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2030, Investir Demain

Gouvernance ESG intégrée : les exemples d’Easy Cash et Osmaïa

Comment les entreprises construisent-elles concrètement leur stratégie et leur trajectoire ESG, en mettant en place une gouvernance adaptée et des indicateurs de suivi pertinents ? Lors du troisième atelier du groupe de travail sur la réglementation, copiloté par osapiens, deux dirigeantes ont partagé leur expérience : Anne-Catherine Péchinot pour Easy Cash et Sandrine Martin pour Osmaïa.

Autrefois souvent cantonnée à la marge, la RSE s’intègre désormais au cœur de la stratégie et de la vision long terme des entreprises qui s’en saisissent pleinement. Réunis lors du troisième atelier du groupe de travail sur la réglementation, plusieurs intervenants ont partagé leurs retours d’expérience sur les transformations organisationnelles, les arbitrages et les exigences de pilotage induits par cette approche.

Première à intervenir, Anne-Catherine Péchinot, directrice générale d’Easy Cash, a commencé par partager l’expérience de son groupe, spécialisé dans l’achat-revente de produits d’occasion, avec un réseau de 165 magasins franchisés en France. "Je suis convaincue que les entreprises qui auront de la valeur demain seront celles qui auront mis l’ESG au cœur de leur stratégie", a-t-elle affirmé d’emblée, insistant sur la capacité des dirigeants à impulser une transformation réelle.

Une stratégie pilotée par la responsabilité

À son arrivée à la tête de l’entreprise, la dirigeante a ainsi engagé plusieurs chantiers pour structurer la démarche ESG, en la replaçant au cœur de la stratégie globale. Cela s’est notamment traduit par un rattachement de la cellule RSE au comité de direction et l’intégration de l’ESG comme pilier du plan stratégique, avec pour objectif de "mettre en place un modèle d’entreprise piloté par la responsabilité", a souligné Anne-Catherine Péchinot. La démarche a notamment été soutenue par la labellisation “Enseigne Responsable”, ainsi que par la formalisation d’une raison d’être.

On a tous été dopés à la croissance, mais dans un monde fini, on ne pourra pas augmenter les volumes indéfiniment. Cela veut dire qu’il faut qu’on travaille autrement."

Au contact de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), cette stratégie a encore gagné en profondeur, avec des choix structurants pour le modèle économique, comme un renoncement au neuf, ou la généralisation des ateliers de réparation dans les magasins. "On a tous été dopés à la croissance, mais dans un monde fini, on ne pourra pas augmenter les volumes indéfiniment. Cela veut dire qu’il faut qu’on travaille autrement."

Cette remise en question du volume a ouvert une réflexion plus large sur le rôle même de l’entreprise. "Nous voulons aider les acteurs du neuf à faire leur transition vers la seconde main. Avec notre école de formation ouverte à l’extérieur et le renforcement des coopérations territoriales, nous affichons la volonté de ne plus être uniquement des commerçants, mais aussi des accompagnateurs de transformation", a poursuivi la dirigeante.

Osmaïa : la RSE comme levier de structuration

Chez Osmaïa, la démarche ESG s’inscrit dans une dynamique de structuration d’ensemble. Spécialisée dans l’aménagement et l’entretien d’espaces extérieurs, l’entreprise connaît une croissance rapide, notamment via des opérations de croissance externe. Dans ce contexte, la RSE est pensée comme une colonne vertébrale, permettant de fédérer des entités aux niveaux de maturité hétérogènes : "L’ESG a été un levier fédérateur -culturel, extra-financier et transverse-, pour faciliter la structuration, le dialogue interne et la clarification des priorités collective", a expliqué Sandrine Martin, directrice générale adjointe d’Osmaïa.

L’entreprise a défini une trajectoire à horizon 2030 autour de quatre grands engagements : santé, sécurité et bien-être au travail, réduction de l’empreinte carbone, préservation de la biodiversité, et développement d’une culture d’entreprise commune. Ces axes ont été déclinés en objectifs concrets, avec un effort particulier pour mobiliser le management, dont la part variable de rémunération est indexée, en moyenne, à hauteur de 12 % minimum sur des critères ESG.

La dynamique s’est construite progressivement, sur la base du volontariat. Des collaborateurs issus de différents niveaux hiérarchiques ont été réunis dans des comités de pilotage, ce qui a permis de "casser les silos" et d’infiltrer la culture RSE à tous les échelons. "Ce projet a créé une vraie dynamique de fédération des équipes pour aller plus loin", a résumé Sandrine Martin. Cette approche a permis d’embarquer non seulement les collaborateurs, mais aussi les instances de gouvernance, du CODIR au conseil de surveillance.

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Mobiliser en interne : du récit à la preuve

Chez Easy Cash, la mobilisation des collaborateurs et des franchisés constitue aussi un enjeu central. L’entreprise a choisi de personnifier sa feuille de route à horizon 2030 en insistant sur l’importance du récit et de l’exemplarité : "Les récits positifs embarquent beaucoup plus les équipes", a développé Anne-Catherine Péchinot. Chaque collaborateur du siège suit par ailleurs la Fresque du climat et celle de l’économie circulaire, tandis que les nouveaux arrivants en magasin bénéficient de tutoriels pour former une vision commune.  

Mais au-delà des intentions, ces transformations, qui impliquent souvent des coûts supplémentaires, doivent aussi démontrer leur valeur ajoutée pour le business model. "Il y a une notion d’ESG/EBITDA qu’il faut mettre en miroir pour apporter la preuve que ces projets structurants amènent de la performance, et sur un temps court, a insisté Sandrine Martin. C'est le seul moyen pour convaincre au plus haut niveau de la hiérarchie."

D’où l’importance accordée à la transparence et à la donnée : identifier les bons indicateurs, remonter de l’information fiable et utile et structurer les outils internes de pilotage pour pouvoir démontrer, y compris en interne, les gains économiques et écologiques générés.

Données : un enjeu structurant

Mais la collecte et la consolidation de la donnée ESG restent souvent un défi majeur, notamment pour les entreprises organisées en réseau, a constaté Anne-Catherine Péchinot. "Il existe peu d’outils capables de remonter efficacement les données de 165 entrepreneurs indépendants, donc on fait encore beaucoup de choses à la main".

Tout le monde s’accorde sur le calcul de l’EBITDA. Sur l’ESG, il reste beaucoup d’incertitudes méthodologiques, notamment sur l’aspect qualitatif."

Sandrine Martin a également regretté l’absence d’outils informatiques capables d’agréger efficacement données financières et extra-financières. "Aujourd’hui, de nombreuses réglementations coexistent – déforestation, droits humains, devoir de vigilance… – mais elles sont encore souvent traitées en silo, a noté Vincent Canu, responsable France chez osapiens. L’enjeu est d’harmoniser les processus, avec des modules capables d’auditer les données et de produire des tableaux de bord complets." Une exigence d’autant plus forte quand la donnée devient un véritable outil de pilotage stratégique. "Tout le monde s’accorde sur le calcul de l’EBITDA. Sur l’ESG, il reste beaucoup d’incertitudes méthodologiques, notamment sur l’aspect qualitatif", a rappelé Sandrine Martin.

Dans ce contexte, et malgré les incertitudes liées aux reports induits par la loi Omnibus, la CSRD a joué un rôle structurant pour les deux entreprises, en leur permettant notamment de formaliser leur analyse de double matérialité. "Elle nous a permis d’avoir un fil rouge et d’insuffler une dynamique en mobilisant largement les équipes", a souligné Sandrine Martin, qui appelle à ne "surtout pas ralentir le rythme sur ces sujets".