Les étudiants de la Casa 93 à la marche pour le climat. Paris, 15 mars 2019
©Nadine Gonzalez
Chronique culture

Casa 93 : "La mode a un rôle à jouer comme vecteur de transformation sociale"

Installée à Saint-Ouen depuis la rentrée 2017, la Casa 93 est une école pas comme les autres : gratuite, accessible à tous, elle donne une chance aux jeunes talents en difficulté scolaire ou financière, en promouvant une mode éco-responsable, engagée et solidaire, loin de la fast-fashion.

Du 15 mars au 27 avril, en partenariat avec la boutique Manifeste011 à Paris, est organisée une grande collecte de vêtements destinés à être upcyclés par la promotion d'étudiants. La collection collective donnera lieu à un défilé avant d'être mise en vente, et les bénéfices reversés à Fashion Revolution et à l’association ModaFusion.

Interview avec la fondatrice et directrice de la Casa 93, Nadine Gonzalez.

En quoi consiste la collecte organisée en ce moment à Manifeste011 ?

Nadine Gonzalez : C’est la deuxième collecte de vêtements qu’on organise avec Manifeste011, après une première l’année dernière. Avec Judith et Maud Pouzin [les fondatrices de la boutique], on s’est rencontrées dans le mouvement Fashion Revolution et on a eu un coup de cœur, on a voulu faire quelque chose ensemble. Cette année, la collecte dure sur une longue période pour sensibiliser au maximum le grand public : elle a commencé ce 15 mars à l'occasion de la marche pour le climat, et se termine au moment de la Fashion Revolution Week fin avril.

Cela s’inscrit surtout dans une action pédagogique : les jeunes de la Casa 93 créent leur collection à partir des pièces récupérées, ils la montrent aux professionnels de la mode puis elle se retrouve en boutique. Il va donc falloir qu’ils travaillent sur leur création de A à Z, du concept jusqu’aux clients, en passant par le défilé. Il y a toute une partie production, prix, mise en valeur dans la boutique, visuel merchandising, communication, compréhension du consommateur…

C’est l’unique collection de l’année de la Casa 93 ?

Chaque année, on a une collection collective avec une marraine, qui accompagne les étudiants de janvier à juillet. L’an dernier, c’était Maroussia Rebecq de la marque Andrea Crews, cette année c’est Christelle Kocher (Koché). Elle sera présentée le jeudi 4 juillet à 19h à la serre pédagogique de Saint-Ouen. Le thème est encore une surprise.

En parallèle, ils travaillent en groupes de cinq sur des "projets spéciaux" dont le but est de les ouvrir à d’autres métiers créatifs possibles : mode et art, théâtre (avec un metteur en scène sur la création de costumes mais aussi sur la scénographie d’une pièce), cinéma (sur un festival de fashion films), danse (sur un spectacle engagé qui mélange mode, musique et chorégraphie, qui sera joué au Centquatre). Et bien sûr il y a tous les projets upcycling, dont celui La Redoute sur le même thème que la collection collective : à partir de pièces sélectionnées de stocks d’invendus, ils travaillent sur des looks 100% upcycling. Il y aura un concours Instagram au mois de juin.

L’upcycling est une valeur forte de l’école depuis le début ?

J’ai vécu 12 ans au Brésil [où elle a monté une association d’aide aux jeunes des favelas par la mode, ndlr] et là-bas on a toujours travaillé sans ressources, en recyclant, donc on a toute une technique. C’est une autre façon de penser la mode.

Dans l’idée, il y a déjà tellement de surproduction qu’on ne veut rien acheter ou produire en plus, mais faire avec ce qu’on a sous la main.

À l’école, on a plein de donations de tissus de la part d’entreprises comme Chloé ou Hermès. Toute la formation porte là-dessus, avec des cours d’upcycling en atelier. Tous leurs projets ainsi que la collection collective doivent obligatoirement être en upcycling. On travaille aussi avec Les Déchets d’Arts pour ennoblir des déchets. Cela fait vraiment partie de la pédagogie de l’école.

Cela ne bride pas la créativité ?

Non, c’est une autre sorte de créativité. Dans nos critères de recrutement, on valorise des jeunes qui veulent réinventer la mode, pas avec les codes du marché mais avec leurs propres codes, qui aient cette volonté d’engagement et de lutte contre la fast-fashion. C’est pour ça qu’on fait beaucoup de bourrage de crâne sur les valeurs humaines : on organise chaque samedi des tables rondes, autour d’une mode plus transparente, plus solidaire. On fait des missions solidaires dans l’année avec d’autres associations, pour les sensibiliser à d’autres formes de couture. On a même animé un atelier de couture upcycling auprès de jeunes footballeurs du stade Bauer à Saint-Ouen…

Quand on parle de mode plus responsable, on ne l’entend pas que dans le sens d’éco-responsable, il y a également cette valeur humaine, de partage.

Peut-on espérer un engouement de plus en plus important dans ce sens ?

Bien sûr, les millenials sont tous super engagés d’une façon ou d’une autre. La jeune génération en général a besoin de sens. Ils ont tout de suite ce sens de l’engagement responsable. Ils ont besoin de participer à la transformation du monde, de la planète, et donc en l’occurrence de la mode. La mode permet de délivrer plein de messages. La mode, et la création au sens large, ont un vrai rôle à jouer comme vecteur de transformation sociale.

Ce sont des sujets tellement sérieux et dramatiques que la mode apporte quelque chose de sexy, de positif, qui fait rêver.

Là on signe une convention de partenariat avec l’Institut français de la mode, issu de la réunion de l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne et de l’IFM, et qui va être la plus grande école de mode au monde allant du CAP au doctorat à partir de septembre 2020. Les étudiants de la Casa 93 pourront intégrer cette école avec des systèmes de bourse, gratuitement. Donc non seulement il y a un engouement de la part de cette jeunesse, mais les grandes écoles plus élitistes commencent aussi à s’ouvrir là-dessus. Nous sommes encore petits, mais nous voulons vraiment que nos jeunes soient de vrais transformateurs de la mode de demain. Même chez les mastodontes de la mode et de la couture, il est possible ramasser des chutes de tissus, d’upcycler, c’est juste une question d’organisation et de volonté.

Fashion upcycling Casa 93 x Manifeste011
Collecte du 15 mars au 27 avril 2019
Manifeste011, 14 rue Jean Macé 75011 Paris
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