Ekhi est une marque engagée dans la promotion du travail et du savoir-faire des vigneronnes.
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"Le monde du vin a besoin des femmes"

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ID a rencontré Honorine Auvray, co-fondatrice d’Ekhi, une marque engagée dans la promotion du travail et du savoir-faire des vigneronnes.

Marque promouvant un vin responsable, Ekhi - qui fait directement référence à la "Fille de la Terre" dans la mythologie basque - s’est donné pour mission de rendre aux femmes du vin leurs lettres de noblesse. Pour ID, Honorine Auvray revient sur les préjugés du secteur, la place des femmes dans la filière viticole ainsi que la mise en lumière de leur travail et de leur engagement.

Aujourd’hui, quels sont les principaux enjeux du point de vue du climat et de la pollution dans le secteur du vin ?

La France est le 2ème producteur mondial de vin après l’Italie, et la filière viticole représente 17 % de la production agricole française en 2020. Aujourd’hui les enjeux environnementaux concernent l’ensemble de la chaîne de production sur les domaines, où le réchauffement climatique impact directement la vigne : vendanges précoces, teneur en sucre plus élevée (ce qui rend les vins plus alcooleux).

La viticulture est le 1er pilier sur lequel on peut agir en faveur de la planète en réduisant (voire bannissant) les intrants chimiques ou encore en mettant en place des actions concrètes en faveur de la biodiversité. Chez Ekhi, il est essentiel de sensibiliser les acteurs de la filière sur ces sujets mais aussi et surtout de les soutenir. C’est pourquoi nous sélectionnons des vins biologiques, biodynamiques ou en conversion.

Le packaging est le second sujet sur lequel nous pouvons agir. En 2019, on estimait que 46 % de l'empreinte carbone d'une bouteille de vin pleine étaient liés à son emballage. Chez Ekhi, nous avons décidé de supprimer la traditionnelle capsule (plus obligatoire depuis juin 2019), d’opter pour des étiquettes en papier 100 % recyclé et des bouchons en liège provenant de forêts durablement gérées. La prochaine étape ? Instaurer la consigne des bouteilles. Le défi aujourd’hui est de répondre au décalage entre la vision traditionnelle du vin, encore très ancrée chez les consommateurs et consommatrices de vin, et la nécessité de concevoir un emballage plus durable.

Dans le vin, l’une des questions qui revient souvent : comment associer patrimoine et tradition à innovation et responsabilité environnementale. C’est ce qui nous guide dans le développement de l’entreprise et les rencontres que nous faisons.

Ces nombreux enjeux ne pourront être relevés que si l’on arrive à créer une dynamique collective. Avec Ekhi, nous permettons aussi à nos vigneronnes partenaires d’échanger entre elles, de partager leurs bonnes pratiques, de créer un élan.

Vos orientations stratégiques sont-elles motivées par des tendances de consommation en particulier ?

Il s’agit avant tout de convictions personnelles. Quand nous avons lancé Ekhi, on nous a déconseillé de nous "enfermer" dans un vin durable et produit par des vigneronnes. Deux critères qui rendent la sélection bien plus complexe. Nous passons beaucoup de temps sur la sélection, le référencement de nos vins et de nos vigneronnes partenaires. Les tendances de consommation sont un véritable moteur pour nous, elles nous permettent de garder le cap avec une énergie constante tout en nous remettant en question et en nous challengeant.

Les consommateurs et consommatrices de vin sont de plus en plus exigeants ; ils recherchent un vin sans concession. Pour nous, qui nous identifions beaucoup à cette nouvelle génération, c’est un plaisir de devoir dénicher des vins d’exception avec d’excellents rapports plaisir/prix, au plus proche de la productrice ou du producteur…

En tant qu’entreprise, il est essentiel d’être à l’écoute des tendances de consommation pour penser un produit qui plaise. J’aurais beau faire le produit le plus durable possible, si personne ne l’adopte car il n’est pas pratique ou dans le cas du vin en France, associé à un moment convivial ou à un produit qualitatif, les consommateurs vont se tourner vers des vins traditionnels. Le défi, et ce qui rend les choses passionnantes, c’est de réussir à concevoir un produit durable et plaisant. Dans le vin, l’une des questions qui revient souvent : comment associer patrimoine et tradition à innovation et responsabilité environnementale. C’est ce qui nous guide dans le développement de l’entreprise et les rencontres que nous faisons.

Selon vous, en quoi le vin devient (ou devrait) être de plus en plus une affaire de femmes ?

Les femmes sont depuis toujours présentes dans la filière viticole. Les premières sommelières sont apparues il y a 3 000 ans, durant l’Antiquité, à Babylone. D’ailleurs, en Égypte, des gravures témoignent du travail important de la vigne par les femmes. À l’époque, elles avaient également pour mission de le choisir et le servir. Le vin a donc toujours été une affaire d’hommes et de femmes mais elles ont été invisibilisées durant des centaines d’années.

La filière viticole a besoin, plus que jamais, des vigneronnes, sommelières, oenologues qui façonnent dès à présent le vin de demain.

