Le pianiste Patrick Scheyder est le créateur du spectacle L'Écologie en chantant.
©Florent Mahiette
Culture

L'écologie culturelle, ou comment "convaincre par la beauté"

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Le pianiste Patrick Scheyder crée des spectacles sur le thème de l’écologie depuis plus de 15 ans. À l’occasion de la Nuit Blanche, il présentera sa dernière création, L’Écologie en chantant. 

La Nuit Blanche, une soirée consacrée aux arts contemporains organisée dans les rues de Paris, aura lieu cette année le 7 juin. Parmi les nombreux événements proposés, L’Écologie en chantant, créé par le pianiste Patrick Scheyder, mettra les luttes écologiques à l’honneur devant l’Académie du Climat, à partir de 21h. 

Le pianiste sera accompagné d’une dizaine d’autres artistes, dont l’activiste Thomas Braille, connu pour sa mobilisation contre l’autoroute A69, et le rappeur César, tout juste âgé de 12 ans. Entretien avec Patrick Scheyder. 

Pourquoi présenter un spectacle sur l’écologie ? 

Je travaille avec l’Académie du Climat depuis trois ans. L’année dernière, j'ai créé un spectacle emblématique de ce que je fais, qui s'appelle Éloge de la forêt, une sorte de nouveau conte écologique

On l'a représenté lors de la Nuit blanche, un événement où on joue dehors, devant un public divers, pas uniquement des gens sensibilisés à l’écologie. C’est ça que l’on veut : ne pas jouer dans des salles mais dehors, pour que ce soit offert à tout le monde.

Ça avait super bien marché alors on s’est dit : "Allons plus loin !". La chanson, c'est ce qu'il y a de plus répandu. Tout le monde aime ça, quel que soit le type de chanson. C'est comme ça qu'est née une écologie à ciel ouvert, qui n'est pas réservée à des connaisseurs, une écologie populaire

Comment va se dérouler le spectacle du 7 juin ? 

Âgé de seulement 12 ans, César se décrit comme un "rappeur climatique".
©Johanna Krawczynski

L'idée, c'est de faire un objet artistique très séduisant. Le spectacle est complètement multiculturel et transgénérationnel. J'invite aussi bien le jeune rappeur climatique César, qui doit avoir 12 ans, que Nach, la sœur du chanteur -M-, qui doit avoir une quarantaine d’années. Moi, j’en ai 65. Donc différents âges et différentes sensibilités. 

Je travaille aussi avec iMan, le compositeur du célèbre rappeur Damso pour créer une musique entre pop, rap et classique de mon côté. Thomas Braille fait plutôt quelque chose qui touche au rock. Mais il a aussi un moment très touchant où il lit une lettre à son fils, dans laquelle il lui explique qu'il fait tous ses combats pour lui. 

Il y a plein de choses surprenantes et étonnantes qui font que, même si on déteste l'écologie, on trouvera ça quand même beau. C'est très important, parce que si on veut convaincre par la beauté, il faut que ce soit quelque chose de très abouti, à la fois dans l’humour et le drame. 

Vous êtes aussi à l’origine d’un mouvement appelé l’écologie culturelle. Pourquoi avoir créé cette initiative ?

L'idée, c'était de rapprocher la culture de l'écologie pour qu'il y ait une meilleure compréhension de celle-ci, parce qu'au fond, tout le monde n'est pas censé avoir fait des études ou aimer les données scientifiques. Par contre, qui n'aime pas la chanson, qui n'aime pas la musique ? Je pense qu'il faut banaliser l'écologie, sortir des seules explications scientifiques ou politiques pour faire sentir les choses aux gens, que ce soit incarné.

Je pense que le message de l'amour du vivant, c'est un message qui est absolument éternel. Et qu'on ne fait que reprendre le flambeau finalement. On n'invente rien.”

Mais on souhaite avant tout montrer qu'on peut faire une écologie heureuse. Qu'au-delà des luttes et des difficultés, il y a la volonté, et c'est pour ça qu'on lutte d'ailleurs, de mieux vivre, d'avoir un bonheur de vivre avec l'écologie.  

Pourtant, quand on parle d’écologie, on parle aussi beaucoup d’éco-anxiété. 

L'éco-anxiété se propage parce qu’on a l’impression que les perspectives d'avenir n'existent pas. Alors que c’est dans ces moments délicats qu’il ne faut pas abandonner et les dessiner ensemble. L'art peut servir à donner des points de repères. Elle a toujours servi à passer des messages très forts qui nous habitent encore.

Lors de la guerre d'indépendance de l'Italie, la rue s'est emparée d'un morceau d'opéra de Verdi, le Risorgimento. C’est devenu l’emblème de la liberté retrouvée. C’est dire combien une chanson ou un air peuvent être déterminants. C'est pour ça qu'il y a des hymnes. 

Ils ont une utilité politique et sociale très importante. On l’oublie quand tout va bien parce qu'on se dit que tout ça, c'est dépassé. Mais quand les choses se gâtent, on se rend compte qu'il y a une utilité à tous ces rites. 

À quel point l'écologie peut-elle être transgénérationnelle ? 

C’est un combat qui n’est finalement pas nouveau. Georges Sand a sauvé la forêt de Fontainebleau de l’abattage dans les années 1870. Victor Hugo a écrit des textes incroyables, décrivant les arbres comme des monuments historiques, qu’il faut préserver comme nous préservons Notre-Dame. 

Dès la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque la Révolution industrielle est en marche forcée, il y a un vrai éveil des consciences. Ce qui est intéressant, c’est que les scientifiques n’étaient pas encore présents dans le débat. C’était les artistes qui s’exprimaient. 

Finalement, j'ai aussi appelé mon mouvement l’écologie culturelle parce que l’écologie, c’est notre culture. Elle n’est pas tombée du ciel il y a 30 ans avec le réchauffement climatique.  

C'est sur ce sujet-là qu'on peut aider la jeune génération, parce qu’il y a des antécédents à ses inquiétudes et ses espoirs. Il y a toujours eu des luttes pour défendre la nature et les jeunes en sont les héritiers. On a besoin de leurs espoirs et on a besoin de les guider dans leurs espoirs. Ce tuilage des générations, c'est ce qui fait une société. Nous, on peut apporter notre recul, mais les jeunes ont les idées nouvelles.