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En bref

Investir en limitant l'impact sur la biodiversité ? Le grand défi des acteurs du secteur financier

Investir à grande échelle dans des entreprises tout en limitant l'impact sur la biodiversité reste difficile, mais de plus en plus d'acteurs du secteur financier se saisissent de la question.

Si l'immense majorité des gérants ont conscience des enjeux climatiques, la prise en compte de la biodiversité reste balbutiante. En France, moins d'un tiers des gestionnaires d'actifs proposent des produits financiers qui prennent en compte des critères concernant la biodiversité dans les entreprises où ils investissent. Une proportion encore plus faible le fait via des fonds dédiés, selon une étude de l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises publiée en mai. La plupart de ces offres reposent sur la gestion active, avec un gérant qui choisit directement les entreprises où placer l'argent et peut en changer à tout moment. Depuis jeudi, il est aussi possible d'investir directement sur la biodiversité via un fonds ETF ("Exchange Trading Fund"), un placement conçu pour reproduire la performance boursière d'un panier d'entreprises, lancé par la banque HSBC en lien avec l'opérateur boursier Euronext.

"Nous avons sélectionné 500 entreprises parmi les 1.500 qui composent l'Euronext World Equity", un groupement de grandes entreprises cotées dans les pays développés, présente Fabrice Rahmouni, chez Euronext. Comme dans de nombreux fonds, le but n'est pas d'investir dans des entreprises qui œuvrent pour la protection de la biodiversité mais plutôt "de ne pas investir dans celles qui ont le plus d'impacts négatifs", décrit Olga de Tapia, responsable mondiale des ventes de produits indiciels de la branche gestion d'actifs d'HSBC.

"Il est conçu de façon à être en ligne avec la réalité des besoins d'investissement", justifie M. Rahmouni. L'indice privilégie l'approche "negative screening" où les plus mauvais élèves sont bannis, et non la méthode "best in class", où seules les entreprises les plus vertueuses sont sélectionnées. Plusieurs filtres sont appliqués, en excluant des secteurs comme le tabac, les armes ou les pesticides. Ensuite, sont enlevées les plus mauvaises entreprises selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), d'après l'analyse du fournisseur de données spécialisé Sustainalytics, et celles les moins bien notées en matière de biodiversité dans le classement de l'entreprise Iceberg Data Lab. Finalement, des entreprises comme Aéroports de Paris, Alphabet (maison mère de Google) ou encore Disney ont été retenues.

Angles morts

Pour classer les entreprises en fonction de leur impact, "on essaie de répondre à la question 'quelle est leur empreinte sur la biodiversité pour chaque euro investi ?'" développe Matthieu Maurin, co-fondateur de l'Iceberg Data Lab. L'analyse prend en compte l'ensemble de la chaîne de valeur et compare avec les résultat des autres entreprises du secteur. L'étude compte toutefois quelques angles morts, notamment l'impact sur la biodiversité de la surexploitation des ressources de l'entreprise, comme l'eau.

M. Maurin déplore le manque de solutions "scientifiquement robustes pour mesurer cet impact". "On dépend de l'avancée des études scientifiques et on espère résoudre cela d'ici quelques années." L'accès dans le secteur financier à des données sur la biodiversité est encore lacunaire, même si plusieurs initiatives internationales travaillent dessus, comme la Taskforce on Nature Related Financial Disclosures (TNFD, groupe de travail sur les informations financières liées à la nature).

"En France, le sujet gagne du terrain", notamment avec la loi énergie-climat qui impose la publication des risques liés à l'érosion de la biodiversité pour les produits financiers, estime Guillaume Lesserre, directeur adjoint de la gestion pour La Banque Postale Asset management. "Mais la pratique est encore loin d'être mature", relève-t-il. Comme dans beaucoup de fonds durables, les valeurs technologiques - qui passent entre les mailles des filtres car leur activité a, par nature, moins d'impact sur la biodiversité - occupent une part prépondérante du fonds ETF de la banque HSBC. Elles représentent un quart de l'indice, contre seulement 0,9% pour le secteur de l'énergie.

Pour aller plus loin dans la prise en compte de la biodiversité, l'étape incontournable pour les gérants d'actifs est d'"aller voir les entreprises, engager un dialogue avec elles ou voter dans les assemblées générales", appuie Mme de Tapia chez HSBC.

Avec AFP.