Pierre Beffeyte est le président du Festival Off d’Avignon, l'un des plus grands festivals de théâtre et de spectacle vivant au monde.
©Cedric Delestrade/ACM-Studio
Culture

Affichage, plastique et consommation d'énergie : le Festival Off d'Avignon prend ses dispositions

Le Festival Off d’Avignon est le rendez-vous du théâtre en France. L'affichage sauvage participe au folklore de l'événement : il est apprécié parce qu'il transforme les rues de la ville en un véritable patchwork. Il est aujourd'hui nécessaire, d'un point de vue environnemental, de remettre cette tradition en perspective. Pierre Beffeyte, président du Festival OFF d'Avignon, nous expose les mesures envisagées pour amoindrir son impact écologique.   

Pouvez-vous me dresser un portrait chiffré du Festival Off d’Avignon ? 

Le Festival OFF brasse entre 100 000 et 200 000 festivaliers, il représente 1 600 spectacles par jour dans 200 théâtres. Ce sont 3,5 millions de places mises en vente pour 1 million de places vendues. 

Et en termes d’écologie...

Il est très compliqué d’établir des chiffres en matière d’écologie lorsque l’on a 1 500 compagnies qui font entre 200 et 2 000 affiches : on est à un minimum de 300 000 affiches, ce qui nous pose forcément un problème en termes d’écologie… Les théâtres tournent toute la journée puisque qu'il y a des spectacles en permanence durant le festival. De plus, les salles doivent être rafraichies avec la climatisation, le festival a lieu en été et les salles sur-chauffent à cause des projecteurs… En fait, pour n’importe quel chiffre, il faut le multiplier par 1 500, soit le nombre de compagnies, puis par 200 pour le nombre de théâtres. Cela représente énormément de problèmes à résoudre en termes d’écologie, mais pas uniquement. 

Qu’est-ce qui a fait que vous avez décidé de vous saisir de la question de l'écologie concernant le festival ? 

C’est d’abord une volonté de citoyens : le Conseil d’administration et moi-même sommes sensibles à ces questions. Ensuite, je pense qu’il y a une question de responsabilité. Nous ne pouvons plus être aujourd’hui, à la tête d’une structure culturelle, d’une municipalité ou encore d’un organisme quel qu’il soit sans se poser la question de notre responsabilité environnementale et du coup, de l’action que l’on peut mettre en place pour amoindrir notre impact. C’est quelque chose qui nous interroge depuis des années. Nous ne pouvons pas traiter la question écologique de manière parcellaire, parce que chaque chose en impacte une autre. Nous sommes de gros pollueurs concernant l’affichage, nous sommes de gros pollueurs concernant la consommation de plastiques, mais aussi en termes de mobilité - beaucoup de gens se déplacent, ce qui implique beaucoup de voitures. Et dès que la question de la mobilité est posée, on soulève la question de l’aménagement des territoires qui doit être partagée avec les collectivités territoriales…

Nous ne pouvons pas traiter la question écologique de manière parcellaire, parce que chaque chose en impacte une autre.

Avant, nous faisions de petites opérations isolées, notamment sur les plastiques puis à un moment, nous nous sommes dit que ce n’était pas de cette manière que nous devions positionner les choses. Nous sommes le plus grand festival de France, le deuxième plus grand festival du monde, nous avons un impact énorme, cela doit être traité dans une stratégie globale. C'est pourquoi nous avons mis en place un dispositif RSE qui repose sur trois choses : la responsabilité interne vis-à-vis de nos salariés, des artistes, des théâtres ; notre responsabilité vis-à-vis de l’environnement sur les questions d’écologie et enfin notre responsabilité concernant l’environnement au sens large, c’est-à-dire le territoire et les publics. Cette stratégie doit être développée sur cinq ans avec des objectifs fixés pour certains à court terme, pour d’autres à long terme. Mais elle durera sans doute toute la vie du festival parce qu’une fois que l’on s'engage dans ce sens, il n’est plus question de s’arrêter. 

Sur le court terme, quelles sont les décisions fortes que vous avez prises ? 

Nous posons la question de l’affichage, de sa suppression ou non. C’est une question compliquée parce qu’elle est difficile à mettre en place, elle est aussi très symbolique. Nous avons aussi signé la charte "Drastic on Plastic" qui nous permettra de mieux gérer la question de la pollution des festivals. À cela, est liée la distribution de l’eau, nous ne pouvons pas l'ignorer en période de canicule. Nous travaillons aussi à la mise en place de "parkings relais", développés par la municipalité. Bon nombre de dispositifs sont amorcés… 

Si l'affichage libre disparaît, n’appréhendez-vous pas que le festival soit dépourvu de son âme ? 

