Vous êtes astrophysicien ("pas écologue"), vous ne craignez pas de perturber encore un peu plus les thèses écologistes que certain.e.s tentent de remettre en cause en allant sur un terrain qui n’est pas le vôtre d’un point de vue académique ?
À dire vrai, je suis un peu las et très agacé de cette polémique. Elle est ridicule - et même obscène - pour plusieurs raisons :
1) L’état de la vie sur Terre est catastrophique. Tous les écosystèmes périclitent, les forêts brûlent, les espèces disparaissent, les océans se vident, les populations s’effondrent … et l’on tergiverse sur la pertinence universitaire des diplômes des lanceurs d’alerte ! C’est indécent.
2) Il n’y a pas de spécialiste littéral de la question qui nous préoccupe ici. Il faudrait être biologiste, physicien, économiste, écologue, géologue, climatologue, chimiste, politicologue, sociologue, éthologue, etc. Personne n’a toutes les "compétences" requises. La crise dépasse "infiniment" le problème du réchauffement climatique, qui est pourtant déjà immense.
3) Reproche-t-on à celui qui dénonce un crime de n’être pas juge ou policier ? C’est littéralement stupide.
4) En ce qui me concerne, j’ai toujours pris soin de bien spécifier que je n’était qu’un "passeur", que je m’exprimais en tant que simple humain. Ni mon doctorat d’astrophysique, ni mon doctorat de philosophie, ne me donnent ici la moindre légitimité. Je suis juste en droit - peut-être en devoir - de m’élever, en tant que vivant, contre les crimes de masses actuellement perpétrés à l’encontre de la vie et de l’avenir.
Justement, quel est votre regard sur les réseaux sociaux, est-ce un espace de discussion propice pour faire avancer la cause écologique ?
Twitter est ce que j’ai vu de pire en matière de débat et d’échange d’idées. C’est une abomination absolue. La pensée en 240 caractères n’existe pas : c’est la négation de la possibilité même de penser. Une contradiction dans les termes. C’est le règne abject du "clash" et du "buzz". Pire encore : une certaine presse semble se croire en devoir de relayer les hystéries de Twitter. Comme s’il ne fallait plus se référer au réel mais à son double twitté, hideux et atrophié. Voilà qui est effrayant : fermons nos comptes Twitter !
La parole s’use et il faut laisser la place à d’autres".
Facebook me semble plus apaisé et je l’utilise. J’ai peu d’espoir sur les manières de faire "avancer la cause" écologique. Chacun se bat avec ses armes. Les miennes sont les mots. Mais je reste en retrait : la parole s’use et il faut laisser la place à d’autres. Je refuse toujours l’immense majorité des propositions d’intervention.
Le constat que vous faites au début de votre livre donne un peu envie de rester sous la couette enfermé chez soi à regarder Netflix ! Cette idée d’effondrement sidère mais peut aussi pousser à l’action ?
Je ne crois pas à un effondrement spectaculaire et brutal, du jour au lendemain. Et je me tiens en retrait de la mouvance "collapsologue", que je respecte pourtant. Il n’en demeure pas moins qu’il est effectivement incontestable qu’une catastrophe est en cours. Ce n’est plus une crainte, c’est un bilan : 60 % des animaux sauvages ont disparu en 40 ans.
Posons-nous une question amusante : sur des échelles des temps géologiques, l'humain laissera-t-il une trace ? Un scorpion-géologue, dans 100 millions d’années, pourra-t-il savoir que nous avons existé ? Naturellement, toutes nos constructions seront balayées : des cathédrales aux usines, il ne restera rien. Et pourtant, il y bien un signe qui marquera le passage des humains sur Terre : la 6ème extinction massive. On verra, par les fossiles, que la vie a soudainement périclité sans aucune cause géologique ou météoritique. Voilà la trace que nous laisserons sur notre planète : un anéantissement vertigineux du vivant.
"Nos biens sont protégés par la loi, est-il acceptable que notre vie ne le soit pas ?", il semble manifeste que oui… Comment expliquez-vous ce constat terrifiant ? Vous parlez beaucoup de la loi, c’est cet outil qui peut être un levier d’évolution majeur ?
Je suis un peu perdu. Je ne sais plus. Plus on réfléchit, plus on se rend compte que tous les moyens d’action sont déjà neutralisés. L’ogre systémique dévore tout sur son passage. Je plaide maintenant pour un activisme fractal, c’est-à-dire déployé à toutes les échelles. Des micro-résistances disséminées ...
Aurélien Barrau, vous évoquez aussi la force des symboles, selon vous nous voulons plaire et cela peut tout changer ?
Je crois que nous agissons en partie pour être aimés. Il me semble que quand on aura intégré et fait savoir qu’une grosse voiture c’est aujourd’hui terriblement ringard et ridicule, plus personne n’aura envie d’en posséder. Nous sommes tous accrocs à la consommation et moi le premier ! Je compte sur le regard de l’autre pour nous aider à reconstruire nos valeurs et nos désirs. Je crains que cela ne suffise pas.
Il est démentiel d’agiter le spectre d’une 'dictature écologique'"
La crise est immense : il est impossible d’en sortir par un « ajustement », moins encore par un "miracle technologique". Tout notre rapport au réel doit être revu. Il faut inventer un devenir radicalement autre, c’est une tâche démesurée… Et vitale.
Il est démentiel d’agiter le spectre d’une "dictature écologique" : rien n’est plus éloigné de la pensée qui nous occupe. C’est à la fois très drôle et littéralement scandaleux. Certains sont manifestement prêts à tout pour éviter le changement qui nous sauverait. Les temps à venir seront difficiles : il faut que les forces de vie s’allient et que de nouvelles entraides et connivences émergent.
LE PLUS GRAND DÉFI DE L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ est paru chez Michel Lafon
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