Les deux sociétés se sont engagées à reverser chaque année une part fixe de leurs bénéfices à des projets environnementaux ou solidaires. Mais quelle en est la portée réelle et ce dividende d'un nouveau genre peut-il faire tache d'huile ?
Est-ce de nature à changer la donne ?
Les sommes engagées - environ 500 millions par an pour Crédit Mutuel Alliance Fédérale, qui regroupe notamment 14 des 18 fédérations du groupe, et 10 millions pour la Maif - ne permettront évidemment pas à elles seules d'assurer la transition écologique ou d'enrayer la pauvreté. En revanche, en s'appuyant sur une note de l'économiste Jean Pisani-Ferry qui estimait à environ 100 milliards d'euros par an le coût de la transition énergétique en France, le président du Crédit Mutuel, Nicolas Thery, a affirmé qu'il suffirait qu'environ 200 entreprises fassent la même chose pour atteindre ce montant.
Au-delà de la formule qui tient davantage de la communication - Crédit Mutuel étant une des plus grandes entreprises françaises, il n'y en a pas 200 qui ont les mêmes marges de manoeuvre financières - si la banque et la Maif "ont une capacité d'entraînement ça peut réorienter une partie non négligeable des flux", a estimé auprès de l'AFP l'économiste Raphaël Trotignon, responsable du pôle énergie-climat de l'institut Rexecode.
En prenant les entreprises du CAC 40, auquel n'appartiennent pas Crédit Mutuel et Maif, un dividende de 15% représenterait près de 25 milliards d'euros mobilisés par an, en reprenant les bénéfices réalisés en 2021. Ce type d'initiative pourrait être d'autant plus nécessaire que "l'Etat ne peut pas tout financer, il faut organiser une réorientation des financements privés", souligne M. Trotignon.
Est-ce réservé au secteur mutualiste ?
Crédit Mutuel et Maif ont la particularité d'être des entreprises mutualistes, c'est-à-dire sans actionnaires. Ils ont à la place des sociétaires, qui sont en fait leurs clients. La tentation peut alors être forte d'affirmer que cette initiative est difficilement reproductible pour les autres entreprises. "Peut-être que le fait qu'ils soient mutualistes leur permet de le faire plus facilement par rapport à d'autres banques qui ont des actionnaires qui attendent que les profits leur reviennent ou soient investis de manière optimale", souligne ainsi M. Trotignon.
Un argument balayé par le président de Crédit Mutuel, selon qui ce n'est pas une question de statut. Il rappelle que le dividende sociétal a été approuvé à l'unanimité par le parlement mutualiste, composé à 75% de représentants des sociétaires et à 25% de représentants de salariés. "Les sociétaires ont considéré qu'ils préféraient consacrer 500 millions à l'urgence environnementale et solidaire plutôt que d'avoir une ristourne à court terme", explique M. Théry, rappelant qu'"être mutualiste c'est aussi être contrôlé".
Pour Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France, soit le modèle actionnarial est un frein, et dans ce cas il faut le changer, soit c'est une fausse excuse et les entreprises doivent alors bouger. "Est-ce que c'est possible pour toutes les entreprises? Si on devait être binaire, la réponse est oui", a pour sa part tranché Laurent Berger, patron de la CFDT, lors d'une table ronde organisée par la banque.
D'autres entreprises vont-elles s'en saisir ?
Il est encore trop tôt pour répondre à cette question, mais plusieurs acteurs ont relativisé les engagements pris avec le dividende sociétal. "Ponctionner du résultat en situation de crise, beaucoup le font, nous le faisons aussi", a réagi jeudi sur BFM Business, Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole et président de la fédération bancaire, après avoir toutefois félicité Nicolas Théry pour ses annonces.
Le Medef, par la voix de Dominique Carlac'h, vice-présidente et porte-parole, s'est en tout cas opposé à tout caractère contraignant, préférant laisser aux entreprises la liberté de leur engagement en faveur du climat. "Il existe déjà des dispositifs dans lesquels les entreprises peuvent investir massivement", a-t-elle également rappelé, à l'instar du mécénat, des fondations ou encore des fonds à impact. Il reste que pour Cécile Duflot la contrainte est souvent nécessaire pour que les entreprises passent plus massivement à l'acte.
Avec AFP.
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