Il y a plusieurs manières de voir les choses : pour ce qui est de la question folklorique, je suis assez d’accord avec cela, mais sommes-nous encore en capacité de pouvoir dire : nous acceptons d’engendrer entre 50 et 60 tonnes de papier pour le festival ? Ce n’est pas anodin. Je ne pense pas qu’un responsable politique ou culturel puisse se dire aujourd'hui : pour du folklore nous l'autorisons. C'est une question d’urgence et de prise de conscience, la symbolique est importante et si nous prenons la décision de ne plus afficher, ce sera une décision forte. Elle traduira une volonté politique ainsi qu'une prise de conscience du monde dans lequel nous vivons. Nous n’ignorons pas les difficultés de mise en place que cela implique, pour la mairie par exemple. Mais en tant que citoyen et responsable des générations futures, je ne peux pas dire : "à l’époque, cela ne nous posait pas de problème de balancer 50 tonnes de papier pour le folklore". 

Face à l'urgence écologique, n’y a-t-il pas d’autres mesures à prendre concernant la production plastique, le gaspillage alimentaire, la consommation d’énergie notamment … Ne serait-ce pas plus utile de diriger les décisions à court terme vers ces thématiques-là ? 

Notre stratégie écologique repose sur quatre axes. Le premier ce sont les déchets, ce qui englobe la question des déchets papiers et plastiques qui sont les sources de pollutions importantes et visibles du festival. D'où la signature de la charte "Drastic on Plastic" qui impliquera l'adoption d'un certain nombre de gestes. Nous travaillons avec les commerçants avignonnais à la mise en place, dès cet été, d’un dispositif prévoyant la mise à disposition de gourdes, que les visiteurs pourront remplir dans n’importe quels magasins, plutôt que d’utiliser des bouteilles en plastique. Ensuite, il y a la question de l’eau pour équiper la ville de différentes fontaines à eau, cela relève de la municipalité. Puis il y a la question de l’alimentation, nous avons fait le choix du bio en circuit court sur le "village du OFF", aussi bien pour les artistes que le public. Concernant la consommation électrique des théâtres, c’est un très gros sujet, avec la mobilité c’est en cela que nous sommes les plus polluants. Nous travaillons avec des partenaires dans l’objectif de financer l’équipement des 200 théâtres en LED.

Nous avons fait le choix du bio en circuit-court sur le village du Off, aussi bien pour les artistes que le public.

L’affichage n’est donc pas le sujet le plus prégnant si l’on considère que c’est la thématique dans laquelle nous sommes les meilleurs, grâce au recyclage. Mais ça n’en demeure pas moins une réelle question de gaspillage. Ces affiches n’ont plus d'utilité en termes de communication, leur seul effet est celui de décorer la ville et c’est vrai qu’elles contribuent à l’âme du festival. D’autres festivals fonctionnent très bien sans. Est-ce que la ville aurait moins de charme sans ces affiches, je ne pense pas.

À ce jour, quelle est la position de votre association et que pourrions-nous attendre dans les prochaines semaines ou les prochains mois concernant l'affichage ?

Cela dépend de la mairie : le reste de l’année, l’affichage est interdit dans la ville. Il est autorisé par arrêté municipal pour la durée du festival. De notre côté, nous avons imaginé un dispositif de remplacement qui ne vise pas à supprimer l’affichage mais à identifier des zones dans la ville où il sera géré par nos soins, limitant ainsi les quantités d'affiches utilisées. C’est un dispositif sur lequel nous travaillons en collaboration avec la municipalité et qui sera mis en place cette année ou l’année prochaine. Nous essayons de trouver une solution collective qui n’ennuiera personne. La solution la plus adaptée, qui respecte, comme vous le disiez, le folklore et qui soit une vraie démarche écologique que les compagnies et nous-même revendiquons. La décision finale ne nous appartient pas d'autant qu'un vote est prévu dans quelques semaines.

Avez-vous eu des retours de compagnies qui participent au festival à ce propos ? 

Les compagnies sont, comme de nombreux citoyens, sensibles à ces questions. L’affichage n’est pas l’argument central chez nous, bien que ce soit effectivement un sujet visible. Elles sont sensibles au travail mis en place, elles nous accompagnent pour une grande majorité, sur ces décisions qui ont fait l’objet de consultation. Pour les compagnies, l'affichage représente un coût. Ensuite, les retombées en termes de communication ne se font plus forcément ressentir.

L’affichage n’est pas l’argument central chez nous, bien que ce soit effectivement un sujet visible.

Troisièmement, ce système d’affichage libre marque une profonde inégalité entre les elles parce qu’aujourd’hui, une compagnie qui a les moyens d’investir dans 2 000 affiches est forcément plus visible qu’une compagnie qui a les moyens de s’en offrir seulement 200. Enfin, il y a une responsabilité concernant le risque d'accidents : des personnes, dont ce n’est pas le métier, vont grimper sans équipement pour coller des affiches. Bien que nous ayons eu la chance de ne pas déplorer d’accident jusqu’alors, nous ne pouvons ignorer ce risque. Les compagnies nous entendent à ce propos après, ce qu'elles veulent, ce sont de réelles solutions.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter : pour écouter la chronique Social Lab de Valère Corréard, c'est par ici : 

 

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