©JOEL SAGET/AFP
En bref

Climat et finance: quand les grands discours se heurtent à la réalité

Pour la huitième année consécutive, les acteurs français de la finance se retrouvent jeudi au Palais Brongniart à Paris pour prendre de nouveaux engagements en faveur du climat. Mais au-delà des mots, les avancées restent trop modestes pour changer la donne, selon les experts.

Le Climate Finance Day (CFD) se considère comme un "catalyseur des engagements des acteurs financiers en faveur du climat et en matière de finance durable". Mais "les annonces n'ont jamais été à la hauteur de l'urgence climatique", estime Lorette Philippot, porte-parole des Amis de la Terre, l'une des ONG à l'origine d'une action militante qui avait interrompu la précédente édition. "Nous constatons tous qu'il faut accélérer (...) ça ne va pas assez vite et ça ne va pas assez loin", reconnaît Pauline Becquey, directrice générale de Finance For Tomorrow, organisatrice de l'événement.

Pour Virginie Wauquiez et Laurent Morel, du cabinet de conseil Carbone 4, même si la finance n'est "ni en avance, ni en retard par rapport à l'économie", deux facteurs sont inquiétants. Le premier est le manque de moyens humains dédiés à la mesure des émissions de CO2 engendrées par les investissements. Ils sont bien moindres que ceux consacrés à la lutte contre le blanchiment ou le financement du terrorisme, remarquent-ils.

Finance de l'ombre

Le second est la multitude d'initiatives "net zero", autrement dit de neutralité carbone, émanant de banques, d'assureurs ou de gestionnaires d'actifs qui "donnent l'illusion qu'on avance" mais sans faire "le job", notent-ils. "Il y a un paradoxe insoutenable entre l'urgence et la lenteur de la mise en oeuvre du cadre réglementaire", abonde Pierre-Alexandre Moussa, responsable climat et finance durable de TP ICAP, numéro un mondial du courtage et de l'intermédiation financière.

Celui-ci distingue les acteurs réglementés et le "shadow banking", la finance de l'ombre qui réunit les non-régulés, pratiquement incontrôlables. Même au sein de la finance traditionnelle, un quart des acteurs sont indifférents aux sujets climatiques, estime-t-il. Les autres, qui s'engagent avec plus ou moins d'allant, "sont en train de recruter et cherchent des compétences climat", note Anuschka Hilke, de l'Institute for climate economics (I4CE).

"Système schizophrène"

Du côté des ONG, les engagements de la finance française en faveur de l'abandon du charbon sont souvent loués. En revanche, les investissements dans le pétrole et le gaz sont sous le feu des critiques et tout particulièrement ceux du français TotalEnergies. Egalement épinglées pour leur soutien à ce géant de l'énergie, les banques font valoir que leurs financements contribuent à la transition énergétique de ce groupe qui entend développer ses activés dans les énergies renouvelables.

Pour la majorité des experts, les freins proviennent également des pouvoirs publics, plusieurs d'entre eux évoquant les subventions aux énergies fossiles qui brouillent le message sur la transition énergétique. "On est dans un système schizophrène avec une économie droguée aux énergies fossiles", fustige M. Moussa.

"Des positions assez fortes" avaient été prises par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, notamment lors des CFD des débuts du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, mais elles sont restées lettre morte, regrette également Lorette Philippot. "La réponse va devoir passer par la réglementation", à l'initiative des gouvernements et des organismes de supervision de la finance, conclut Anuschka Hilke.

Avec AFP.