Charles Huet, co-fondateur de La Carte Française, première carte cadeau multi-enseignes dédiée au "made in France".
©La Carte Française
Entreprises

Charles Huet : "Le made in France est l’inverse de l’obsolescence programmée"

Pour mettre en avant le savoir-faire des entreprises et artisans français, une entreprise a créé une carte cadeau multi-enseignes dédiée au "made in France". Elle ne peut être utilisée que chez des commerçants, fabricants ou distributeurs, qui garantissent que plus de 70 % de leur catalogue est "made in France".

Une carte cadeau pour le "made in France", une première sur le territoire. Avec ses 50 000 produits issus de tous secteurs et 250 enseignes partenaires, la carte cadeau de La Carte Française veut pousser la consommation "made in France". ID s'est entretenu avec Charles Huet, son co-fondateur. 

Comment reconnaître le vrai "made in France" ?

Selon le code des douanes de l’Union européenne, il faut deux critères cumulatifs : un lieu d’assemblage, de production, de transformation, de confection en France, et une majorité ou une moitié au moins de la valeur ajoutée d’origine française donc. En réalité, la règle est assez claire. Ce qui pose problème, et qui a généré l’arrivée de pas mal de labels — privés, publics, nationaux, régionaux —, c’est que l’apposition est facultative, sauf sur l’alimentaire ou le transformé ; et que cela est auto-déclaratif. Mais de fait, nous constatons très peu de cas de tromperie.

Le vrai problème, c’est le francolavage.

La plupart des entreprises savent la responsabilité qu’elles engagent à mentir sur leur packaging. Le vrai problème, c’est le "francolavage", le "french washing" ou "blue washing". C’est-à-dire, toutes les marques et entreprises qui utilisent soit une charte graphique tricolore avec des symboles typiquement français comme la tour Eiffel, le coq ou le béret, soit des circonvolutions sémantiques pour ne pas dire strictement fabriqué en France, ou "made in France". Aujourd’hui, ces appositions sont gratuites pour les marques. Cela est gagnant d’un point de vue engagement sociétal de l’écrire. Et si elles ne veulent pas l’écrire, c’est qu’elles ne veulent pas s’en prévaloir, et donc que ce n’est pas "made in France".

La période que nous vivons actuellement pourrait-elle mener à une accélération du "made in France" dans les choix de consommation ?

Il y a une accélération de la prise de conscience. En revanche, nous sommes toujours face au même problème, celui du passage des paroles aux actes, du constat à l'action. Le sujet a progressé culturellement. Mais les couturières, ouvriers ou usines, ne vivent pas de chroniques, likes, partages et tapes dans le dos. Ils vivent de commandes, du passage à l’acte d’achat, des choix des magasins et des cadeaux. Aujourd'hui, ce n’est pas plus simple qu’hier car il y a paupérisation de la population, parce que le "made in France" est peu connu et moins bien distribué que les grandes enseignes internationales. Et marginalement, il est plus cher sur un certain nombre de secteurs. Ce qui n’est pas toujours vrai pour l’alimentaire et la cosmétique, mais dans l’habillement et l’équipement de la maison c’est un petit peu plus cher.

Notre mission est de proposer des outils et des services pour aider nos concitoyens à franchir le pas."

Nous sommes sur un gros sujet de prise de conscience très forte et en croissance, mais le passage à l’acte toujours aussi difficile, compliqué et lent. Chez La Carte française, notre mission est ainsi de proposer des outils et des services pour aider nos concitoyens à franchir le pas.

Quel peut être le déclic de ce passage à l'acte ?

Ce qui peut être un déclic, c’est Noël. Le moment de l’année où nous faisons le plus chauffer la carte bleue et où nous pouvons avoir un impact très concret. Nous avons choisi le marché de la carte cadeau multi-enseignes car ce sont cinq milliards d’euros qui sont distribués chaque année en carte cadeau. En particulier par les comités d’entreprise qui ont à leur tête des élus syndicaux qui toute l’année se battent contre les délocalisations et pour le financement de notre modèle social. Jusqu’à présent à Noël, ils n’avaient pas d'autre choix que d’offrir des cartes cadeaux multi-enseignes à dépenser chez Amazon, Zara, Toys’R’Us et autres grandes enseignes multinationales qui ne proposent que des produits importés. Donc là, nous avons pour le coup ce budget du Comité Social et Économique, qui ne sort pas de la poche des élus.

Plus d’un milliard d’euros chaque année distribués en chèques-cadeaux."

C’est la loi qui impose aux entreprises d’y affecter une part de leur masse salariale. Ils ont donc un pouvoir important, c’est plus d’un milliard d’euros chaque année qui est distribués en chèques-cadeaux. Et à budget constant, flécher vers le "made in France" avec La Carte Française ou avec nos coffrets cadeaux, peut être un vrai levier concret à la main des 50 000 comités d’entreprise du pays. Nous offrons un coup de pouce budgétaire à une marque qui manque de notoriété. Mais il faut que cela vienne aussi du consommateur, avec sa carte bleue. Il n’y aura que ce passage à l’acte bancaire et en caisse qui aura un effet sur la relocalisation, sur la réindustrialisation du pays. Nous allons d'ailleurs sortir en collaboration avec Smartbox un nouveau produit. Il s'agit d'un coffret cadeau dédié au "made in France", à 50 euros.

En passant par votre carte cadeau ou une autre, les consommateurs peuvent-ils avoir des surprises sur le savoir-faire ou des innovations spécifiques au "made in France" ?

Bien évidemment. Le "made in France" a une forte aspiration de qualité qui est très souvent au rendez-vous. Les entreprises qui ont conservé leur atelier en France ont survécu largement par leur haute qualité et leur haute innovation. Il y a énormément de nouvelles entreprises et de start-up qui ont en plus du "made in France" un engagement écologique. Vous avez par exemple Coureur Du Dimanche qui fait des équipements sportifs avec des bouteilles en plastique recyclées et ramassées dans les mers. Payote fait également des espadrilles sur ce mode-là. Vous avez beaucoup d’acteurs du textile qui font du recyclage, de l'upcycling et qui réutilisent des matières locales, que cela soit du lin ou du chanvre. Il y a aussi dans l'électroménager Daan Tech qui reproduit et fabrique en France un lave-vaisselle extrêmement compact, extrêmement performant et qui est le moins consommateur d’eau du marché mondial. Vous avez DeVialet qui fabrique en France des enceintes hi-fi reconnues comme ayant la meilleure qualité au monde. Énormément de produits sont de grande qualité avec des grands engagements environnementaux et très durables. Le "made in France", c’est l’inverse de l’obsolescence programmée. C’est qualitatif, durable, innovant et souvent très écologique.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab :

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