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En bref

Retour sur les bancs d'école pour les financiers face aux enjeux climatiques

Un besoin de formation "colossal": la finance verte est désormais incontournable, surtout au vu des dernières réglementations, mais pour pouvoir proposer des investissement durables encore faut-il en comprendre les ressorts.

"La rareté de talents dans la finance durable est criant", a résumé jeudi Jacques Deforges, patron d'une organisation regroupant les acteurs financiers de Montréal, lors du Climate Finance Day, journée de conférences organisée par la Place de Paris. Le défi est de trouver les professionnels capables de s'y retrouver dans une règlementation en pleine évolution et de répondre aux attentes d'épargnants enclins à "verdir" leurs placements.

Pour Anne Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, média spécialiste de la finance durable, qui s'exprimait également jeudi, la montée de la finance verte entraîne un "besoin de former massivement l'ensemble des personnes qui opère dans la finance".

Le monde financier s'organise depuis quelques années, à l'image du gérant d'actifs la Financière l'Echiquier. Il a créé en 2019 l'Ecole de l'ISR pour former les conseillers financiers aux enjeux d'investissement socialement responsable (ISR). Sur les bancs de cette école aux allures de séminaire entre collègues, des conseillers en gestion de patrimoine. Ils sont partenaires de LFDE et proposent à leurs clients des portefeuilles conçus par le gérant d'actifs.

Éviter l'écoblanchiment 

Avec un important effort de vulgarisation, Coline Pavot, la responsable de la recherche en ISR de LFDE, explique les principes de base de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG). Lors d'une séance de formation à laquelle a assisté l'AFP la semaine dernière, elle évoque des éléments plus techniques sur l'élaboration d'une note ESG, la création d'un portefeuille d'investissement responsable ou les différentes exigences des réglementations du domaine de la finance durable verte.

Le tout avec de nombreux conseils et exemples pour donner les principales clefs de compréhension et éviter le piège de l'écoblanchiment. "Il existe une grande diversité entre les notes ESG des différentes agences de notation, car chacun a sa méthodologie, il est donc nécessaire d'avoir un esprit critique en interne et de retraiter ces données", explique-t-elle documents à l'appui.

Face à elle, des intermédiaires financiers qui veulent comprendre ce qu'il y a derrière les portefeuilles verts: "Pourquoi on retrouve des actions TotalEnergies dans des fonds ISR?". "Suffit-il juste d'avoir la moyenne en ESG comme à l'école pour entrer dans un fonds ISR?"

Et qui s'interrogent sur le flot de nouvelles réglementations: taxonomie européenne, règlement SFDR, directive CSRD, règlement Mifid, doctrine AMF, label ISR... un arsenal réglementaire lancé en Europe, pour pousser le secteur financier à aller davantage dans le sens de la transition environnementale.

Engager tout le monde

Du côté des gérants de portefeuilles, l'analyse ESG fait son bout de chemin. Chez BNP Paribas Asset Management, la responsable du développement ISR Béatrice Verger admet que le besoin de formation est "colossal" et affirme que des personnes travaillent sur la formation des équipes "depuis deux ans".

"Vu le nombre de fonds que nous traitons, nous sommes obligés de mettre en place des outils automatiques", explique-t-elle. Leur stratégie, comme de nombreux autres gérants d'actifs, a été de créer une équipe dédiée à l'ESG, dont une quinzaine d'analystes spécialisés qui "ont fourni des outils intégrés aux pratiques de gestion", décrit-elle.

Pour Margot Cazeaux, responsable du pôle formation de Novethic, le développement de cette finance axée sur les enjeux environnementaux et sociaux "concerne des métiers très différents" et nécessite que tout le secteur s'y mette, "de la direction des entreprises d'investissement aux conseillers en clientèle en passant par les gérants de portefeuilles". Mais cette prise de conscience ne doit pas se faire que dans la finance, d'où la nécessité pour Jacques Deforges d'entraîner "les entreprises et notamment les PME".

Avec AFP.