Face aux problématiques de santé et environnementales soulevées par l’usage des pesticides dans l’agriculture, la réglementation française, en plus de la règlementation européenne, distingue les insecticides, herbicides ou fongicides autorisés et interdits sur son territoire.
ID, L’info Durable fait le point sur les substances concernées et les critères qui encadrent leur utilisation en France.
Les réglementations pour encadrer les pesticides en France
L’utilisation des pesticides en France est encadrée par une législation à la fois nationale et européenne.
Avant d’être autorisés sur le marché, les produits phytopharmaceutiques doivent faire l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse, qui prend en compte leur efficacité, mais aussi leurs risques pour la santé humaine, animale et pour l’environnement.
En Europe, cette autorisation relève de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de la Commission européenne. En France, c’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui évalue et délivre les autorisations de mise sur le marché (AMM).
Dernièrement, certains pesticides se retrouvent au milieu de scandales sanitaires nationaux : le cadmium, un pesticide lié au cancer du pancréas qui serait présent quatre fois plus dans l’alimentation des Français (voir plus bas), ou la ré-autorisation de certains néonicotinoïdes, ces pesticides "tueurs d’abeilles", récemment débattue dans le cadre de la loi Duplomb.
Un pesticide peut être interdit s’il est jugé trop dangereux ou si des alternatives plus sûres existent. L’interdiction peut être décidée au niveau européen (avec effet dans tous les pays membres), ou spécifiquement par la France, dans le cadre du principe de précaution.
En outre, certains produits autorisés peuvent faire l’objet de restrictions d’usage : zones d’interdiction d’épandage, distances minimales avec les habitations, ou encore interdiction d’utilisation pour les particuliers.
Quels sont les pesticides interdits en France ?
Parmi les pesticides interdits en France, plusieurs substances sont bien connues du grand public en raison de leur toxicité avérée ou suspectée. Voici quelques exemples emblématiques :
- Le glyphosate : bien qu’au cœur de nombreuses polémiques, ce désherbant très utilisé n’est pas totalement interdit en France. Il reste autorisé sous certaines conditions, mais son usage est fortement encadré. Le gouvernement a promis sa sortie progressive, sans toutefois fixer de date définitive.
- Les néonicotinoïdes : ces insecticides, prouvés comme nuisibles aux pollinisateurs comme les abeilles, ont été interdits en France et en Europe en 2018.
Une dérogation temporaire avait cependant été accordée par le gouvernement pour l’usage de deux d’entre eux, l’imidaclopride et le thiaméthoxame, dans la culture de betteraves sucrière en 2020, mais cette autorisation a pris fin en 2023, suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’un des néonicotinoïdes, l'acétamipride, est actuellement en phase de débat sur sa ré-autorisation en France, dans le cadre du projet de loi Duplomb, visant à “supprimer les contraintes à l'exercice de la profession d’agriculteur”.
- Le chlorpyrifos : cet insecticide a été interdit en 2019 en France, comme dans toute l’Union européenne, en raison de ses effets néfastes sur le développement neurologique des enfants.
D’autres substances ont été retirées du marché au fil des ans, souvent à la suite de nouvelles données scientifiques. En général, les produits contenant des substances classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques sont les premiers à être retirés.
La liste des pesticides interdits est mise à jour régulièrement par l’Anses et disponible sur son site internet.
Les pesticides encore autorisés en France
Malgré les nombreuses interdictions, plusieurs pesticides autorisés en France restent largement utilisés dans l’agriculture conventionnelle. Ces produits ont reçu une AMM après évaluation, et leur usage est jugé acceptable dans les conditions précisées par les autorités sanitaires.
On peut notamment citer :
- Le cuivre : utilisé comme fongicide notamment dans l’agriculture biologique. Son usage est toutefois limité en raison de son accumulation possible dans les sols en cas d’excès.
- Le soufre : également employé dans la lutte contre les maladies fongiques comme l’oïdium.
- Des substances chimiques de synthèse telles que le prosulfocarbe ou le fludioxonil, toujours autorisées, bien que sous surveillance pour leurs impacts environnementaux.
- Le cadmium : qui a récemment fait parler de lui, car il a été découvert que ce pesticide est lié à l’augmentation considérable du nombre de cancers du pancréas en France ces dernières années, et qu’il est présent dans un grand nombre de produits, comme les céréales, le pain ou les pâtes.
Pour aller plus loin : Engrais agricoles : les Français contaminés au cadmium, alertent des médecins libéraux
Il est important de noter que même les pesticides autorisés sont soumis à des conditions strictes : doses maximales, délais avant récolte, ou mesures de protection pour les applicateurs.
De plus, des efforts sont en cours pour encourager des alternatives plus durables : rotation des cultures, introduction d’insectes auxiliaires, biocontrôle ou encore techniques mécaniques de désherbage.
Une réduction difficile des pesticides
Depuis plusieurs années, la France affiche sa volonté de réduire l’usage des pesticides, dans le cadre du plan Ecophyto, lancé en 2008. L’objectif initial de réduire de 50 % l’usage des pesticides à l’horizon 2018 n’a pas été atteint, et le plan a été relancé à plusieurs reprises, avec de nouveaux objectifs.
En 2023, le gouvernement a annoncé une nouvelle version d’Ecophyto, visant à accompagner les agriculteurs vers des pratiques plus durables, tout en garantissant la souveraineté alimentaire.
Par ailleurs, les citoyens et les collectivités jouent un rôle croissant dans cette transition. Depuis 2019, l’usage des pesticides est interdit pour les particuliers, et les collectivités n’ont plus le droit d’en utiliser dans les espaces verts ouverts au public, dans le cadre de la loi Labbé.
Au niveau européen, malgré les idées reçues, la France est l’un des pays les moins restrictifs en termes d’usage de pesticides. En témoigne ce rapport publié par l’association Générations Futures.
Celui-ci met notamment en valeur que la France est la championne européenne en termes de "dérogations de 120 jours", prévues par le droit européen, pour des pesticides spécifiques, avec 72 dérogations entre 2023 et 2024, loin devant l’Allemagne (61) et l’Autriche (41).
Ces dérogations sont prévues par le règlement européen 1107/2009 dans son article 53 "lorsqu’une telle mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables."