L’Arctique sans glace de mer en été d’ici 2030, des feux de forêts de plus en plus précoces et intenses, un réchauffement qui atteint un niveau sans précédent...sur le front du climat, les mauvaises nouvelles s’accumulent dans les médias. Face à ce flot d’informations anxiogènes, difficile de garder la tête froide. De plus en plus de Français se déclarent inquiets par rapport à l’avenir et la crise écologique. Leur mal-être porte un nom : l’écoanxiété. De quoi s'agit-il concrètement ? Qui sont les écoanxieux et de quels maux souffrent-ils ? Elements de réponse avec Pierre-Eric Sutter, psychologue-psychothérapeute et président de la Maison des écoanxieux.
Depuis quand parle-t-on d’écoanxiété ?
Le terme a été inventé en 1997 par Véronique Lapaige, une scientifique belgo-canadienne. Il faut toutefois attendre la fin des années 2010 pour que les chercheurs s’emparent du sujet. Du côté des praticiens, la question met encore plus de temps à émerger. A titre d’exemple, j’ai découvert l’écoanxiété il y a seulement six ans par l’intermédiaire d'une patiente qui m’a parlé d’effondrement et d’écoanxiété. Je n’avais aucun tableau ou point de repères pour l’accompagner. A ce jour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne reconnait pas les éco-pathologies. Nous avons donc peu de données.
Comment peut-on définir l’écoanxiété ?
Selon les travaux du chercheur australo-néo-zélandais Hogg, il s’agit d’une détresse psychologique et mentale face aux enjeux environnementaux. Dans le jargon des psychologues, le terme de “détresse psychologique” renvoie à un état intermédiaire entre les maladies psychiques et la santé mentale positive, c’est-à-dire la bonne santé. Si cet état de mal-être perdure, se chronicise et s’intensifie, il peut basculer dans un état psychopathologique. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas prendre l’écoanxiété à la légère.
Quels sont les symptômes ?
Il y a quatre familles de symptômes. Ceux que l’on qualifie de "cognitifs". Le patient développe des idées noires et des ruminations après avoir pris connaissance d’informations sur l’écologie. Il y a ensuite les symptômes "affectifs". Il s’agit d’un grand nombre de peurs, d’inquiétudes, de manifestations anxieuses par rapport à l’avenir.
Face aux incendies de forêts, à la fonte de la banquise et au réchauffement climatique – des phénomènes prédits par les scientifiques il y a cinquante ans, les écoanxieux se questionnent sur leur devenir."
Ils développent une angoisse de finitude, une peur de la mort individuelle mais aussi une angoisse eschathologique, c’est-à-dire une peur de la fin des temps. Celle de l’abondance ou encore celle d’un monde tel qu’on l’a connu.
Les écoanxieux ont bien conscience que le monde d’avant ne sera pas le monde d’après."
Ces ruminations ont une incidence sur le comportement de l’individu. Des troubles du sommeil et de l’isolement sont caractéristiques de l’écoanxiété. Ils sont également moins efficaces au travail. Enfin, on note des symptômes conatifs, liés à l’action. Les écoanxieux ont toujours l’impression d’en faire jamais assez pour la planète. Pour eux, les écogestes ne sont pas suffisants. Il faudrait agir au niveau politique et mondial.
Combien de Français souffrent d’écoanxiété ?
Selon l’étude réalisée par l’Obseca (Observatoire de l’écoanxiété) et publiée en mai dernier, il y aurait 2,5 millions de Français très fortement écoanxieux au point de devoir consulter un psychologue. Ce n’est pas un sondage mais un outil de diagnostic qui mesure un état mental auprès d’un échantillon de 3 500 personnes.
Contrairement aux idées reçues, l’écoanxiété ne concerne pas uniquement les jeunes. Toutes les couches de la population sont concernées."
Par ailleurs, il n’y a pas de profils prédisposés à l’écoanxiété. N’importe qui peut devenir écoanxieux. C’est une prise de conscience aigüe, ce que l’on appelle une écométanoïa. Comme lorsqu’un fumeur réalise qu’il faut arrêter de fumer après le décès d’un proche, un écoanxieux va changer radicalement d’état d’esprit après s’être informé sur l’état du monde.
Peut-on parler d’un problème de santé publique ?
Il s’agit en effet d’un problème de santé publique. Les institutionnels doivent prendre en compte ce nouvel enjeu. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure d’accompagner les personnes écoanxieuses. Il n’y a que 78 000 psychologues en France. Et très peu sont formés sur ce sujet. J’ai créé en 2022 la Maison des écoanxieux pour améliorer la prise en charge des écoanxieux. En plus de proposer un premier diagnostic gratuit, nous avons mis en place un accompagnement spécifique qui repose sur le passage à l’action. L’une des clés pour bien vivre l’écoanxiété.
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