie d'un pays qui nous quitte

"On a la nostalgie d'un paysage que l'on a connu enfant que l'on ne retrouvera pas", vulgarise Pierre-Éric Sutter, psychologue et psychothérapeute spécialisé dans l'éco-anxiété.

Elle s'identifie comme une détresse rétrospective : dans le présent, on compare le paysage actuel à celui auquel on était attaché et dont on constate la dévastation. Elle décrit l'état psychique de quelqu'un qui voit "le paysage de son enfance s'abîmer à l'aune de sa génération". Par extrapolation, "c'est même le constat que l'on enlaidit le monde" : des glaciers disparus, les coraux devenus blancs, une forêt rasée.

Ce décalage entre notre vécu passé et notre réalité présente crée un sentiment de déracinement et de perte, pouvant entraîner des problèmes de santé mentale tels que l'anxiété, la dépression et le stress chronique. C'est dans une temporalité et un lien avec un territoire que réside la différence avec l'éco-anxiété, bien qu'à l'inverse, un éco-anxieux peut aussi être solastalgique. 

Contrairement à l'éco-anxiété, la solastalgie est liée à la relation intime entre l'individu et son environnement immédiat, en se référant aux perturbations locales plutôt qu'aux problèmes environnementaux mondiaux. Elle peut être déclenchée par des changements tels que la déforestation, l'urbanisation excessive, la pollution locale ou la perte de biodiversité.

Elle survient par l'observation d'un environnement dévastée par la "main de l'homme" et les effets du réchauffement climatique. La solastalgie est souvent vécue de manière plus personnelle que l'éco-anxiété, avec un impact émotionnel profond sur le bien-être. Les personnes se reconnaissant éco-anxieuses ou évoquant une détresse similaire à la solastalgie "ont toujours un lien impressionnant avec la nature", analyse Glenn Albrecht pour Libération

Une anxiété pouvant mener à une dépression

Contrairement à l'éco-anxiété, il n'y a pas de référentiel de symptômes ni d'outil de diagnostic pour la solastalgie. Alors que l'éco-anxiété entraîne des pensées obsessives d'un avenir pessimiste, la solastalgie se manifeste par "une tristesse, une mélancolie, une colère", explique Claire Walliez, psychologue. 

À long terme, la solastalgie, "le deuil d'un lieu", selon Claire Walliez, peut se manifester par des troubles anxieux. Les pensées obsessives risquent de se multiplier, les angoisses de se traduire par des symptômes physiques, le patient de s'isoler, et dès lors, la solastalgie peut devenir une dépression, une maladie psychique. 

Un équilibre à trouver pour apprivoiser son mal-être

Claire Walliez propose huit piliers pour soigner son éco-anxiété. Elle soutient qu'un équilibre est à trouver, il n'y a pas qu'une seule prescription pour lutter contre la solastalgie. "Tout dépend de la personne et du moment".  Il est important de noter que l'action en tant que soin aux troubles éco-anxieux ne remplace pas la nécessité de prendre soin de notre bien-être mental et émotionnel. Même si elle offre un moyen puissant et concret de répondre aux troubles éco-anxieux, "seule, elle n'est qu'un pansement, car elle ne permet pas de tenir dans la durée", insiste Claire Walliez.

La discussion est aussi salvatrice puisqu'elle offre un forum "où déposer ses émotions, et s'apercevoir que l'on partage la même sensibilité avec d'autres". Si l'éco-anxiété devient accablante et interfère avec notre quotidien, la consultation thérapeutique peut s'avérer nécessaire.

Nostalgique mais mobilisateur, le lien entretenu avec la nature entraîne une prise de conscience collective dans la lutte contre le réchauffement climatique. La solastalgie et l'éco-anxiété montrent la réalité du changement climatique sur une nature que l'on s'est longtemps imaginée abondante et qui nous procurait du réconfort. 

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