Aujourd’hui, il est temps de les remettre sur le devant de la scène et d’accorder à celles qui ont longtemps été considérées comme des "petites mains", la place qui leur revient. On doit beaucoup aux femmes : renommée de certains domaines (ex : Françoise Joséphine de Lur Saluces avec le Château Yquem), des avancées majeures (Barbe-Nicole Clicquot élabore le 1er champagne millésimé, qui popularise également la table de remuage désormais incontournable dans le processus d’élaboration du champagne), pour n’en citer que deux.

Aujourd’hui, à travers Ekhi, on perçoit chez beaucoup de professionnelles du vin la volonté de repenser le vin de demain avec audace et ingéniosité ("Les femmes sont le plus grand réservoir inexploité de talents au monde"- Hillary Clinton). Nous sommes ravis de voir que de plus en plus d’initiatives et d’associations voient le jour. Les professionnels du vin sont de plus en plus conscients du besoin de changement ; nous avons d’ailleurs remporté le concours Tomorrow Wine 2021 qui vise à imaginer le vin de demain par les étudiants des écoles de vin. Une belle récompense qui nous confirme que notre vision est alignée avec les attentes des experts du secteur.

Les femmes du vin sont résolument tournées vers demain, l’héritage qu’elles vont laisser aux générations futures. La filière viticole a besoin, plus que jamais, des vigneronnes, sommelières, oenologues qui façonnent dès à présent le vin de demain.

Que signifie être vigneronne aujourd’hui ?

Traditionnel, le secteur du vin a longtemps été considéré comme un secteur dédié aux hommes, où les femmes n’avaient pas leur place, ou au mieux, en tant que "petites mains", pour des tâches précises et peu valorisées.

Aujourd’hui, la filière viticole n’échappe pas à la règle : être une femme dans le vin, comme dans de nombreux secteurs, c’est devoir travailler 10 fois plus (au moins) pour espérer bénéficier d’autant de reconnaissance que son homonyme masculin.

Être vigneronne, aujourd’hui, c’est s’inscrire dans une filière en mouvance, avec des fractures profondes et en pleine reconstruction. Les femmes sont de plus en plus visibles dans les médias, leur place en tant qu’expertes est peu à peu acceptée mais en parallèle, les femmes du vin sont très touchées par le sexisme ordinaire et par les agressions sexuelles.

Mais être vigneronne, c’est aussi cette idée de transmission, très présente chez beaucoup d’entre elles. La volonté de revendiquer une viticulture plus durable pour le transmettre aux générations futures ; ainsi que la volonté de rendre le monde du vin plus accessible, moins élitiste, pour le partager au plus grand nombre.

Vous dites vouloir permettre aux femmes de changer le monde du vin : concrètement, comment comptez-vous faire ?

On ne permet pas aux femmes de changer le monde du vin : elles y arrivent très bien sans nous. En revanche, nous souhaitons mettre en lumière leur travail, leurs actions et leurs engagements.

Les femmes que nous rencontrons sont talentueuses, expertes et passionnées. Le monde du vin a besoin d’elles. Pourtant jusqu’à récemment, très peu d’espaces de parole leur étaient réservés. Aujourd’hui, on peut voir de plus de plus de professionnelles du vin mises en avant, partager leur opinion que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la presse.

Sur chaque bouteille, on peut lire le nom entier de la vigneronne ainsi que sa société, mais aussi nous les valorisons sur les réseaux sociaux. Des actions simples mais qui pourtant sont souvent occultées par les marques de vin.

Chez Ekhi, nous voulons promouvoir leur travail auprès du grand public pour montrer qu’elles sont présentes (environ 30 % des chefs d’exploitations viticoles sont des femmes), qu’elles sont un pilier majeur du vin de demain et surtout qu’elles travaillent aussi bien que les hommes (les préjugés ont la vie dure).

Nous mettons à leur service nos compétences en termes de communication pour qu’elles puissent passer les messages qui leur tiennent à cœur et rencontrer le grand public. Chacune de nos cuvées sont estampillées d’une pastille audio au dos de la bouteille qui permet d’accéder à un court enregistrement rencontre avec la vigneronne qui partage son parcours, son terroir, le travail mené sur cette cuvée.

Pour faire connaître ces vigneronnes, nous sommes accessibles et authentiques. Le vin, c’est du partage, de la convivialité et ça ne devrait pas être un sujet élitiste. Nous nous amusons avec les étiquettes. Ainsi chaque portrait de vigneronne est réalisé par une artiste. Et pour montrer l’expertise de nos vigneronnes, rien de tel que des cuvées qui sortent des sentiers battus : muscat sec d’Alsace avec Laure Adam, 100 % mourvèdre du Languedoc avec Anne Laure Borras, Côtes de Provence blanc avec Roselyne Gavoty, Saumur Champigny sans sulfites ajoutés avec Amélie Neau…

Le monde du vin peut sembler opaque : manque de traçabilité, pas de visibilité du producteur… Nous voulons balayer tout cela pour créer un vin sans concession, qui soit humain et engagé.

Par exemple sur chaque bouteille, on peut lire le nom entier de la vigneronne ainsi que sa société, mais aussi nous les valorisons sur les réseaux sociaux. Des actions simples mais qui pourtant sont souvent occultées par les marques de vin.

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