L'événement Contremarques se tient du 12 au 16 décembre 2018 à la galerie Kogan (Paris 3e).
©Contremarques
Chronique culture

Contremarques : une galerie éphémère réunit marques et artistes engagés

Du 12 au 16 décembre à Paris, Contremarques inaugure son premier "purpose store" rassemblant marques responsables et artistes engagés. Un concept prometteur, qui questionne notre modèle de consommation.

Interview croisée avec les fondateurs de l'événement, Sami Kadiri (avec Influence for Good, il met son expertise au service des marques en quête de sens) et Loïc Fel (spécialiste de la philosophie de l'écologie, co-fondateur de l'association COAL).

Vous avez inauguré cette semaine le premier purpose store, une boutique qui mêle objets éthiques et œuvres engagées. Ça a du sens de réunir des marques et des artistes dans un endroit commun ?

Sami Kadiri – C’est vrai qu’au départ, il pouvait y avoir une petite appréhension, qui venait surtout du monde de l’art, de se retrouver dans une configuration un peu plus "commerciale" au sens péjoratif du terme. Mais nous avons cherché à ce qu'il y ait, à la fois chez les marques et chez les artistes, une forme d’engagement en commun, une base d’idées communes, des valeurs d’authenticité et de responsabilité partagées. C'est cela qui crée une ligne directrice, qui fait qu'ils arrivent à se rattacher à un discours et à coexister dans un même espace.

Loïc Fel – Ce qui a aussi permis de faciliter la collaboration entre marques et artistes, c'est le choix et l'histoire du lieu : un endroit dédié à la culture, à la fois galerie d'art et studio photo. Et bien sûr, que les artistes aient une totale carte blanche. On les a incités à justement questionner le modèle de consommation. Ils ont quasiment tous travaillé sur la question des multiples : quelle est la différence entre produire une œuvre en série, un multiple, et un objet en série, et devenir une marque ? L'une des artistes, Pauline Avrillon, pour son œuvre Terre de Corse, a fabriqué une série de pastels en terre corse, qui sont en fait également des objets d'usage puisqu'on peut dessiner avec. On a voulu explorer, jouer avec cette frontière très ténue.

Terre de Corse, 2018
©Pauline Avrillon

Comment faire pour que la culture retrouve la place qui lui est due, qu'elle vienne éclairer ou embarquer la créativité des artisans, des industriels et des marques ?

La culture a-t-elle un rôle à jouer dans nos modes de consommation ?

LF – Pour nous, c'est essentiel. Nous travaillons tous les jours sur la question des changements de comportement, essentiellement via les secteurs de l'immobilier ou bien les marques. Mais on sait bien que ce qui compte vraiment finalement, c'est la culture. C'est le point de départ. Parce que nos choix de consommation et nos modes de vie sont déterminés par nos représentations, c'est-à-dire ce qui est culturellement valorisé : est-ce avoir une grosse voiture, un grand appart et partir en vacances au bout du monde tout le temps ? Ou une vie plus sobre et focalisée davantage sur les relations humaines ? Les artistes contribuent à déterminer nos codes, puisqu'ils sont créateurs et vecteurs de culture.

Comment avez-vous sélectionné les artistes présentés ?

LF – Cela fait 12 ans que j'ai co-fondé COAL, une association qui promeut le développement durable par les arts plastiques. C'étaient donc des artistes que je connaissais déjà, dont je savais l'ouverture d'esprit et l'engagement. L'objectif, c'était de choisir des artistes qui joueraient le jeu – car on leur demande un sacré engagement : ils ont produit des œuvres ou réactivé des projets spécifiquement pour Contremarques, ils sont physiquement présents sur l'événement…

SK – Il y avait une envie, pour la plupart de ces artistes, de pouvoir être représentés dans des cadres différents. Ce sont généralement des artistes cotés, mais rarement exposés en dehors de festivals ou du prix COAL par exemple. Ils ont trouvé ça très intéressant de se confronter au regard de passants qui visitent le lieu sans forcément s'attendre à se retrouver face à une œuvre d'art. Pendant l'événement, on organise aussi tous les soirs des soirées privées avec un public plus ciblé, composé de collectionneurs et d'acheteurs, du réseau COAL, Sustainable Brands, etc. Ils se retrouvent ainsi dans des configurations nouvelles, où ils peuvent exprimer et expliquer leur œuvre sans forcément qu'il y ait un temps qui leur soit imparti. Ils peuvent surtout aller à la rencontre d'un nouveau public. C'est le gros impact positif, et ce sont les premiers à nous dire qu'ils sont très contents de l'expérience et que finalement ça fonctionne vraiment bien.

"J'ai découvert une forêt de feu"
©Andrea Vamos

Au regard de ce concept, comment imaginez-vous les musées du futur ? Doit-on s'attendre à de plus en plus de lieux hybrides entre art et consommation ?

LF – J'ai l'impression que l'ensemble du secteur culturel tend vers quelque chose de ce genre – même s'il faut être prudent, la formule magique n'est pas encore trouvée. Ceci de deux manières : d'une part, on voit de plus en plus la présence d'activités marchandes dans les lieux culturels – un peu le contraire de Contremarques ! La Réunion des musées nationaux, par exemple, existe pour ça. Parce que ça soutient aussi le modèle économique des musées nationaux en l'occurrence. Tous cherchent à ce que la culture devienne un acteur économique performant et autonome. Bien sûr, on ne peut pas leur reprocher. Maintenant, comment est-ce qu'on fait aboutir l'expérience pour que la culture retrouve la place qui lui est due, c'est-à-dire qu'elle soit en amont de ces réflexions et de la création, qu'elle vienne éclairer ou embarquer la créativité des artisans, des industriels et des marques ? C'est cet aspect laboratoire qu'on espère trouver.

D'autre part, grâce à Contremarques, on a remarqué un phénomène qui émerge spontanément et dont on est très heureux : des artistes et des marques qui se sont rencontrés à cette occasion et qui lancent des collaborations. Par exemple, Pauline Avrillon et la Petite Papeterie Française ont commencé à travailler ensemble sur un projet entre les pastels et les papiers adaptés, parce qu'elles se sont découvertes l'une l'autre dans notre dossier de presse. Il y a d'autres chances de futures collaborations.

Comptez-vous prolonger cet événement ?

SK – Étant donné le démarrage en force ce mercredi, on pense sérieusement à refaire un événement vers début juin, avec de nouvelles marques et de nouveaux artistes. Dans un deuxième temps, l'idée est de réfléchir à des formats encore plus originaux, dans des espaces différents (on pourra imaginer des espaces un peu plus privés, en appartement, dans d'autres galeries), afin d'explorer cette question de la culture sous un angle plus approfondi : un Contremarques spécial artistes sur ce questionnement sur la consommation.

Contremarques
Du mercredi 12 au dimanche 16 décembre 2018
Galerie Kogan, 96 bis rue Beaubourg 75003 Paris
Pour plus d'informations, cliquez ici.

Les artistes : Pauline Avrillon, Fabien Cosson, Philippe MundaJulie NavarroAnna Katharina ScheideggerAnaïs Tondeur

Les marques : 17H10BAUME, BlackHats Paris, Ça va barber, La Petite Papeterie Française, Lamazuna, Litote Paris, Noah Vegan Shoes, Wildproject Éditions, Fleurivore, FAIR., Muskhane, Yawama of Sweden, Umaniwear, Bloon, Dressarte Paris

Retrouvez toutes nos propositions de sorties culturelles (et durables) dans notre agenda participatif.