Café, salade, chocolat, pomme de terre… Ils sont presque tous concernés. Dans leur étude, les chercheurs affirment que les épisodes climatiques extrêmes se traduisent par une hausse ponctuelle, allant d’un à plusieurs mois, des prix des matières premières.
"De récentes analyses économétriques confirment que des températures anormalement élevées provoquent directement une hausse des prix sur les produits alimentaires, car elles engendrent des pénuries de production agricole et ainsi une inflation des matières premières", soutient Maximilian Kotz, chercheur au Barcelona Supercomputing Centre et coordinateur de l'étude.
Des hausses de 16 à 300 %
Pour dresser un portrait de ces perturbations économiques à l’échelle mondiale, les chercheurs ont suivi plusieurs évènements climatiques extrêmes survenus entre 2022 et 2024. En tout, l’étude s’est concentrée sur 16 pays répartis sur les cinq continents. Chacun a connu une augmentation d’au moins 16 % d’un produit ou d’une catégorie d’aliments par rapport à l’année précédente au calcul. Certaines catégories atteignent les 300 %.
Les chercheurs ont remarqué que ces hausses surviennent généralement après trois évènements climatiques extrêmes : les épisodes de fortes chaleurs, les sécheresses et les précipitations intenses. Les plus récentes ont toutes dépassé les records enregistrés avant 2020.
À titre d’exemple, en Afrique du Sud, les prix du maïs ont été 36 % plus chers en avril 2024 après une canicule en mars. Au Mexique, les fruits et légumes ont connu une augmentation de 20 % en janvier 2024, alors que de fortes sécheresses avaient affecté le pays en 2023.
Et cela n’arrive pas qu’aux autres. Le prix de la pomme de terre a augmenté de 22 % entre janvier et février 2024 au Royaume-Uni, après un hiver particulièrement chaud et humide. "L’Espagne assurant plus de 40 % de la production mondiale d’huile d’olive, les sécheresses sans précédent ayant touché le sud de l’Europe en 2022–2023 ont entraîné une hausse des prix de 50 % en glissement annuel dans l’ensemble de l’Union européenne en janvier 2024, s’ajoutant aux augmentations déjà enregistrées l’année précédente", constate le groupe de chercheurs.
Un enjeu politique
La hausse des prix sur les produits alimentaires, directement liée au changement climatique, est la seconde cause la plus citée par l’opinion publique, après les fortes chaleurs.
Les conséquences sont d’ailleurs diverses et nombreuses. "Cela va de l’aggravation des inégalités économiques et de la pression accrue sur les systèmes de santé jusqu’à la déstabilisation des systèmes monétaires et politiques", liste Maximilian Kotz.
La première répercussion est sociétale. L’accès à la nourriture sera de plus en plus difficile, ce qui participe notamment à l’aggravation de l’insécurité alimentaire, en particulier pour les foyers à faibles revenus. Ils sont en effet plus susceptibles de se priver "en achetant moins ou en se tournant vers des alternatives moins chères, typiquement des aliments nutritifs comme les fruits et légumes, qui sont des sources de calories plus coûteuses", rappellent les chercheurs.
Au-delà de la dégradation des niveaux de vie pour de nombreuses personnes, il existe également des enjeux de santé publique. Selon l'étude, "les maladies liées à l’alimentation étant responsables de plus de décès que tout autre facteur, les hausses de prix induites par le climat pourraient ainsi aggraver toute une série de problèmes de santé, allant de la malnutrition et de ses comorbidités associées […] à diverses maladies chroniques liées à l’alimentation, notamment les cardiopathies coronariennes, le diabète de type 2 et de nombreux cancers".
Dans un marché mondialisé, la pénurie de certains produits nationaux peut affecter le marché global. Par exemple, le Ghana et la Côte d’Ivoire produisent 60 % du cacao dans le monde. En raison de fortes sécheresses couplées à des périodes de canicules en début d’année 2024, les prix ont augmenté d’environ 300 % dans le monde en avril par rapport à l’année précédente.
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De plus, l’insécurité alimentaire est liée aux troubles et tensions politiques. "Ces liens sont renforcés par des preuves montrant une relation solide entre les prix alimentaires et les troubles sociaux à l’échelle mensuelle." Si l'étude prend pour exemple le cas des Printemps arabes en 2011 aggravés par la famine, c’est aussi le cas actuellement en Éthiopie ou encore en Syrie.
Dans leur rapport, les chercheurs appellent désormais à "faciliter l’adaptation et renforcer la résilience face aux risques sociétaux généralisés qui peuvent découler des hausses des prix alimentaires induites par le climat". Pour eux, cela passe par l’adoption de "politiques qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et limitent le réchauffement climatique", notamment dans le domaine agricole.