Collectif Dernière rénovation.
©VALENTINE CHAPUIS/AFP
Société

Eco-anxiété : de la peur panique à l'engagement militant

Colère, insomnie, larmes, isolement, nausées : l'éco-anxiété, de plus en plus répandue, n'est pas nécessairement une maladie mais peut s'accompagner d'une réelle souffrance. Pour les "éco-anxieux" interrogés par l'AFP, l'engagement militant a été une réponse logique, voire salvatrice, à ce mal-être.

Pour Charles, 39 ans, militant en Bretagne de l'organisation Extinction Rebellion, l'éco-anxiété "est arrivée très soudainement", une "brusque prise de conscience de la catastrophe écologique". "Ca date très exactement d'avril 2017, c'est à ce moment-là que toutes les pièces du puzzle s'assemblent", explique-t-il au téléphone. Conséquence directe selon lui de la naissance de son premier enfant, sept mois plus tôt, et des "interrogations sur ce que je pouvais lui construire commme futur : il y avait quelque chose de panique."

Alice, militante de l'organisation Dernière Rénovation qui demande elle aussi à rester anonyme, se souvient "en 2019 d'une vidéo de la fonte des pôles en accéléré". "J'ai fondu en larmes, ça m'a complètement bouleversée. J'ai vraiment senti à quel point le danger était proche, je me suis sentie submergée, pas seulement par la peur mais aussi par la tristesse", relève la psychologue de 33 ans.

L'ineptie de la vie que je menais s'est cristallisée autour de mon travail. Je partais au bureau avec la boule au ventre, j'avais des crises d'angoisse, des sensations de malaise sur mon lieu de travail."

Parmi les symptômes de cette éco-anxiété, on retrouve souvent des pensées envahissantes, un isolement lié à l'incompréhension de l'entourage face au sentiment d'urgence climatique et une déconnexion entre ses aspirations et son mode de vie. Charles dit être passé par toutes ces phases. "Je ne voulais plus parler que de ça. Et l'ineptie de la vie que je menais s'est cristallisée autour de mon travail. Je partais au bureau avec la boule au ventre, j'avais des crises d'angoisse, des sensations de malaise sur mon lieu de travail", raconte-t-il. "Le béton qui m'entourait me donnait la nausée, et je ne parle pas au sens figuré", insiste Charles qui cite aussi des "insomnies" et des "visions morbides, ça été très douloureux".

"Forme de deuil"

"C'est une préoccupation permanente, le fait que si on n'agit pas rapidement et de manière globale, on va dans le mur", confirme Cécile qui participe à Nantes à un groupe thérapeutique pour "mieux vivre son éco-anxiété". "J'avais besoin de ça, de savoir que je ne suis pas toute seule", souligne cette femme de 52 ans. "Je ne suis pas malade et ça ne m'empêche pas de vivre", précise celle qui travaille dans la recherche clinique, "mais c'est tellement présent que parfois ça fait venir des larmes quand je commence à y penser. Je suis dans une vraie émotion quand je regarde autour de moi et que je me dis 'est-ce que tout ça on l'aura encore dans 20 ans ?'". "C'est une forme de deuil par anticipation", résume Cécile qui, comme beaucoup d'autres éco-anxieux, milite activement pour lutter contre le changement climatique.

J'éprouve le même type d'anxiété que quand on se réveille la nuit et que notre maison est en train de brûler. C'est quelque chose qui me pousse à agir."

"J'éprouve le même type d'anxiété que quand on se réveille la nuit et que notre maison est en train de brûler. C'est quelque chose qui me pousse à agir", décrypte Alice. La jeune femme a "mis en pause" sa carrière fin 2022 pour se consacrer à son action militante : "quand on est occupé à éteindre le feu, ça met la panique à distance." "Ce n'est pas que ma souffrance est apaisée mais je sens que je fais ce que je peux, on s'organise avec d'autres personnes, on réfléchit ensemble".

Charles lui, a radicalement "remis en cause son mode de vie". Voici trois ans, il a quitté sa "vie confortable" à Lyon pour venir s'établir en famille dans la campagne bretonne, laissant son poste de cadre dans l'informatique pour se reconvertir en professeur de yoga. L'engagement militant "apaise mes angoisses, elles sont aujourd'hui beaucoup plus vivables", sourit-il. "Je crois que l'action est quelque chose de profondément salvateur, c'est vraiment un mot-clé pour toutes les personnes qui peuvent vivre l'éco-anxiété", assure-t-il.

Avec AFP. 

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