Dominique Gurérée, président de la SCIC Railcoop.
©Lucas Madebos
Entreprises

Une coopérative pour remettre la France sur les rails de la mobilité

À l’heure de la nécessité d’une transition écologique, le besoin de décarboner nos déplacements en adoptant des mobilités douces commence à faire son chemin. Et pour cela, peu de moyens de transport sont aussi efficaces et rentables que le train.

Volonté de se déplacer de manière plus écolo ou simplement de prendre le temps de voyager tout en acceptant de renoncer à la flexibilité de la voiture individuelle, tous les motifs sont bons pour adopter le train. Cependant, le constat en France est sans appel : si le réseau de trains à grande vitesse est prospère, c’est tout un maillage de petites lignes, qui constituent près d’un tiers du réseau français et desservent des territoires peu peuplés, qui n’est que trop peu utilisé et gagnerait à être remis au goût du jour. Dans un discours en juillet 2020, le chef de l’Etat Emmanuel Macron mentionnait justement la nécessité de relancer trains de nuit, fret et petites lignes dans l’Hexagone. Créée en 2019, la coopérative Railcoop joint le geste à la parole : grâce à elle, la ligne Bordeaux-Lyon, abandonnée depuis 2014, rouvrira en 2022. Dominique Guérée, président de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), a répondu aux questions d’ID.

Comment vous inscrivez-vous dans la mouvance actuelle des coopératives ?

Nous recherchons l’équilibre entre la viabilité économique et l’intérêt général. Avec Mobicoop et d’autres, nous nous inscrivons en effet à l’échelle nationale, bien que Mobicoop soit devenue une plus grosse entreprise que nous, qui gardons un côté start-up. Aussi, l’inscription dans une démarche de transition écologique nous rassemble, puisque réhabiliter le transport ferroviaire, c’est choisir une mobilité plus douce et beaucoup moins émettrice de gaz à effet de serre que d’autres.

Refaire circuler des trains à ces endroits pour faire les liaisons entre les petites villes et les métropoles, remailler le territoire."

Quelle est la raison d’être de Railcoop ?

C’est de renforcer l’usage du ferroviaire, en particulier dans les zones éloignées des grandes radiales Paris-province. On s’aperçoit qu’il y a beaucoup d’équipements, des voies ferrées, des gares, mais qu’ils sont trop peu, voire pas utilisés. L’idée est donc de refaire circuler des trains à ces endroits pour faire les liaisons entre les petites villes et les métropoles, remailler le territoire. Sans oublier le fret, puisqu’à ce titre, la France ne consacre que 9% de ses transports à la marchandise, une part qui ne représente que la moitié de la moyenne européenne. Nous avons donc une marge de manœuvre, ce dont le gouvernement s’est aperçu puisqu’il a annoncé en 2020 vouloir atteindre la moyenne européenne en rendant le fret plus avantageux.

Comment vous y prenez-vous pour atteindre ces buts ?

C’est une grande question. Nous avons une équipe de salariés très motivés qui met en œuvre la stratégie. Le ferroviaire est une industrie lourde, où tout est coûteux et long à mettre en place. Il nous faut d’abord une licence ferroviaire : elle nécessite 1,5 millions d’euros de capital, nous en avons près de 2,5 millions, donc nous déposerons bientôt notre demande de licence. Il faut ensuite un certificat de sécurité ferroviaire : nous avons actuellement plusieurs personnes qui travaillent à l’élaboration de ce certificat, ce qui est un gros dossier. La mise en œuvre sur le terrain viendra ensuite : comment est formé notre personnel, comment mettre en œuvre la sécurité, etc. Il nous faudra bien sûr acheter des trains dans un second temps, ce qui est également complexe. Pour des trains neufs, entre le passage de la commande et la livraison, il peut s’écouler quatre ans. Nous nous sommes donc tournés vers des rames d’occasion, en bon état mais qui sont actuellement à l’arrêt. Nous sommes donc en négociation avec les régions et la SNCF, pour les rénover et les aménager à nos couleurs.

Qu’est-ce que votre initiative va apporter de nouveau dans le paysage ferroviaire français ?

Nous ne sommes pas en concurrence frontale avec la SNCF, nous allons rouler sur son réseau et devrons pour cela nous acquitter des péages, contribuant ainsi à l’amélioration du réseau. La différence principale, c’est que nous ciblons davantage les villes moyennes à petites, les territoires ruraux, ainsi que le travail avec les collectivités. À ce titre, les SCIC sont les seules sociétés privées dans lesquelles les collectivités peuvent rentrer au capital. Nous voulons répondre à un besoin de desservir à nouveau des territoires oubliés.

Avez-vous des idées pour rendre l’expérience utilisateur plus durable également ?

Tout-à-fait. Entre notre assemblée générale et le CA, nous avons constitué des cercles de réflexion sur différentes thématiques. À cette occasion, nous essayons d’imaginer de nouveaux services, de nouvelles façons de se déplacer en redonnant plus de sens au voyage, etc. Les besoins sont différents suivant les profils des usagers, entre un patron qui se déplace en province et une famille avec des enfants, par exemple. Aussi, il faut imaginer la suite du voyage une fois que le train est arrivé à quai : proposer des vélos dans la gare, du covoiturage, etc. C’est cette co-construction qui donne tout son sens au travail en coopérative.

Peut-on donc imaginer, par exemple, que l’on serve dans vos trains des collations plutôt bio et locales, dans une même optique de "remaillage" du territoire ?

La restauration à bord est un point central en effet. Nous avons déjà réfléchi à travailler avec les producteurs des villes traversées pour mettre en valeur des produits, des savoir-faire locaux, des identités fortes. C’est l’exemple parfait d’une réflexion qui peut avoir lieu entre nous, et qui prend en effet tout son sens dans une optique de redynamisation des territoires.

Nous cherchons à mettre à l’honneur la transition écologique et à promouvoir une autre conception de l’entreprise, qui s’attache à l’intérêt général."

Quel est, à ce stade, votre business model ?

Aujourd’hui, le financement du capital qui permet de payer nos salariés, les études de marché, les appels d’offre pour le suivi des rames, se fait par le capital des 2 000 sociétaires, qu’ils soient personnes physiques, morales, associations, entreprises ou collectivités. On trouve aujourd’hui Mobicoop, Enercoop, Citiz, etc. Par-là, nous cherchons à mettre à l’honneur la transition écologique et à promouvoir une autre conception de l’entreprise, qui s’attache à l’intérêt général. C’est avec ça que l’on fonctionne pour le moment, sur le modèle startup. Pour acheter les rames, nous sommes sur un financement plus classique, bancaire, puisque les montants se chiffrent en millions d’euros. Ensuite, si l’on évolue, on ne cherchera pas à avoir des investissements extérieurs, puisque dans les SCIC, une grande partie des bénéfices retourne dans les caisses de l’entreprise pour pouvoir réinvestir. Nous pourrons en revanche émettre des titres participatifs, pour des gens qui veulent contribuer au projet.

Plus personnellement, comment êtes-vous arrivé à la tête du CA de Railcoop ?

J’ai été gérant de plusieurs entreprises par le passé, dont une SCOP, et je connais donc le monde coopératif depuis plusieurs années. Je trouve que c’est une façon d’entreprendre assez fabuleuse, pour les dirigeants comme les salariés. D’autant qu’il y a énormément de modèles de coopératives en France, qui se retrouvent aux niveaux français, européen et international, avec l’Alliance coopérative internationale, dans lesquels on retrouve les critères et le sens commun de toutes les coopératives du monde.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab, cliquez ici

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