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Entreprises

Industrie : le secteur peine (encore) à se féminiser

Même si la célèbre affiche américaine de "Rosie la riveteuse", avec son bandana rouge à pois blancs et son poing levé, est devenue une icône de la lutte féministe, en France, l'industrie peine encore à recruter soudeuses ou techniciennes photovoltaïques.

Au total, les femmes ne représentent que 30% des salariés de l'industrie et à peine plus de 15% de ses cadres dirigeants, déplorent en coeur les responsables industriels et politiques du pays à l'occasion du salon Global Industrie à Lyon.

"Dans les entreprises, les femmes sont souvent dans les ressources humaines ou les fonctions support comme la communication, plus on va vers les lignes de production, plus le chiffre est bas" reconnait Alexandre Saubot, président de France Industrie, l'organisme qui représente le secteur, et patron du groupe Haulotte (Matériels élévateurs).

Pourtant, Ammana Kehalia, 20 ans, a trouvé sa voie : "radiologue des objets". Elle va commencer une formation pour contrôler la qualité de soudures sur des pièces de métal grâce à des machines "à rayons X". "Un métier de responsabilité, où il faut lire beaucoup d'études, ça me plait".

Après une scolarité cabossée - troisième redoublée, CAP coiffure inachevé - la jeune Lyonnaise, passée par l'Ecole de la deuxième chance E2C, doit intégrer cet automne le campus Industreet à Stains (Seine-Saint-Denis).

"Réparer quelque chose de cassé"

Ouvert l'an passé par la Fondation Total Energies, il accueille sa deuxième promotion de jeunes, âgés de 18 à 25 ans en décrochage scolaire, dans un département où le chômage des jeunes dépasse les 20%, pour des formations industrielles.

Cette semaine, Ammana a rencontré la ministre déléguée chargée de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, venue à Lyon encourager les filles scientifiques à s'orienter vers l'industrie. Ammana lui a demandé de "surtout mieux informer" les élèves très jeunes sur ces débouchés.

"Depuis toute petite, j'étais intéressée par le manuel, la mécanique, il y avait un garage près de chez moi à Vénissieux (banlieue de Lyon), j'y allais toute seule, j'étais passionnée par l'idée de réparer quelque chose de cassé", raconte-t-elle. Mais au moment de l'orientation, Ammana a été incitée à choisir un "métier de fille": coiffeuse. Ce fut un échec sur toute la ligne.

Inas Kaci, 21 ans, en master informatique à la Sorbonne à Paris, se dit, elle, "frappée" par "le très faible nombre de filles" dans sa promotion de matheux : 4 sur 32. Même phénomène dans beaucoup de promotions d'ingénieurs.

Les stéréotypes de genre ont la vie dure, même si beaucoup a été mis en oeuvre dans l'Education nationale pour s'en affranchir dès la petite enfance. Par ailleurs, les études montrent que si elles sont meilleures élèves, les filles ont statistiquement moins confiance en elles.

Faire bouger les mentalités dans le monde professionnel

"Ce n'est pas la fac qui fait ça, on dirait que ça se fait naturellement, mais je ne comprends pas pourquoi", dit Inas. La jeune fille milite à l'association Elles Bougent dont des représentantes ont également rencontré Mme Pannier-Runacher à Lyon.

"Alors que nous voulons relancer l'économie et faire de la France un pays plus écologique, compétitif et solidaire, il est impossible de faire l'impasse sur 50% de nos talents" soutient la ministre qui se dit déterminée à "faire bouger les mentalités dans le monde professionnel". Aussi bien au nom de l'égalité des chances que de la compétitivité des entreprises.

"La diversité donne plus de performance à toute organisation, et la plus facile à mettre en place est d'abord la féminisation", estime Mme Pannier-Runacher. "Si on prend toujours les mêmes, on finit par reproduire des erreurs".

Frédéric Sanchez, président du groupe d'ingénierie Fives et responsable du Medef, présent lors de la rencontre, admet qu'il y a "des problèmes internes" dans les entreprises au moment des recrutements : "C'est sûr" dit-il.

"Je suis très insatisfait". Même en donnant des bonus aux chargés de recrutement pour des embauches féminines, "on n'y arrive pas". Pour lui, "c'est comme si des ingénieurs hommes de 40-50 ans étaient enclins à favoriser des hommes". Comme s'ils avaient du mal à faire confiance à des jeunes filles de 25 ans ou moins.

Avec AFP.

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