La Gemme, la monnaie locale de Gironde, a commencé à circuler en 2023.
© La Gemme
Economie

2023, l'année des défis pour la gemme, monnaie locale girondine

Après un lancement mitigé en 2022, la monnaie locale de Gironde, la gemme, déploie de nouveaux projets pour accélerer son développement dans le département.

Née de la fusion entre la miel, venue de Libourne (Gironde), et l'ostrea du bassin d'Arcachon, la gemmemonnaie locale de toute la Gironde, a été lancée en juillet 2022. Début 2023, le bureau a fait peau neuve et vu plus grand. En s'inspirant des "motivations et des raisons du succès de l'eusko" (monnaie du Pays-Basque), le modèle économique et les orientations de ce qui deviendra la gemme se sont progressivement mis en place depuis janvier, explique Yannick Lung, co-président de la gemme. Pour conclure l'année, la monnaie girondine s'associe aux collectivités et associations pour se développer davantage.

Comme dans 40 % des cas selon une étude de 2020, la gemme est à l'initiative d'un collectif de citoyens regroupés en association. Dans sa charte, on retrouve les principes fondateurs des monnaies locales : favoriser une économie locale et circulaire, endiguer la spéculation financière, participer à un projet citoyen. "L'accent est mis sur la proximité, les enjeux écologiques et la réappropriation citoyenne de la monnaie", confirme Yannick Lung. 

Un démarrage au ralenti 

Héritière de la miel lancée en 2013 et de l'ostrea en 2017, la gemme a pu compter sur un réseau déjà existant de 350 professionnels et de 1000 particuliers adhérents. Aujourd'hui, elle s'échange entre 80 professionnels et 130 particuliers de Gironde. Toutefois, "entre ses deux chiffres, il y a quelque chose d'intermédiaire car beaucoup de prestataires continuent d'accepter la monnaie locale sans avoir renouvelé leur cotisation". Idem dans le camp des particuliers, ce qui fragilise la structure de l'association. 

Pour pallier cette dépendance aux cotisations, la gemme est accompagnée par le mouvement Sol dans le développement de stratégies de changements d'échelle. Yannick Lung admet les faiblesses à résoudre : "Évidemment, les gens y adhèrent s'ils ont le sentiment que ça sert à quelque chose. Pendant longtemps à Bordeaux, il y a eu beaucoup de prestataires et peu d'utilisateurs, pourquoi ré-adhérer quand on ne voit pas la couleur du projet ?", s'amuse-t-il. 

La valeur en circulation reste pour le moment faible : "En réalité, on n'a pas encore réussi à vraiment décoller. Le but est de dépasser le seuil auquel étaient confronté d'autres monnaies." Un seuil de 100 000 euros équivalents en circulation qui permettra à l'association d'estimer l'activité nécessaire pour couvrir les charges salariales. Ambitieuse, la gemme espère fédérer 150 professionnels et 300 particuliers d'ici la fin de l'année grâce à de nouvelles initiatives et un soutien de la part d'acteurs. 

Les e-gemmes débarquent en Gironde durant l'été

En juin 2023, la monnaie girondine est passée au numérique grâce au lancement d'une application pour convertir ses euros et régler depuis son smartphone. Bien que tous les prestataires ne soient pas encore équipés, Yannick Lung "compte sur la facilité d'usage du numérique pour étendre la gemme dans tout le département". Se rendre dans un comptoir de change ou bureau de l'association constituait un obstacle à la circulation des gemmes. Le passage au numérique est donc un incontournable pour s'ancrer dans le territoire.

Souvent confidentielles, les monnaies locales peinent à sortir des relations entre professionnels et particuliers d'un même quartier. Les commerçants ne payant pas leurs fournisseurs en liquide, ils reconvertissent leurs gemmes, rompant ainsi le circuit économique local. "Le support numérique est la condition sine qua non de la réussite et pérennité d'une monnaie locale", car plus la monnaie circule sur le territoire, plus elle crée de la richesse.

Le soutien des collectivités comme tremplin 

La gemme s'est trouvée au premier semestre 2023 dans "une phase où elle avait un besoin important des collectivités pour démarrer l'activité" avant que la région, le département, Bordeaux, Bègles et La Réole ne s'engagent auprès de l'association. Avec un budget de 100 000 euros, elle espère atteindre 75 % d'auto-financement pour couvrir les frais de structure d'ici 2026.

Pour inciter les Girondins à se convertir, à la très investie mairie de Bordeaux, une quinzaine d'élus volontaires perçoivent une partie de leurs indemnités en gemmes. "On développe un plan annuel avec la mairie qui vise à étendre l'usage vers d'autres régies. Pour le moment, on expérimente", explique Yannick Lung.

À la rentrée, la gemme et l'association CREPAQ lancent une sécurité sociale de l'alimentation pour 150 étudiants des universités et écoles privés bordelaises. Le projet, financé grâce aux cotisations, aux subventions régionales, de la métropole, de la ville et de fondations, permet de soutenir l'aide alimentaire aux étudiants pendant 9 mois et couvrir l'intégralité des charges. Ateliers et débats seront organisés durant l'année pour modifier les pratiques alimentaires estudiantines, l'occasion également d'élargir le public-cible de la gemme.

Financement participatif, subventions, version numérique et accompagnement associatif : tous les ingrédients sont réunis pour faire décoller la monnaie locale girondine au second semestre 2023.

Retrouvez la liste des monnaies locales citoyennes actives en France sur notre site.

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