Les néonicotinoïdes sont connus pour attaquer les facultés cognitives des insectes pollinisateurs, et notamment des abeilles.
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Santé

Plus de 1 000 médecins et scientifiques alertent sur les dangers de la réautorisation de certains pesticides

Dans une lettre ouverte adressée au gouvernement, un millier de médecins et de scientifiques dénoncent la proposition de loi visant à réintroduire des substances interdites ainsi qu’à démettre l’Anses, l’agence chargée de la sécurité sanitaire, d’une partie de ses fonctions. 

Adoptée par le Sénat le 27 janvier dernier, la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur" débute son parcours au sein des commissions parlementaires de l’Assemblée nationale le 6 mai pour un vote prévu à la fin du mois. 

Cette proposition, menée par le sénateur LR de Haute-Loire Laurent Duplomb, prévoit de réintroduire certains pesticides interdits en France depuis plusieurs années, notamment les néonicotinoïdes, dangereux pour les abeilles. 

Des pesticides déjà interdits 

À la veille de son examen en commission du développement durable, un millier de médecins et de scientifiques se mobilisent dans une lettre ouverte adressée aux ministres de la Santé, de l'Agriculture, du Travail et de la Transition écologique, les quatre ministères de tutelle de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire. 

Ils y dénoncent le recul que représenterait la réautorisation de ces pesticides, pointant des risques majeurs pour l’environnement et pour la santé. L’acétamipride, principal néonicotinoïde utilisé en agriculture, est interdit en France depuis 2018 mais reste autorisé dans l’Union européenne jusqu’en 2033, notamment pour la culture de la betterave et de la noisette. 

"Le retrait de l’autorisation s’est fondé, à l’époque, sur des avis scientifiques, notamment de la Task Force on Systemic Pesticides qui a passé en revue plus de 1 000 articles scientifiques pointant les effets dévastateurs de ces pesticides sur la santé humaine et l’environnement", expliquent les signataires. 

Un pesticide tueur d’abeilles 

Ces substances sont connues pour attaquer les facultés cognitives des insectes pollinisateurs, et notamment des abeilles. "Pour dire les choses simplement, elles ne savent plus où elles habitent et (...) n’arrivent pas à rentrer chez elles, donc elles meurent", explique pour RCF Patrick Dujardin, président de l'association L'Abeille du Poitou. 

Les abeilles jouent pourtant un rôle essentiel pour la biodiversité et notre sécurité alimentaire, puisque de nombreuses plantes dépendent directement de la pollinisation pour se reproduire.

Pour aller plus loin : L’écologie dans nos assiettes” 

Au-delà de son impact sur la biodiversité, la lettre souligne que la réintroduction de ces pesticides renforce "la dépendance des agriculteurs aux pesticides chimiques de synthèse, sans pour autant répondre à leur demande de rémunération juste".

Elle rappelle les nombreux "problèmes de santé humaine et de dégradation de l’environnement" causé par leur utilisation excessive depuis des décennies, dont les agriculteurs eux-mêmes sont les premières victimes

L’Anses remise en cause 

La proposition de loi suggère également la création d’un "comité d'orientation pour la protection des cultures", composé d’industriels et de syndicats agricoles. Ce comité d’orientation agricole pourra désigner les pesticides perçus comme "prioritaires" et permettre au ministère de l’Agriculture de les autoriser sans requérir l’aval de l’Anses

"Les priorisations faites par ce conseil composé d’industriels et de syndicats agricoles s’imposeraient à la direction de (l’Anses) au mépris des exigences sanitaires. Le cadre déontologique ainsi corrompu, les règles de transparence et d’indépendance vis-à-vis des intérêts privés le seraient tout autant", exposent les scientifiques signataires. 

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est pourtant aujourd’hui la seule à pouvoir délivrer l’autorisation de mise sur le marché (AMM) "dans un cadre scientifique et déontologique contraint".