Les indicateurs d'impact environnemental se multiplient.
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Finance durable

Les actionnaires insistent pour participer aux stratégies climat des entreprises

Plus de dialogue et moins d'autogestion: les investisseurs réclament à Bercy de meilleures règles du jeu lorsqu'il s'agit de discuter des plans climat des entreprises, ces exigences se faisant de plus en plus pressantes de la part des actionnaires.

Une de leurs propositions est de généraliser les "Say on climate", des résolutions qui prévoient de consulter les actionnaires sur la stratégie climat des entreprises via leurs votes lors des assemblées générales (AG), et de préciser leur cahier des charges.

Actuellement, le contenu des résolutions climat - les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les indicateurs de mesure du bilan carbone ou encore les investissements pour la transition - et la fréquence de consultation des actionnaires sont "aux mains des entreprises, qui peuvent faire ce qu'elles veulent", critique Marie Marchais, responsable engagement du Forum pour l'investissement responsable (FIR), une organisation de promotion de la finance durable.

"Le vote est consultatif, on ne connaît même pas les conséquences en cas de rejet" de l'assemblée générale, ajoute-t-elle. "Il faut structurer tout cela !" Une revendication pas si nouvelle: depuis deux ans, investisseurs, associations, avocats et ONG engagés en faveur d'une finance plus responsable se font entendre, à commencer par le FIR et la société de gestion Phitrust.

Désormais, les acteurs du côté des entreprises et de la régulation s'en saisissent aussi, sans que ce soit pour autant contraignant: le code de gouvernance Afep-Medef, qui représentent le patronat, préconise depuis décembre de "présenter à l'assemblée générale ordinaire au moins tous les trois ans" la stratégie climat définie par l'entreprise.

Et le gendarme boursier français (AMF) a aussi invité en mars les entreprises à "renforcer leur dialogue actionnarial sur leur stratégie climatique". Seules dix entreprises avaient proposé à leurs actionnaires de voter sur leur plan de décarbonation en 2022 selon l'AMF.

Bouclier chez TotalEnergies

Dans la lettre qu'ils viennent d'adresser à Bercy, une trentaine d'investisseurs et d'acteurs engagés pour une finance responsable souhaitent de plus que le dépôt de résolutions externes, c'est-à-dire proposées par des actionnaires, soit facilité.

Actuellement en France, il faut détenir au minimum 0,5% du capital d'une entreprise cotée, ce qui oblige les investisseurs à se réunir en collectif, et déposer le projet de résolution maximum 20 jours après l'annonce de la date de l'AG. Une réduction de ce seuil et un allongement de la période de dépôt des résolutions sont régulièrement réclamés.

Autre obstacle au dialogue, un "problème structurel de droit français" selon Marie Marchais qui a conduit TotalEnergies à refuser en 2022 d'inscrire à l'ordre du jour de son assemblée générale une résolution climat proposée par ses actionnaires. Le groupe avait estimé que leur proposition "reviendrait en réalité à encadrer la stratégie" du groupe, compétence légale accordée au conseil d'administration.

Pour l'avocate Sophie Vermeille, la "justification de TotalEnergies n'est pas valide". Ses clients, parmi lesquels des actionnaires ayant tenté de déposé une résolution "subissent les conséquences financières des décisions du conseil d'administration" et devraient être légitimes à se prononcer sur la stratégie de long terme du groupe.

Les actionnaires déboutés avaient alors demandé à l'AMF d'ordonner l'inscription de la résolution à l'ordre du jour de l'AG, mais le gendarme boursier ne dispose pas d'un tel pouvoir d'injonction. Un flou juridique qui mérite une "clarification de la procédure de recours", selon les signataires de la lettre envoyée à Bercy. Le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) avait été saisi sur le sujet et a estimé en décembre que les Say on climate "ne heurte(nt) aucune règle juridique et en particulier pas le principe de hiérarchie des organes sociaux", avancé par TotalEnergies.

Il est ajouté ensuite qu'"aucune modification législative ou réglementaire n'apparaît donc nécessaire pour permettre le développement de ces résolutions", de quoi affaiblir les arguments du FIR, Phitrust et d'autres investisseurs. "Le résultat c'est qu'on dépose des résolutions à titre consultatif, dont le vote ne doit pas être obligatoirement pris en compte dans la stratégie", déplore Sophie Vermeille.

Avec AFP.